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Départ de Kilicdaroglu, la Turquie tourne la page d’un rival d’Erdogan

par Sara
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Départ de Kilicdaroglu, la Turquie tourne la page d'un rival d'Erdogan

La politique turque connaît un tournant majeur avec le départ de Kemal Kilicdaroglu, ancien chef du Parti républicain du peuple (CHP), après des années de rivalité avec Recep Tayyip Erdogan. Ce départ intervient après sa défaite lors des élections présidentielles et législatives de mai dernier, mettant fin à une présidence de treize ans à la tête du parti. Kilicdaroglu a été battu par Ozgur Ozel lors des élections internes du parti, ce dernier remportant ainsi la huitième présidence du CHP avec 812 voix sur les voix des délégués lors de la trente-huitième conférence du parti qui s’est tenue le 4 novembre.

La carrière politique de Kilicdaroglu a été marquée par de nombreuses défaites. En 2010, il a pris la présidence du CHP après la démission de Deniz Baykal suite à une vidéo compromettante divulguée par le mouvement Gülen, qui cherchait à remodeler l’opposition turque. Avant cette prise de fonction, Kilicdaroglu a occupé différents postes dans la fonction publique, commençant comme simple employé pour finir à la présidence de l’Institution de Sécurité Sociale, qui a connu une forte baisse de ses services au public.

Ces diverses expériences lui ont permis d’acquérir une grande expertise dans la gestion des conflits et des divergences au sein de son parti. Malgré cela, il n’a jamais réussi à remporter une élection face à l’AKP d’Erdogan. Même avant de prendre la présidence du CHP, Kilicdaroglu avait déjà subi une défaite lors des élections municipales d’Istanbul en 2009, face à un candidat de l’AKP.

Il serait injuste de mettre la responsabilité de l’absence du parti au pouvoir uniquement sur les épaules de Kilicdaroglu. Depuis les élections de 1950, remportées par le Parti démocratique, dirigé par Adnan Menderes, le CHP n’a pas réussi à former seul un gouvernement, à l’exception des périodes suivant les coups d’État militaires, notamment après le coup d’État de 1960 contre Menderes, lorsque le chef du CHP, Ismet Inonu, a été chargé de former le gouvernement en novembre 1961. En l’absence de coups d’État, le parti n’a pas réussi à remporter la majorité lui permettant de former seul un gouvernement, choisissant plutôt de participer à des coalitions plus larges, comme celle formée en 1974 par Bulent Ecevit avec le Parti de la sécurité nationale conservateur dirigé par Necmettin Erbakan. Le gouvernement formé par Ecevit en 1999 a été constitué après son départ du CHP et la fondation du Parti démocratique de gauche.

Malgré ces défaites, Kilicdaroglu est parvenu à remporter des élections municipales importantes en 2019, notamment à Istanbul, Ankara et Antalya, remportant ainsi des villes clés à l’AKP. Il a également tenté de tourner la page de la discrimination contre les femmes portant le voile à plusieurs reprises, mais ses efforts n’ont pas convaincu l’opinion publique turque, en particulier les conservateurs.

Cependant, Kilicdaroglu a commis des erreurs stratégiques évidentes, telles que la tentative de transformer le parti en un parti « alévi » au détriment des « kemalistes », ce qui a conduit à la fuite de nombreux membres, dont le candidat présidentiel précédent, Muharrem Ince. Il n’a pas non plus réussi à développer le discours du parti et à insister sur une alliance avec le Parti démocratique des peuples (HDP), connu pour ses liens étroits avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ses alliances lors des dernières élections ont été désastreuses, offrant à des partis de droite conservateurs près de 40 sièges au parlement sans aucune justification.

Maintenant, la question se pose de savoir si Ozgur Ozel, le successeur de Kilicdaroglu, pourra réparer les erreurs commises par son prédécesseur. Ozel, issu d’une famille d’émigrés des Balkans, est encore jeune, n’ayant pas encore atteint 50 ans. Il a commencé sa carrière en tant que pharmacien avant de rejoindre le CHP et de devenir député de la province de Manisa, puis vice-président du groupe parlementaire et enfin président lors de la dernière session.

Ozel est connu pour son style populiste, parfois excessif, qui suscite souvent la controverse et qui a même conduit certains devant les tribunaux turcs. Malgré son parcours au sein du parti, il ne bénéficie pas de l’expérience de Kilicdaroglu ni de sa capacité à gérer les conflits internes au parti, ni de sa vision pour une réconciliation partielle avec les valeurs et la culture de la société turque.

Il est donc encore trop tôt pour dire si le parti connaîtra des changements significatifs sous sa présidence. Il faudra observer sa capacité à développer son style et son discours politique au-delà de l’idéologie classique du parti. Ozel ne dispose que de quatre mois avant les élections municipales, qui constitueront un véritable test pour lui et révéleront sa capacité à former des alliances avec d’autres partis, à sélectionner des candidats et à conserver la présidence des grandes villes. Ces élections nous diront également si le parti est sur le point d’une nouvelle ère ou s’il continuera dans la même direction qu’il suit depuis des décennies, c’est-à-dire la direction de l’opposition turque.

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