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Les psychédéliques suscitent un intérêt croissant dans le domaine de la santé mentale, mais leur efficacité est remise en question. Cet article explore les enjeux entourant la recherche sur ces substances, ainsi que les défis qui se posent aux chercheurs.
Un engouement financier et médiatique
Au cours de la dernière décennie, aucun traitement psychiatrique n’a attiré autant de fonds et d’attention que les psychédéliques. Des articles mettant en avant leurs résultats surprenants—tels que des améliorations significatives des scores de dépression et l’aide à des fumeurs pour cesser de fumer après seulement quelques doses—ont reçu une couverture positive de nombreux journalistes. Des millions d’euros ont été levés par des organisations de recherche sur les psychédéliques, tandis que des cliniciens ont vanté leur potentiel en tant que « nouveau paradigme » dans les soins de santé mentale.
Le livre de Michael Pollan, *How to Change Your Mind*, publié en 2018, est devenu un best-seller et a été adapté en documentaire sur Netflix.
Des études affaiblies par des biais
Cependant, cette bulle commence à éclater. Une série d’articles récents a critiqué des figures majeures de la recherche sur les psychédéliques, les qualifiant d’évangélistes dont l’enthousiasme compromet l’intégrité des résultats de leurs recherches. En août, la FDA a rejeté la première demande de thérapie assistée par la MDMA, un psychédélique couramment connu sous le nom d’ecstasy, en déclarant qu’elle « ne pouvait pas être approuvée sur la base des données soumises jusqu’à présent ».
De plus, cinq personnes, dont deux médecins, ont été récemment inculpées suite à la mort de l’acteur Matthew Perry, retrouvé inconscient dans sa piscine après avoir pris de fortes doses de kétamine, un autre psychédélique.
Les défis de la recherche sur les psychédéliques
La recherche sur les psychédéliques est intrinsèquement difficile, car la plupart d’entre eux sont illégaux et le double aveugle est complexe à mettre en œuvre. Le financement scientifique dans ce domaine a longtemps été minime, ce qui a conduit à des études fondatrices avec des échantillons de seulement quelques dizaines de participants.
Ce domaine attire également des personnalités excentriques qui souhaitent voir les psychédéliques acceptés par la société. Matthew W. Johnson, un chercheur reconnu sur les psychédéliques, a déclaré que « cette vision utopique cultuelle a vraiment influencé les choses ».
Des biais personnels dans la recherche
Des témoignages évoquent que certains chercheurs laissent leurs convictions politiques et spirituelles influencer le type de données recueillies. L’intégrité scientifique exige un équilibre clinique, sans certitude excessive quant à l’efficacité de ces substances.
Dans des entreprises comme Lykos, dérivée de l’association MAPS, de nombreux employés étaient convaincus des bienfaits supposés de la MDMA. Des participants à des essais ont rapporté avoir été poussés à ne communiquer que des résultats positifs, et certains problèmes, tels que l’euphorie, n’ont pas été correctement documentés.
La sécurité à long terme des psychédéliques
Bien que l’esketamine, une pulvérisation nasale de type kétamine, ait été approuvée par la FDA en 2019, des études de 2021 et 2023 ont souligné un manque de données sur la sécurité à long terme de la kétamine et de l’esketamine. Les effets secondaires négatifs de l’esketamine sont souvent sous-estimés dans les articles de revues scientifiques.
Les personnes utilisant la kétamine pour des problèmes de santé mentale le font souvent pendant des semaines ou des mois, mais il existe peu de données sur la sécurité à long terme de cette substance.
Des résultats étonnants mais préoccupants
Dans une étude récente, des chirurgiens ont administré de la kétamine ou un placebo à des patients sous anesthésie. Les résultats ont montré que, dans les deux groupes, environ la moitié des participants se sentaient moins déprimés après l’intervention. Ce phénomène peut être attribué à l’attention et aux soins que les chercheurs ont prodigués aux participants avant la procédure.
Cela souligne l’importance d’une approche humaniste dans le traitement de la dépression, en mettant l’accent sur la connexion entre les patients et des thérapeutes attentifs plutôt que sur des solutions médicamenteuses rapides.
Conclusion sur le futur des psychédéliques
Malgré ces lacunes scientifiques, l’engouement pour les psychédéliques ne faiblit pas. Des centaines de cliniques de kétamine aux États-Unis prétendent traiter des affections variées comme l’anxiété et la douleur chronique. Dans ce contexte, il est crucial que la recherche sur les psychédéliques soit rigoureuse et exempte de biais personnels, afin d’assurer que ces traitements soient fondés sur des preuves solides.