OPINION, Opinion – Le Pakistan ne doit pas punir collectivement les réfugiés afghans
Le gouvernement pakistanais a récemment annoncé qu'il donnait 28 jours aux "immigrants illégaux" pour quitter le pays. Ceux qui ne le font pas seront déportés de force à partir du 1er novembre. Cette mesure sans précédent est spécifiquement dirigée contre les 1,73 million d'Afghans qui ont fui en Pakistan et qui n'ont pas pu obtenir le statut de réfugié formel. Cette annonce a été faite après que le gouvernement pakistanais ait allégué que 14 des 24 attentats-suicides cette année ont été perpétrés par des individus de nationalité afghane. Cependant, aucune preuve n'a été avancée pour étayer cette affirmation.
Cette menace de déportation a été condamnée par de nombreuses organisations internationales et gouvernements. Je peux témoigner, comme de nombreux Afghans, de l'hospitalité chaleureuse que le Pakistan a montrée au peuple afghan au fil des années. Les Afghans ont eu de bien meilleures opportunités d'étudier, de vivre et de travailler au Pakistan par rapport à d'autres pays de la région. Cette longue histoire d'amitié ne devrait pas être empoisonnée par des décisions à courte vue et réactionnaires.
Le traitement des réfugiés afghans s'est déjà détérioré de manière significative au Pakistan au cours des dernières années, car ils ont été constamment blâmés pour les défaillances en matière de sécurité dans le pays. Ces dernières années, le Tehreek-e-Taliban-e-Pakistan (TTP), également connu sous le nom de Taliban pakistanais, a intensifié ses attaques contre le personnel de sécurité et les civils. Les forces de sécurité pakistanaises et l'armée ont du mal à contenir ses activités terroristes, et les responsables gouvernementaux ont accusé à plusieurs reprises les Taliban afghans d'héberger ce groupe.
Il est important de mettre ces événements en contexte. Le Pakistan a joué un rôle clé dans la création et l'accession au pouvoir des Taliban afghans dans les années 1990. Pendant les 20 ans d'occupation américaine de l'Afghanistan, l'establishment pakistanais leur a donné refuge. Le TTP est le résultat de cette relation. Les dirigeants du TTP ont tous été formés et ont développé des liens avec les dirigeants des Taliban pendant leur séjour dans les zones tribales du Pakistan. Cependant, le TTP a été formé au Pakistan et a opéré pendant la majeure partie de son existence à partir du pays. Même si l'on acceptait le fait que le Taliban afghan permet aujourd'hui aux dirigeants du TTP de opérer depuis l'est de l'Afghanistan, rappelons-nous que le peuple afghan n'a pas choisi les Taliban pour les gouverner et ne devrait pas être puni pour leurs décisions.
Rappelons également que le gouvernement pakistanais élu a été l'un des premiers à féliciter les Taliban pour la prise de Kaboul, et l'ancien Premier ministre Imran Khan l'a même qualifiée de "rupture des chaînes de l'esclavage". Il est important de noter que les Taliban afghans ont accompli des progrès concrets dans la lutte contre les groupes terroristes, ce qui a été reconnu par les États-Unis, la Chine, la Russie et les pays voisins de l'Afghanistan. Ils ont systématiquement attaqué les cellules de l'État islamique province de Khorasan, qui a revendiqué un attentat-suicide meurtrier en juillet dans la province de Khyber Pakhtunkhwa au Pakistan. Leur gouvernement à Kaboul a également fait des efforts pour répondre aux préoccupations de sécurité du Pakistan concernant le TTP. En 2022, les Taliban ont organisé des négociations entre le Pakistan et le TTP qui ont abouti à un cessez-le-feu de cinq mois. Lorsque l'armée pakistanaise a effectué des raids aériens en avril de l'année dernière sur le territoire afghan, violant la souveraineté de l'Afghanistan et tuant des civils, le gouvernement taliban a réagi de manière plutôt modérée, condamnant les attaques comme étant "cruelles", une réaction assez impopulaire parmi les Afghans. Ensuite, en août, le leader suprême des Taliban, Hibatullah Akhundzada, a émis un décret interdisant les attaques transfrontalières. Fin septembre, les forces du gouvernement taliban ont détenu environ 200 combattants du TTP sur le territoire afghan.
Dans le contexte de tous ces événements, il est regrettable que le gouvernement pakistanais ait décidé d'ignorer le potentiel de coopération sécuritaire significative et de prendre une décision populiste et inhumaine d'expulser les Afghans. Le Pakistan est une nation née lors de la plus grande migration de personnes de l'histoire moderne. Son peuple sait ce que signifie chercher un refuge sûr. Ils connaissent également le traumatisme de la punition collective. Aujourd'hui, alors que les Pakistanais se dressent pour dénoncer la punition collective d'Israël à l'égard des Palestiniens, ils ne devraient pas fermer les yeux et rester silencieux sur la décision d'expulser une population afghane presque aussi nombreuse que celle de Gaza.
J'appelle nos amis au Pakistan à faire appel à leur gouvernement et à exiger qu'il respecte les droits fondamentaux des réfugiés afghans à la dignité et à la sécurité. Comme l'a dit la poétesse afro-américaine Maya Angelou : "Personne ne quitte son foyer à moins que son foyer ne soit la gueule d'un requin." Les Pakistanais ne devraient pas laisser ceux qui ont le plus besoin de gentillesse devenir les victimes de politiques étrangères mal conçues. Si cette cruelle mesure de déportation est mise en œuvre, elle aura un impact négatif sur les relations entre les deux pays pendant des années à venir.
Les opinions exprimées dans cet article sont propres à l'auteur et ne reflètent pas nécessairement la position éditoriale d'Al Jazeera.