Philosophie du droit et éthique coranique : une réflexion profonde
Comprendre la relation entre l’islam en tant que religion ultime et sa dimension politique universelle requiert d’abord de cerner ce que l’on appelle la « démarche abstraite de l’État ». Cette dernière se manifeste dans la dualité des fonctions humaines, que l’on retrouve dans les aspects matériels et spirituels de l’existence humaine. L’État abstrait repose sur la nécessité d’une communauté qui garantit les conditions d’existence de l’individu, tant sur le plan organique que spirituel, s’appuyant à la fois sur la nature et sur l’histoire.
Cette dynamique se construit autour de deux représentations :
- Une représentation cosmique, qui renvoie aux conditions éternelles de l’existence humaine, en tant qu’être chargé d’une mission sur terre, avec une conscience de son idéal, qu’il soit religieux ou naturel.
- Une représentation concrète, consistant en l’action historique de l’homme cherchant à réaliser ces conditions au mieux de ses capacités, soit en suivant son idéal, soit en mettant en œuvre ce dernier dans la réalité.
Avant d’approfondir les interactions entre la jurisprudence et le droit, il est essentiel de clarifier ma position sur la science des finalités (maqasid), qui repose sur deux postulats opposés tant à la charia qu’au droit positif. En effet, la législation positive ne saurait échapper à un principe qui transcende la volonté humaine.
Le droit positif semble attribuer la base première à la seconde, assimilant ainsi la législation divine à celle de l’homme, tandis que ni la législation divine ni le droit positif ne renvoient leur référence naturelle à l historicalité, progéniture d’un mélange entre la nature et la connaissance de celle-ci.
- Les éléments éternels de la législation ne peuvent être appauvris au point d’attendre une amélioration par ceux qui avancent des finalités, dès lors que la loi est l’expression de la volonté de Dieu, le Nouvel Ordre, et que celui-ci est le juge final des comportements humains.
- Il est également impossible pour quiconque désireux d’enrichir la loi de la ramener aux historiquités du droit sans dénier le mystère, prétendant ainsi que la connaissance humaine embrasse tout ce qui existe.
Il est donc naturel que je refute l’approche des finalités telles qu’interprétées par ceux qui voient en elles des moyens de compléter les textes législatifs, pensant à tort qu’elles évoluent historiquement comme les lois positives, alors qu’aucun droit ne peut se soustraire à des constantes immuables. Ces principes sont communs au droit positif et au droit divin.
Les finalités de la charia, qui transcendent ce qui est suprême aux législations historiques, qu’elles soient humaines ou divines, ne se retrouvent pas dans cette dernière. Au contraire, ce que l’on trouve dans le droit positif en tant que déformation du droit divin comporte des éléments cosmiques nécessaires à l’existence humaine.
Les finalités essentielles dans la législation
Quelles sont donc ces constantes qui peuvent être considérées comme des finalités transcendantales dans chaque législation ? Ce sont ce que l’on appelle à tort les cinq finalités nécessaires, qui s’appliquent à chaque groupe humain, car elles représentent les conditions d’existence organique et spirituelle, rangées selon leur importance :
- La propriété est le premier droit car elle exprime la volonté libre de l’individu, établissant ainsi les bases nécessaires pour le développement de l’interaction communautaire.
- La filiation est le second principe nécessaire, car elle conditionne la continuité et la cohésion des groupes humains. L’établissement d’une famille est essentiel pour le développement et la pérennité de la société.
- La dignité des individus au sein d’un groupe est la troisième valeur, car elle est un moteur essentiel de la liberté de volonté et se manifeste par la préservation de la dignité humaine.
- La référence transcendante, qui surplombe les réalités concrètes, est le quatrième fondement, que cela concerne le divin ou la nature.
- Enfin, l’intellect est un don essentiel à l’humanité, garantissant une protection contre l’ignorance et la soumission, permettant ainsi une gouvernance éclairée.
Ces éléments, à la fois organiques et spirituels, définissent les besoins humains et le cadre législatif nécessaire pour protéger ces valeurs. Ainsi, la législation se révèle être le composé indispensable entre l’existence matérielle et spirituelle de l’homme.
Ce qui en découle est une structure juridique correspondant à l’exigence d’un état de droit informé par la nécessité, ancrée dans la réalité des besoins physiques et spirituels des individus. L’humanité, par conséquent, est vouée à l’établissement d’un ordre systémique permettant d’harmoniser les interactions sociales et de préserver l’intégrité des valeurs humaines.
Dans cette perspective, la compréhension des vérités éternelles, qui fondent les valeurs éthiques et juridiques, est primordiale pour établir le véritable sens de la justice et de l’harmonie sociale. La quête de cette compréhension constitue à la fois un défi et une aspiration pour l’humanité dans son ensemble.