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Les dangers du tramadol : témoignage poignant de Diane et avertissements des médecins
Diane est une jeune femme trentenaire, charmante, mais derrière son sourire, qui peut imaginer les combats qu’elle mène ? Elle souffre depuis des années d’une terrible maladie – l’algie vasculaire de la face – qui provoque des douleurs insupportables au sens propre du terme. Pour essayer de vivre avec cette maladie, elle doit prendre des médicaments et des antidouleurs. C’est dans ce contexte-là que son médecin lui prescrit du tramadol, qu’elle commence à prendre en toute confiance. La suite, elle la raconte dans son livre Addict sur ordonnance, aux éditions LEduc. Nous l’avons rencontrée et le message qu’elle veut faire passer est important. Le voici.
Comment a commencé votre histoire avec le tramadol ?
Je souffre d’une maladie terrible – l’algie vasculaire de la face – et mes médecins me prescrivent des antidouleurs pour faire face à cette maladie. Le tramadol, c’est un opioïde qui permet de soulager ces douleurs. C’est pour ça qu’on me l’a prescrit et c’est pour ça que je l’ai pris. On me l’a prescrit pendant neuf ans avant d’être diagnostiquée comme étant addict et jamais – pourtant, j’en ai vu des médecins – jamais on m’a dit que c’était addictif. Jamais, jamais.
À quel moment avez-vous senti qu’il y avait un problème ?
C’est surtout mon mari qui me disait parfois que j’avais un problème avec ce médicament-là parce que ça me mettait en fait… souvent, quand je l’oubliais, j’étais pas bien, donc j’avais des sueurs, j’avais mal dans tout le corps. Je me disais que j’avais la grippe, que j’apparentais ces douleurs-là à ma maladie puisque j’ai une maladie. Donc je prenais le tramadol qui me soulageait aussi pour des douleurs de ma maladie, moi ce médicament-là, je le prenais avec tous les médicaments qu’on prescrivait pour ma maladie. Donc c’est ça aussi qui rendait les choses très compliquées.
Je pense qu’il y a eu un cheminement, mais là où vraiment ça a commencé, c’est que j’ai regardé une émission qui s’appelle Zone Interdite, où en fait ça parlait de l’addiction et on voyait plusieurs personnes témoigner de leur addiction. Il y avait le tramadol, il y avait la morphine, il y avait plusieurs opioïdes et je me suis reconnue dans toutes ces personnes-là. Et il y avait aussi des mères de famille. Il y avait des jeunes. En fait, on sortait du cliché de la personne addict. Donc je me suis dit : « Mais en fait, finalement, on peut être mère de famille, on peut être aussi une personne insérée dans la société et être addict. »
Quelle a été la prise en charge médicale ?
Après, il y a eu mon médecin, ma neurologue qui m’a dit que j’avais un problème avec le tramadol qui a commencé à poser les mots. Et c’est pour ça que c’est important d’être bien suivi par des personnes bienveillantes. Parce qu’il aurait suffi que mon médecin ne me pose pas bien des mots, qui ne soient pas bienveillants et ça aurait été tout. Tout était fichu finalement. Et du coup, elle a pris le rendez-vous pour moi avec ce service douleur et j’ai pu être prise en charge.
Le mot addict, ça a été plus tard. Ça a été le CSAPA (Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) qui a vraiment mis le mot là. Quand j’étais suivie au service douleur, c’était : “J’avais un problème avec le tramadol, il fallait baisser les doses etc.”. Mais déjà c’était une bonne chose. Je savais que j’avais un problème avec le tramadol et j’avais compris quand même qu’il fallait que je fasse quelque chose. Donc c’était une bonne chose et je savais qu’on allait m’aider. Donc déjà c’était un pas, un énorme pas en avant. Et ça c’est important je pense, de se dire que ce n’est pas tabou, de se dire qu’on n’est pas seul et d’aller vers les professionnels de santé pour qu’on puisse nous aider.
Vous avez parlé de cette addiction au tramadol sur Instagram. Quelle a été la réaction de votre communauté ?
Quand j’ai fait ce post-là, j’ai vu qu’il y avait plein, plein, plein de personnes en fait et que ça concernait vraiment tout le monde. Je suis souvent la première personne à qui on vient s’adresser pour parler de l’addiction. C’est-à-dire que le proche n’est même pas au courant de l’addiction, donc elle n’est même pas suivie de la personne et ça, c’est pas possible. Il faut absolument en parler.
Comment allez-vous aujourd’hui ?
Alors aujourd’hui, je vis avec mon addiction et je ne prends plus de tramadol, je ne prends plus de morphine, mais je vis toujours avec mon addiction parce que ce n’est pas parce qu’on ne prend plus de tramadol, plus de morphine que l’addiction n’est plus là. Et ce n’est pas une faiblesse, ce n’est pas tabou, c’est quelque chose qu’on a, c’est une maladie. Et ça c’est important de le dire. C’est le CSAPA aussi qui me l’a dit, que c’était une maladie. Ce n’est pas un manque de volonté, l’addiction, ça c’est vraiment important de le dire. Parce que moi c’est beaucoup de commentaires aussi de personnes : “C’est juste un manque de volonté. Tu peux arrêter comme ça le tramadol.” Non, ce n’est pas un manque de volonté, c’est une maladie.
Quel message souhaitez-vous faire passer ?
J’aimerais que les médecins préviennent du risque addictif des opioïdes. Ça pour moi, c’est la base. Il faut absolument que les médecins préviennent. J’aurais aimé que mon médecin me prévienne du risque addictif et j’aimerais aussi que la prise en charge des personnes addictes soit meilleure, vraiment. Et aussi que l’addiction soit beaucoup moins tabou. Il faut que les personnes n’aient plus peur d’aller parler, d’aller être prises en charge par un CSAPA. Les centres d’addiction, c’est vraiment important.