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Comment l’est de la RDC est devenu une zone de conflit sanglant

par Sara
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Comment l'est de la RDC est devenu une zone de conflit sanglant

Comment l’est de la RDC est devenu une zone de conflit sanglant

La région de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) vit une situation de conflits persistants depuis des décennies, devenant ainsi un théâtre de guerre où s’affrontent de vastes groupes de factions armées. Ce conflit est décrit comme l’un des plus meurtriers depuis la Seconde Guerre mondiale, avec certaines estimations avançant un nombre de victimes avoisinant les 6 millions d’individus.

Les provinces septentrionale et méridionale de Kivu ainsi qu’Ituri à l’est du pays sont des foyers de conflits mêlant des motivations politiques, économiques et ethniques transcendant les frontières. Ces trois provinces frontalières, riches en ressources naturelles, sont devenues des arènes de compétition géostratégique intense entre les voisins de la RDC, alimentant directement la complexification des crises actuelles.

Les politiques coloniales et l’institutionnalisation de la discrimination

Le différend sur la congolité de certaines groupes ethniques constitue l’un des moteurs principaux du conflit dans la région, et les actions prises par les autorités au cours de la colonisation belge (1885-1960) ou après ont contribué à l’intensification de cette problématique identitaire.

En mettant en place les structures du pouvoir local, Bruxelles a renforcé le rôle des tribus Tutsi en tant qu’intermédiaires entre elle et les habitants de l’est de la RDC, installant ainsi des dirigeants Tutsi, qu’ils soient autochtones (Banyarwanda) ou arrivés du Rwanda (Manya Rwanda). Ceci a poussé les populations autochtones (Banyamulenge, majoritairement Hutu) à céder le pouvoir et l’influence aux minorités Tutsi.

Dans ce contexte, Bruxelles a reproduit son expérience au Rwanda et au Burundi voisins dans l’est de la RDC, contribuant ainsi aux massacres du Rwanda dans les années 90.

Le professeur Mahmoud Mamdani, un important chercheur en études africaines, a examiné ce rôle dans sa quête des origines de ces massacres, expliquant que la colonisation a transformé la discrimination en une « structure institutionnelle », où le racisme tutsi était le résultat d’un projet conjoint entre l’État colonial et l’Église catholique.

Les répercussions de ces politiques se sont manifestées plus tard, avec le déclin de la colonisation, et l’émergence de questions sur qui avait le droit de façonner la nouvelle réalité politique de la région. Les autorités traditionnelles des tribus de la région ont nié la congolité des Tutsi dans leur ensemble, les exhortant à retourner au Rwanda, une demande rejetée par les Tutsi. Ce conflit est devenu le principal aliment de la crise persistante dans l’est de la République démocratique du Congo.

Force armée des républiques démocratiques du Congo

L’état-nation et la question d’identité

Les décisions gouvernementales post-indépendance ont contribué à approfondir le conflit identitaire dans l’est du pays. Le président congolais Mobutu Sese Seko (1965-1997) a préféré soutenir les minorités ethniques pour consolider son pouvoir sans menacer son autorité. En 1972, il a émis un décret octroyant la citoyenneté congolaise à tous les résidents d’origine rwandaise ou burundaise établis en RDC depuis avant 1950.

Cette décision a suscité un vif mécontentement, car le nombre croissant des « Banyarwanda » s’appropriait des terres dans le nord et le sud de la région de Kivu.

Selon une étude du professeur Hamdi Abderrahman sur le conflit dans la région des Grands Lacs, le mécontentement populaire a conduit Mobutu à modifier sa politique en édictant une loi en 1981 liant la citoyenneté à l’appartenance ethnique à l’une des groupes ethniques qui existaient à l’intérieur des frontières de la RDC en 1885.

Cette mesure a privé un grand nombre de « Banyarwanda » du droit de citoyenneté et de leurs terres, prises par des groupes congolais locaux affirmant qu’elles étaient les terres de leurs ancêtres, accentuant ainsi la question foncière qui reste au cœur du conflit entre les « Banyarwanda » et d’autres Congolais dans les provinces de Kivu nord et sud.

Ces décrets, visant à instaurer des équilibres permettant à Mobutu de conserver sa capacité de contrôler à la fois la société et le pouvoir, ont exacerbé la crise et déclenché des conflits liés à l’identité et à la terre. Le pays continue de souffrir dans cette spirale, malgré sa sortie du pouvoir il y a plus de 25 ans.

La corruption des élites politiques

Les autorités politiques congolaises ont enraciné pendant des décennies un modèle de corruption « institutionnalisée » et organisée en créant des réseaux informels d’intérêts qui infiltrent les institutions de l’État et exploitent la vaste richesse du pays pour maximiser les gains des dirigeants politiques corrompus.

Alors que l’intérêt de l’État aurait dû être d’utiliser les ressources de l’est du Congo en élaborant des accords politiques mettant fin à la violence et donnant au gouvernement le contrôle des opérations minières et de leurs profits, le comportement des élites politiques face au conflit était un mélange « d’indifférence, d’impuissance et d’opportunisme », selon la description de l’expert congolais Jason Stearns, ce qui rend parfois la perpétuation du conflit nécessaire pour maintenir les gains de ces élites.

La corruption de l’institution militaire

La corruption des forces politiques s’est reflétée au sein de l’institution militaire, où l’armée congolaise est devenue un réseau de loyautés non seulement basées sur des origines ethniques, mais aussi sur des facteurs liés au service commun lors des guerres ou sur des intérêts matériels reposant sur des réseaux de corruption et de favoritisme, les nominations et les promotions étant déterminées par des critères non professionnels, ce qui a réduit les capacités opérationnelles des forces armées de l’État.

Les conséquences de la corruption au sein des forces armées, relevées par Stearns dans son livre « La guerre sans nom : le conflit sans fin au Congo », ont conduit à la légitimation de la détournement de fonds et d’équipements militaires, sapant ainsi « l’efficacité opérationnelle. Souvent, les forces se sont retrouvées en première ligne sans nourriture, munitions, fournitures médicales ou équipements de communication adéquats ».

Dans son étude publiée en 2021, le chercheur de l’Institut danois d’études internationales Peter Schouten met en lumière l’émergence de liens d’intérêts croisés entre certains chefs de l’armée congolaise et des groupes armés rebelles, transformant la pérennité du conflit en un moyen de génération d’avantages pour les deux parties.

Dans ce contexte, Schouten décrit comment le mouvement du « Nouveau Congrès national pour la défense du peuple (NDCRenové) » a maintenu des relations commerciales lucratives avec les chefs militaires locaux, échangeant de l’or des mines dont il contrôlait contre des munitions, lui permettant de « construire une économie à grande échelle autour de l’intégration horizontale de l’orpaillage et du système fiscal à travers des jetons à travers une zone en expansion constante ».

Les féodalités des rebelles

La région de l’est de la République démocratique du Congo est riche en diverses ressources naturelles telles que l’or, le diamant, le pétrole et d’autres métaux précieux.

Selon une publication du « Centre africain pour la résolution constructive des conflits », cette richesse a permis aux mouvements rebelles de la région de mettre en place des ressources suffisantes pour établir ce qui peut être décrit comme des féodalités politiques, les aidant à établir des économies favorables à la continuité de leurs activités. Ceci a conduit le président rwandais Paul Kagame à qualifier la guerre dans l’est du Congo de « financement autonome ».

Les sources de cet économie sont variées, allant de la maîtrise des vastes ressources minérales à l’imposition de taxes et de redevances dans les zones sous contrôle de ces mouvements, tandis que les liaisons de certains de ces mouvements avec les intérêts politiques et économiques des élites dans les pays voisins ou à l’intérieur de la République démocratique du Congo leur ont fourni une protection et la capacité à perpétuer leurs activités dans certains cas.

L’est de la RDC et la rivalité géostratégique

L’est de la République démocratique du Congo s’est transformé en un lieu de rivalité géostratégique acharnée entre plusieurs de ses voisins, mêlant des motivations sécuritaires, ethniques, économiques et le désir d’affirmer la domination régionale, tandis que les conditions de faiblesse chronique que subit le Congo, en raison des guerres et des tensions constantes, ont été exacerbées.

Dans ce contexte, la position géographique de l’est de la RDC, bordant le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda et l’entrelacement ethnique avec les communautés des pays voisins, a fait de la région un foyer de vagues de réfugiés résultant des troubles politiques et ethniques continus, créant des concentrations humaines qui ont servi de réservoir humain pour de nombreuses milices armées locales ou fuyant les pays voisins, profitant du vide sécuritaire parfois créé par Kinshasa, ou en étant hébergées par les propres autorités dans le cadre de guerres par procuration traditionnelles dans la région des Grands Lacs.

Dans ce contexte, le prestigieux « Groupe International Crisis » signale une escalade de la rivalité géostratégique entre l’Ouganda et le Rwanda pour s’affirmer comme la puissance régionale dominante. Cette rivalité a transformé l’est de la République démocratique du Congo en un champ de bataille entre les deux pays, où le Rwanda et l’Ouganda parrainent des milices armées opposées, profitant du vide sécuritaire dans la région.

Économiquement, l’Ouganda, le Burundi et le Rwanda bénéficient de l’absence d’autorités congolaises dans l’est du pays pour profiter directement des ressources naturelles de la région, que ce soit par le biais de leurs propres agents des milices armées.

Une note émanant du « Centre africain d’études stratégiques » rappelle que les rebelles de l’est du Congo soutenus par le Rwanda et l’Ouganda contrôlent des chaînes d’approvisionnement stratégiques s’étendant des mines de Kivu nord et sud vers les deux pays, captant les revenus du trafic de l’or, du diamant et du coltan pour acheter des armes et recruter des travailleurs miniers, des artisans, et soudoyer les fonctionnaires des douanes et des frontières congolais.

Et en raison de ces complexités, les accords de paix successifs n’ont pas permis de tenir bon et de faire passer le pays à une étape post-conflit, mais ces règlements ont souvent ouvert la voie à de nouvelles dissensions qui rapidement trouvent leur soutien dans des capitales rivales, illustrant les méandres des conflits dans une région qui n’a pas connu la paix depuis des décennies.

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