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La récente visite de Staffan de Mistura, l’envoyé spécial des Nations unies pour le Sahara marocain, en Afrique du Sud a suscité des réactions officielles et partisanes fortes au Maroc. Rabat estime que cette démarche a dépassé les attributions de l’envoyé des Nations unies et est sortie du cadre défini pour son rôle de médiation entre les parties concernées par le règlement du conflit.
Les justifications fournies par Stéphane Dujarric, porte-parole de l’ONU, concernant cette visite n’ont pas été suffisantes pour apaiser la colère du Maroc. Il a déclaré que « une partie de la mission de De Mistura consiste à dialoguer avec les États parties et d’autres entités qu’il estime nécessaire de consulter pour faire avancer le processus onusien ».
Les raisons de la colère
Staffan de Mistura, l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara, a effectué une visite en Afrique du Sud le 31 janvier dernier, ce que le Maroc a considéré comme outrepassant ses prérogatives et son rôle dans ce dossier.
La première réaction marocaine est intervenue par la voix d’Omar Hilale, le représentant permanent du Maroc auprès des Nations unies, dans un entretien avec l’Agence marocaine de presse, exprimant le mécontentement du Maroc face à cette visite.
Il a déclaré que « le Maroc n’a pas été consulté ni même informé de la visite de l’envoyé personnel du secrétaire général pour le Sahara en Afrique du Sud ».
Un point de vue objectif
Plusieurs partis politiques marocains ont exprimé leur désaccord avec l’initiative de De Mistura. Le Parti de la Justice et du Développement (PJD), dans l’opposition, qualifie la visite d' »incompréhensible » et « inutile », soulignant que la mission de cet responsable onusien doit se limiter à travailler exclusivement avec les parties directement concernées par le processus politique.
D’autre part, le Parti de l’Indépendance, participant au gouvernement, a déclaré que cette visite signifie que De Mistura s’est écarté de la voie de la résolution et de la méthodologie adoptée par l’ONU, ajoutant qu’en raison de son incapacité à avancer, il a opté pour sa propre destitution de manière indirecte.
Enjeux électoraux
Selon l’expert en affaires sahraouies, Ahmed Nour ad-Din, la colère du Maroc découle du manque de neutralité et d’objectivité de l’Afrique du Sud dans le conflit régional sur le Sahara.
Dans une interview accordée à Al Jazeera, il a souligné que le pays adopte sans réserve la position séparatiste et reconnaît ce que l’on appelle la « République proclamée de Tindouf par une seule partie ». Selon lui, cette reconnaissance signifie légalement que Pretoria a décidé du sort de la région en conflit au lieu des habitants.
Il pense que cette initiative est motivée par des considérations électorales, car l’Afrique du Sud tiendra des élections parlementaires en mai prochain. Il estime donc qu’il s’agit d’une « tentative de marquer des points en politique étrangère pour compenser les échecs de la politique intérieure ».
Implications probables
Face à ces développements, la question se pose de savoir si les réactions irritées de Rabat pourraient se traduire par le retrait de la confiance de l’envoyé spécial De Mistura, et si le scénario de 2012, lorsque le Maroc a officiellement retiré sa confiance à son prédécesseur Christopher Ross, pourrait se reproduire.
Pour Nour ad-Din, il est quasiment certain que la relation du Maroc avec l’envoyé spécial en sera affectée après cette initiative, surtout après les déclarations du ministre des Affaires étrangères marocain et de l’ambassadeur Omar Hilale.
Il estime que De Mistura a commis une erreur professionnelle en n’informant pas le Maroc de sa visite en Afrique du Sud et une erreur politique en ignorant le refus du Maroc de cette visite. Il ajoute que « le Maroc est la partie principale au conflit, et le simple fait que le Maroc refuse de coopérer avec lui devrait mettre un terme à sa mission sans avoir recours au retrait de confiance ».
Le professeur de droit international à l’université Mohammed V, Abbas El Wardi, estime que les récentes événements auront un impact sur la confiance du Maroc en l’envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara.
Il a déclaré à Al Jazeera que ce qui se passe actuellement est une répétition des anciens scénarios (la crise avec Ban Ki-moon et Christopher Ross), affirmant que cela affectera la légitimité internationale et les rôles stratégiques des Nations Unies dans cette question.
Le rapport entre l’ONU et le Maroc s’en trouvera affecté, ce qui pourrait mettre fin au processus de règlement onusien dans son ensemble, qui a débuté en 1991 et n’a abouti à aucun résultat concret jusqu’à présent.