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Urgence en Nouvelle-Calédonie : la révolte s’intensifie
État d’urgence déclaré
La France a déclaré un état d’urgence sur son territoire des îles du Pacifique en Nouvelle-Calédonie et a déployé des renforts policiers et militaires pour tenter de mettre fin à plusieurs jours de troubles, suite à la décision de Paris de modifier les règles des élections provinciales.
Trois indigènes Kanak et un policier ont été tués dans les violences qui ont éclaté lundi soir et ont continué malgré un couvre-feu nocturne. Des centaines de personnes ont été blessées.
Déploiement des forces de sécurité
L’état d’urgence est entré en vigueur jeudi à 5h du matin (18h GMT mercredi), donnant aux autorités de larges pouvoirs de perquisition et d’arrestation.
Jeudi, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé que la France enverrait environ 1 000 « personnels de sécurité supplémentaires » pour rejoindre les 1 700 déjà sur place.
« La situation… est encore très tendue, avec des pillages, des émeutes, des incendies criminels et des agressions intolérables et indescriptibles », a-t-il déclaré après avoir rencontré le président Emmanuel Macron.
Le bureau du haut-commissaire, qui représente l’État français en Nouvelle-Calédonie, a indiqué dans un communiqué que cinq personnes avaient été placées en résidence surveillée comme « présumés commanditaires des troubles violents » et que d’autres perquisitions auraient lieu « dans les heures à venir ».
Plus de 200 « émeutiers » ont été arrêtés, ajoute le communiqué.
Les autorités sont « déterminées à rétablir rapidement l’ordre public et à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la population de Nouvelle-Calédonie », poursuit le communiqué.
Impact économique et réaction locale
David Guyenne, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Nouvelle-Calédonie, a déclaré à Al Jazeera que l’île n’était pas « préparée » pour les manifestations, qui ont eu un effet désastreux sur l’économie locale.
L’état d’urgence « est bon pour nous », a-t-il dit. « Nous avons constaté que ces émeutiers sont incontrôlables. Ils ont été manipulés ou incités par des politiciens pro-indépendance, et maintenant ils sont totalement hors de contrôle. C’est pourquoi nous avons besoin de revenir à l’état de droit. »
Guyenne a ajouté que « nous espérons » que la situation sera bientôt sous contrôle alors que la France déploie davantage de soldats.
L’état d’urgence restera en vigueur pendant 12 jours.
Réforme controversée
La colère couvait depuis des semaines autour des plans visant à amender la constitution française pour permettre aux résidents vivant en Nouvelle-Calédonie depuis 10 ans de voter aux élections provinciales du territoire, modifiant ainsi un accord de 1998 qui limitait les droits de vote.
Beaucoup de Kanaks indigènes, qui représentent environ 40% des près de 300 000 habitants du territoire, craignent que cette mesure ne compromette leur position dans le territoire.
Les violences de cette semaine sont survenues alors que l’Assemblée nationale a voté à Paris pour adopter la mesure. Une session conjointe de l’Assemblée nationale et du Sénat doit être convoquée pour que les nouvelles règles entrent en vigueur, car elles constituent une modification constitutionnelle.
La Nouvelle-Calédonie, située à environ 1 500 km à l’est de l’Australie, a été colonisée par la France au XIXe siècle.
Historique et tension sociale
Le dernier épisode sérieux de troubles dans les années 1980 a conduit à l’accord de Nouméa en 1998, promettant une plus grande autonomie ainsi que trois référendums sur l’indépendance.
Dans les trois référendums, le plus récent en décembre 2021, les électeurs ont choisi de rester partie intégrante de la France.
Les partis pro-indépendance [ont boycotté](#) le dernier référendum car il a eu lieu pendant la pandémie de COVID-19, qui a eu un effet dévastateur et disproportionné sur la communauté Kanak.
Il existe de grandes disparités de richesse entre les Kanaks et les personnes d’origine européenne. Environ 40 000 personnes ont déménagé en Nouvelle-Calédonie depuis l’accord de 1998.
Des résidents de Nouméa observent un activiste à une barricade à l’entrée de Tuband, dans le quartier Motor Pool de Nouméa \[Delphine Mayeur/AFP\]