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La frontière jordano-syrienne, un danger pour la région

par Sara
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La frontière jordano-syrienne, un danger pour la région

La frontière jordano-syrienne, une menace pour la région

La frontière nord et est de la Jordanie avec la Syrie s’étend sur plus de 375 kilomètres, devenant une source de maux de tête sécuritaires pour l’État jordanien et la région arabe depuis le début de la révolution syrienne, qui a évolué en conflit armé. La situation s’est aggravée depuis le retrait de la Russie engagée dans le conflit ukrainien, augmentant ainsi l’influence iranienne dans ces territoires.

La République du Captagon

Avec l’entrée en vigueur, en juin 2020, de la loi César imposée par l’administration américaine au régime syrien, celui-ci et les milices iraniennes présentes en Syrie se sont de plus en plus tournés vers le trafic de drogues pour sécuriser des sources de revenus afin de financer les appareils du régime et les milices.

Le gouvernement britannique a indiqué que la Syrie produit 80 % des Captagons, un type de drogue, dans le monde. Selon une enquête, la quatrième division de l’armée syrienne, liée directement au frère du Président syrien, est responsable de l’établissement d’usines pour la fabrication de Captagons en Syrie et dans la Bekaa libanaise, en collaboration avec le Hezbollah. Elle facilite également le trafic vers la Jordanie via la frontière syrienne, visant les marchés jordaniens, du Golfe arabe et européens par le port de Lattaquié.

L’enquête révèle qu’au cours des cinq premiers mois de 2023, les autorités du Moyen-Orient ont saisi cent millions de comprimés de Captagon. L’Arabie Saoudite à elle seule a saisi cent millions de comprimés durant l’année 2023, dont la valeur est estimée à deux milliards de dollars. En 2022, la Jordanie a saisi soixante-cinq millions de comprimés, tous provenant de Syrie.

Il existe en Syrie onze usines principales de production de Captagon, réparties dans toutes les provinces, notamment à As-Suwayda, Alep et sur la côte. Plus de 80 petits laboratoires sont principalement situés dans la région de Daraa, chaque laboratoire pouvant produire plus de mille comprimés par jour. Des hommes d’affaires proches du Hezbollah libanais fournissent aux fabricants et aux réseaux de production les matières premières et les équipements nécessaires, importés notamment d’Inde et de Chine sous couvert de matériaux pour la production médicale. La valeur d’une machine de fabrication est estimée à pas plus de trente mille dollars.

La quatrième division de l’armée syrienne supervise la fabrication et le transport des drogues entre les provinces syriennes et leur contrebande à l’étranger. Toutes ces activités se déroulent sous l’œil du régime syrien, qui compte entièrement sur ces opérations pour financer ses appareils; elles lui génèrent des revenus annuels estimés à plus de 5.6 milliards de dollars.

Les milices et les services de sécurité syriens utilisent les citoyens syriens vivant dans les régions frontalières, âgés de 18 à 35 ans, pour le trafic après les avoir formés. Alors qu’un citoyen syrien gagne entre 20 et 25 dollars par mois, une seule opération de contrebande peut lui apporter plus de dix mille dollars, ce qui attire beaucoup dans cette dangereuse aventure.

En mars 2023, les États-Unis ont imposé des sanctions à des individus proches du régime d’Assad, en réponse à leur implication dans la fabrication et le trafic de Captagon. En mai, le Président syrien a assisté au sommet arabe de Djeddah, ce qui est perçu comme une victoire politique pour son régime. Cette participation était conditionnée par un arrêt de la production de drogues par le régime, ce qui ne s’est pas concrétisé.

Visée de l’espace jordanien et arabe

Dans sa quête d’élargir son influence dans la région, l’Iran exploite le chiisme dans les zones à majorité chiite, comme son emprise sur quatre pays arabes : l’Irak, la Syrie, le Liban et le Yémen. Dans d’autres contextes, l’Iran se sert de la question palestinienne pour étendre son influence.

Tandis que l’Iran se présente toujours comme un projet régional, la politique américaine écarte systématiquement les grandes puissances de son projet et refuse de coopérer avec elles dans les régions où elle a des intérêts. Les États-Unis préfèrent un chef de projet constitué de petits pays facilement contrôlables et sans aspiration à s’éloigner des intérêts américains. Ainsi, ils se servent d’Israël et cherchent à utiliser un futur État kurde.

Après le recul russe en Syrie, l’Iran a déployé sa milice “Al-Fatimiyoun” en Syrie, un groupe comptant entre sept et dix mille combattants afghans. Formée sur les bases iraniennes en Syrie, elle porte l’uniforme de l’armée régulière syrienne et est déployée le long de la frontière jordano-syrienne.

L’Iran cherche à étendre son influence jusqu’aux frontières nord de l’Arabie Saoudite, ce qui constituerait une avancée significative dans son hégémonie régionale et un allongement du front contre Israël via la Jordanie.

L’Iran, en quête d’atouts pour négocier avec le projet américano-israélien dans la région, a proposé de fournir gratuitement du pétrole à la Jordanie pendant trente ans, en échange de l’ouverture du tourisme religieux et de l’exportation de produits nécessaires en Iran. Cependant, ces offres sont restées lettre morte, car la Jordanie est consciente des arrière-pensées politiques et sécuritaires des ambitions iraniennes sur son territoire.

La composition démographique jordanienne ne comporte pas de minorité chiite, mais l’Iran a tenté de déstabiliser l’intérieur jordanien pour pouvoir y envoyer ses milices et prendre le contrôle. Il a exploité la crise syrienne pour s’immiscer dans la région jordanienne et y établir une présence en y acheminant des armes.

Les options jordaniennes

La Jordanie est consciente du projet expansionniste iranien dans la région et de sa tentative de couvrir une vaste géographie pour augmenter son pouvoir de négociation avec le projet occidental. Elle aborde la question avec lucidité et grande prudence.

Les options jordaniennes paraissent limitées, mais elles ont démontré leur efficacité et capacité à contrôler la situation à travers plusieurs axes :

  • Les contacts diplomatiques avec la Russie et l’Iran, la coordination avec le régime syrien pour des accords avec le côté iranien dans le sud syrien, afin de déterminer la nature de la relation avec cette influence qui constitue aujourd’hui une menace majeure pour la sécurité intérieure et extérieure de la Jordanie. Le royaume coordonne également avec les pays arabes environnants pour renforcer le contrôle des forces du régime syrien sur la frontière jordano-syrienne.
  • La Jordanie a réagi à la menace sécuritaire le long de la frontière en modifiant les règles d’engagement, considérant tout mouvement venant de la frontière syrienne comme une menace directe. Elle a également renforcé la présence de l’armée et de la sécurité le long de la frontière syro-jordanienne.
  • L’aide américaine a permis d’établir un système de surveillance des frontières, et en 2023, la Jordanie a demandé à être davantage équipée en systèmes Patriot et en technologie contre les drones utilisés par les milices iraniennes.
  • Des attaques ciblées ont été menées par la Jordanie contre des leaders et des centres de fabrication de drogues et d’armes en Syrie.
  • Des campagnes de sécurité ont été conduites contre les réseaux de trafic de drogues en Jordanie, avec quarante pour cent des condamnés en prisons jordaniennes incarcérés pour crimes liés aux drogues.

La Jordanie subit des pressions sécuritaires importantes, exacerbées par la guerre à Gaza et les tentatives de la droite israélienne d’expulser les Palestiniens vers la Jordanie et l’Égypte.

La Jordanie se voit comme le premier rempart de la région face aux tentatives des milices iraniennes, mais elle est également grandement épuisée. Sa capacité à faire face à ces menaces dépend des accords russo-jordaniens, du soutien militaire et technique américain, de la réduction des tensions en Cisjordanie et à Gaza, et de la coopération avec les pays du Golfe pour soutenir et renforcer ses capacités afin de mener à bien sa mission avec le minimum de pertes.

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