Pas le choix, les Manipuris d’Inde ne peuvent revenir un an après leur fuite
Lingneifel Vaiphei s’est effondrée au sol, en proie à l’agonie après avoir vu le corps sans vie de son bébé allongé sur un brancard en acier froid dans une morgue à Chennai, la capitale de l’État méridional du Tamil Nadu en Inde.
Le corps de Steven était étroitement enveloppé dans un châle en laine rayée, traditionnellement porté par la tribu Kuki-Zo du nord-est de l’État du Manipur. Son visage était devenu bleu. Il n’avait que six mois.
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Une année de violence meurtrière
Steven est né l’hiver dernier à Chennai, à près de 3 200 km de l’endroit que ses parents considèrent comme leur foyer au Manipur, en proie à des affrontements ethniques mortels entre les Meitei, majoritairement hindous, et les Kuki-Zo, principalement chrétiens, depuis un an maintenant.
Les Meitei, environ 60 % des 2,9 millions de personnes du Manipur, sont concentrés dans les zones plus prospères de la vallée autour de la capitale de l’État, Imphal. Les Kuki-Zo et les Nagas, un autre groupe tribal important, vivent principalement dans des établissements dispersés dans les collines autour de la vallée. Les tribus représentent environ 40 % de la population de cet état himalayen.
Enterrement de l’enfant de Lingneifel dans un cimetière de Chennai, Tamil Nadu [Greeshma Kuthar/Al Jazeera]
Les Meitei sont politiquement dominants. Le gouvernement de l’État est dirigé par le Chef Ministre N Biren Singh, un Meitei et membre du Bharatiya Janata Party (BJP), le parti nationaliste hindou du Premier Ministre Narendra Modi. Sur les 60 membres de l’assemblée législative du Manipur, 40 sont des Meitei.
La « négation » du BJP au pouvoir
L’ampleur de la mort et du déplacement auxquels sont confrontés les Manipuris des deux côtés de la fracture ethnique a, selon les critiques du BJP, été largement absente de la narration du Premier Ministre.
Le 8 avril, dans une interview à un journal basé dans l’État voisin de l’Assam, Modi a déclaré qu’une « intervention opportune » des gouvernements fédéral et étatique avait entraîné une « amélioration marquée de la situation ».
Conflit lors des élections de 2024
La violence a contraint les autorités à organiser les élections générales en deux phases : les 19 et 26 avril. Malgré une sécurité massive, plusieurs incidents de violence et de fraude électorale ont été signalés, obligeant les autorités à procéder à des re-votes dans plusieurs bureaux de vote.
De nombreux Manipuris accusent Arambai Tenggol, une milice armée alléguée soutenue par le BJP au pouvoir, de la violence et de la fraude électorale. Le Congrès national indien, dans une conférence de presse le 19 avril, s’est plaint de « violences de masse sans précédent et de captations de bureaux de vote dans la région vallonnée par des groupes armés ».
Panneau à l’aéroport d’Imphal, capitale du Manipur [Greeshma Kuthar/Al Jazeera]
Conclusion
La complexité et la gravité de la situation au Manipur persistent, marquant une communauté confrontée à des défis et des tensions profondes. Les enjeux politiques et ethniques continuent de façonner la réalité des Manipuris, les laissant avec peu d’options tangibles pour un avenir serein.