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Minceur (trop) facile
Dans le monde de la mode, il est encore tabou d’admettre recourir à des médicaments amaigrissants, illustrant ainsi la persistance de la grossophobie.
Une pénétration inédite des médicaments dans la mode
Un fait marquant lors des récents défilés de mode a été l’espace considérable occupé par les bancs, non pas en raison d’une affluence moindre, mais parce que beaucoup de personnes présentes semblent avoir considérablement réduit leur taille. Depuis que les médicaments amincissants ont gagné en popularité, les effets de l’Ozempic commencent à se faire sentir.
Une prise de médicament stigmatisée
L’Ozempic, également connu sous le nom de Wegovy pour sa version amaigrissante dérivée de la sémaglutide (initialement antidiabétique), s’est répandu dans un secteur qui a toujours valorisé la minceur. Pourtant, il est frappant de constater à quel point ceux qui ont perdu du poids restent discrets sur leur recours à ce médicament. Beaucoup d’individus, qu’ils soient stylistes ou rédacteurs, évoquent leurs régimes sans mentionner ces injections. Par exemple, un journaliste a affirmé avoir perdu 20 kg uniquement grâce à son alimentation, tout en laissant entendre à d’autres qu’il avait utilisé des injections pour ce faire. Ce silence renvoie à une crainte légitime d’être jugé.
Les enjeux économiques autour de l’Ozempic
Le fabricant Novo Nordisk, société pharmaceutique danoise, possède désormais une capitalisation boursière avoisinant 560 milliards de dollars. L’Ozempic a contribué à hauteur de 27 % de ses ventes nettes pour 2023. Cette situation a incité d’autres entreprises, telles qu’Eli Lilly, à entrer sur ce marché concurrentiel.
Un débat sur les coûts et les bénéfices
Le prix de ces traitements fait débat, notamment aux États-Unis où un patient peut débourser environ 969 dollars (876 euros) par mois, alors qu’en Allemagne, le coût n’est que de 59 euros. La demande est en hausse; 40 % des adultes américains souffrent d’obésité, un chiffre qui a légèrement baissé au cours des dernières années. Bien que l’on ne puisse pas établir de lien direct avec l’usage croissant de ces médicaments, une tendance inverse est observée pour la première fois.
Les conséquences financières de l’obésité sur les systèmes de santé dépassent largement les coûts des médicaments amaigrissants. Actuellement, l’Ozempic fait face à une pénurie mondiale, pénalisant les diabétiques pour qui il a initialement été conçu. De plus, peu d’études évaluent ses effets à long terme, bien que certaines montrent que de nombreux utilisateurs reprennent deux tiers du poids perdu après l’arrêt du traitement.
La dynamique de la minceur méritante
Malgré les bénéfices potentiels, nombreux sont ceux qui consomment ces médicaments sans être cliniquement obèses. Beaucoup cherchent simplement à atteindre une silhouette conforme aux standards de beauté des podiums. La pression sociale et culturelle reste forte, favorisant l’idée selon laquelle seuls ceux qui parviennent à perdre du poids par des efforts « mérités » sont dignes d’approbation. Les récits de célébrités comme Lizzo, qui a été louée pour son corps mais a récemment publié des photos de sa nouvelle silhouette, illustrent cette dynamique. Elle clame n’avoir recours à aucun médicament, mais les médias cherchent ardemment à lui faire admettre le contraire.
La stigmatisation entourant l’utilisation de l’Ozempic témoigne d’un préjugé persistant opposant ceux qui peuvent « maigrir par effort » à ceux qui utilisent des solutions médicales. Cela soulève des questions sur notre rapport à la taille et au poids dans la société actuelle.
La fin de l’inclusivité dans la mode
Bien que la diversité corporelle ait été mise en avant dans le secteur de la mode récemment, cette tendance semble s’amenuiser. Lors des derniers défilés, la présence d’un unique mannequin « hors gabarit » parmi une majorité de silhouettes minces illustre la régression de cette prise de conscience. Le monde de la mode semble toujours valoriser la minceur, tant qu’elle concerne les autres.