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Les mots comme armes : la langue soudanaise en péril

par Sara
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Les mots comme armes : la langue soudanaise en péril

# Les mots comme armes : la langue soudanaise en péril

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<h2>Contexte historique</h2>
<p>Ces derniers jours, des rencontres intensives ont eu lieu entre journalistes au Soudan dans le but de trouver un terrain d’entente qui aidera à atténuer les effets de la guerre imposée au pays dans plusieurs domaines. Comme l’a dit l’Arabien ancien « la guerre commence par des paroles ».</p>
<p>Cette affirmation a devancé celle de l’Allemand Clausewitz de huit siècles (1), qui percevait la guerre comme un acte politique par d’autres moyens. Souvent, les mots utilisés dans ce contexte peuvent être plus puissants que l’épée et les flèches, influençant l’esprit et le cœur des gens et les menant au désastre.</p>
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<h2>Évolution historique</h2>
<p>Pendant la fin du Moyen Âge, la pensée européenne a été plus méticuleuse, associant l’action militaire au travail politique, considérant que la guerre, en toutes circonstances, avait pour origine et objectif un but politique.</p>
<p>De son côté, Nasr ibn Sayyar a relié cette idée à l’expression verbale provocatrice, qui a évolué pour devenir plus tard le terme « Science du kalam » (2), déclenchant une guerre intellectuelle entre les Mutazilites et les Sunnites, en déviant légèrement des connotations originelles.</p>
<p>Ces débats ont évolué pour devenir des luttes d’idées parmi les élites, évitant le recours à la violence, épargnant de nombreuses vies civiles. Cela est devenu l’objet de l’approche moderne de la linguistique, comme mentionné par Noam Chomsky.</p>
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<h2>Importance du langage en temps de guerre</h2>
<p>L’attention portée au langage en temps de guerre n’est donc pas un luxe. Purifier le discours des significations socialement corrompues afin d’éviter les divisions et de combler les prétextes à la dissension est un devoir primordial. De surcroît, examiner et comprendre les termes de l’adversaire permet au camp engagé de prendre une avance dans le domaine de la pensée et de la culture.</p>
<p>Le langage permet de choisir soigneusement le terrain de la bataille, ce qui fait de lui une arme civilisationnelle pour obtenir la victoire. Nous revenons ainsi à l’idée d’origine : le langage influence l’esprit humain, et les humains initient et alimentent les guerres, qui à leur tour sont des actes politiques par des moyens d’expression violents.</p>
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<h2> »La poésie, mémoire des Arabes »</h2>
<p>Il est bien connu que le langage est la clé pour comprendre toute question abordée ou combattue. Chaque peuple se distingue des autres et de ses prédécesseurs par son interaction avec le langage et la culture prédominante de son époque.</p>
<p>Cette influence reste évidente à travers ce qu’il inscrit pour l’histoire et pour les générations futures. Les livres sacrés (la Torah, l’Évangile, le Coran), la poésie préislamique ou en début de l’Islam, sont autant d’exemples de ces origines « linguistiques » qui ont documenté l’histoire des peuples, faisant du langage une véritable archive de leurs événements. « La poésie est la mémoire des Arabes ».</p>
<p>Cette expression signifie que la poésie était le registre qui documentait leur état, leur vie et leur niveau de civilisation à cette époque. Les épopées de l’Iliade et de l’Odyssée ont sauvegardé les histoires d’Homère et d’Héraclès, se manifestant jusqu’à nos jours pour narrer l’état de la société dans la littérature grecque.</p>
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<h2>Nécessité d’une vigilance linguistique</h2>
<p>Les peuples ont peut-être péri dans leurs guerres, mais leurs empreintes culturelles et linguistiques, produites par la littérature de leur époque, sont restées et sont devenues des exemplaires transmis de génération en génération. Des expressions comme « une guerre où nous n’avions ni chameau ni dromadaire » (3) ou le « talon d’Achille », qui ont survécu des siècles, illustrent bien cette pérennité.</p>
<p>La chute de nombreuses élites intellectuelles incapables d’innover linguistiquement a conduit à un besoin impérieux de vigilance linguistique populaire. Cela après l’échec des associations professionnelles qui se sont politisées, négligeant leur rôle éclairant et abandonnant leur devoir de protéger la langue contre toute forme de pollution, qu’elle soit émanant des médias officiels ou populaires sans lien avec le dialecte originel des Soudanais.</p>
<p>Cette langue, qui a eu une grande contribution culturelle dans son environnement arabe et africain depuis l’époque du suiveur d’Ahmed bin Abi Habbi Al-Nubi, devenu mufti de Damas au deuxième siècle hijri (4), jusqu’au professeur Abdullah Al-Tayyib, dont les Soudanais sont fiers pour ses grandes contributions scientifiques à la création de facultés et d’instituts de langue arabe dans la ceinture sahélienne et saharienne, a rayonné au-delà de cette région.</p>
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<h2>Rôle des médias dans la guerre des mots</h2>
<p>Il est impensable de sous-estimer le rôle du langage dans la guerre. Les expériences historiques, depuis l’époque des Mu’allaqat dans la période préislamique jusqu’à Hassan ibn Thabit au début de l’Islam, démontrent comment les médias servaient à mobiliser pour le combat. À l’ère moderne, l’usage du langage a évolué pour bâtir une formation combattante.</p>
<p>L’historien militaire britannique Max Hastings (6) a évoqué comment Winston Churchill mobilisa la langue anglaise, transformant celle-ci en une unité de combat qui a joué un rôle majeur dans le renversement du cours de la guerre.</p>
<p>Ce rôle fonctionnel du langage n’a pas seulement consisté à galvaniser l’enthousiasme du peuple britannique mais a été étendu pour construire une coalition internationale fondée sur des valeurs culturelles communes (primée par l’anglosphère incluant la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande) avec leurs colonies.</p>
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<h2>Comparaisons historiques et linguistiques</h2>
<p>Lorsqu’on compare différentes périodes de l’histoire du Soudan, particulièrement les périodes de transition, on constate que, malheureusement, l’élite politique soudanaise actuelle souffre d’un effondrement sévère de la créativité linguistique. Ainsi, après le soulèvement d’avril 1985 et la chute du régime de Nimeiri, l’élite politique de l’époque avait forgé le terme « Sadenna » pour désigner ceux qui avaient soutenu le régime déchu, en particulier durant ce qu’ils appelaient la « période de l’imamat néo-nimérien » (8).</p>
<p>Cette terminologie suggérait qu’ils comparaient les partisans de Nimeiri aux gardiens de la Kaaba, empreinte linguistique symbolisant une association à l’époque néo-nimérienne. En revanche, les discours des dirigeants étaient étudiés, riches en expression et contribuaient à la construction nationale.</p>
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<h2>Modernisation linguistique et déclin culturel</h2>
<p>En revanche, durant la période de transition actuelle (2019), les opposants au régime de Bashir ont utilisé le terme « Floul » pour qualifier leurs adversaires, emprunté aux terminologies politiques égyptiennes après la chute de Hosni Mubarak, ignorants du contexte épistémologique historique et national dans lequel ce terme a pris naissance.</p>
<p>Cet usage inapproprié de terminologies démontre l’ignorance profonde du contexte social et politique sudanais actuel, influençant négativement la pensée créative. Le docteur Mansour Khalid dans son livre « South Sudan in Arab Imagination: The False Image and Historical Oppression » (5) avertit que « La pollution des esprits et des idées est plus nocive que celle des corps ».</p>
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<h2>Conclusions et appels à l’action</h2>
<p>Il est donc impératif pour les élites culturelles du Soudan de prendre l’initiative, formant un mouvement bénévole communautaire pour filtrer les toxines linguistiques qui empoisonnent l’environnement culturel et social soudanais. La langue doit être utilisée pour soutenir la cohésion nationale plutôt que pour la destruction. Laisser cette situation perdurer serait une trahison historique impardonnable, engendrant une langue qui inciterait les gens à la violence sans direction ou signification civilisatrice, comme chanté par les mélodies destructrices modernes.</p>
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