Prisonniers syriens au Liban préfèrent mourir que de retourner dans leur pays
La question du rapatriement des Syriens dans leur pays domine le débat politique et juridique au Liban, malgré les tensions de la guerre dans le sud entre le Hezbollah et l’occupation israélienne. Ces récentes confrontations ont remis en lumière la crise des réfugiés syriens et son traitement politique et sécuritaire.
Le suicide de quatre prisonniers syriens, dont deux frères, en utilisant des couvertures à la prison centrale de Roumieh, la plus grande du Liban, en signe de protestation contre le rapatriement d’un prisonnier (frère des deux précédents) en Syrie par la Sûreté générale libanaise après l’expiration de sa peine de dix ans pour terrorisme, a suscité de vives réactions.
Le suicide des prisonniers est un symbole du risque imminent de leur rapatriement à la fin de leur peine. La mère du prisonnier rapatrié, dont l’identité est protégée, a exprimé son désarroi après son départ de prison, attendant depuis des années ses deux autres fils également emprisonnés pour terrorisme depuis 2016. Ses fils préféreraient mourir que de retourner en Syrie malgré leurs conditions catastrophiques en prison après avoir fui l’enrôlement militaire et s’être réfugiés au Liban en 2014.
Après avoir été libéré de prison, son fils l’a contactée avec impatience pour la retrouver, mais a été emmené par la Sûreté générale pour régulariser ses papiers et a été surpris par sa déportation en Syrie. Il l’a informée qu’il se rendait à Homs, la laissant dans une angoisse insoutenable. Ses fils ayant tenté de se suicider par colère et peur pour leur frère après avoir perdu tout contact avec lui.
Les réfugiés syriens ayant été condamnés par la justice libanaise courent le risque d’expulsion. Des centaines ont été expulsés de force selon de nombreux témoignages et cas documentés ces dernières années.
Pressions et reculs
Commentant cette question, l’avocat Mohammed Siblouh, directeur général du Centre d’études juridiques « Cedar », a déclaré que de nombreux déportations sont effectuées par la Sûreté général sans étude approfondie de chaque dossier, contraignant des Syriens, dont des opposants ou des dissidents de l’armée syrienne, à des destins incertains.
L’avocat souligne que la Sûreté générale a souvent reculé face à la pression des droits de l’homme et des médias après des déportations. Il rappelle que le Liban a signé la Convention contre la torture, interdisant l’extradition d’une personne vers un autre État si des raisons fondées laissent penser qu’elle sera soumise à la torture.
Après la libération de chaque prisonnier syrien, son dossier est transmis à la Sûreté générale, qui dispose de 3 semaines à 2 mois pour émettre un avis d’expulsion. Cependant, des exceptions sont possibles dans des cas extraordinaires où la Commission signale des risques liés à l’expulsion.
Caravane Retour
Lors du lancement de la roadmap pour « l’organisation de la situation légale des réfugiés syriens et leur rapatriement » au siège de la Sûreté générale, le général par intérim Elias Basboussi a annoncé prochainement le départ d’une caravane de retour vers la Syrie, sans fixer de date ni de nombre de rapatriés.
Le gouvernement avait déjà annoncé plusieurs tentatives de retour des Syriens dans leur pays, gérées par la Sûreté générale, mais ces initiatives ont échoué en raison du manque d’intérêt des Syriens.
La non-signature par le Liban de la Convention de 1951 sur les réfugiés lui permet de considérer les Syriens comme des « déplacés » et non des « réfugiés », privant ces derniers de leurs droits légaux en matière de protection contre l’expulsion.
Le Liban fait face à des chiffres contradictoires concernant les réfugiés syriens, avec environ un million et demi de Syriens selon le gouvernement, plus de deux millions et quatre-vingt mille selon la Sûreté Générale, mais seulement sept cent quatre-vingt-quinze mille sont enregistrés auprès de la Commission.