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Consommer un complément alimentaire périmé : l’avis de l’expert Raphaël Gruman
Ces dernières années, les compléments alimentaires ont connu une véritable explosion en popularité. En France, ce marché a cumulé 2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Alors que de plus en plus de Français en consomment quotidiennement, et le plus souvent sans en référer à leur médecin, les autorités sanitaires et professionnels de santé alertent régulièrement contre certains risques. En effet, entre 2016 et février 2024, 154 nouveaux cas d’effets indésirables ont été déclarés à la suite d’une consommation de compléments alimentaires destinés aux sportifs, dont 18 considérés comme très graves. Deux décès sont survenus et quatre personnes ont vu leur pronostic vital menacé
Dans ce contexte, nous avons posé quelques questions au nutritionniste Raphaël Gruman pour faire le point sur la consommation de compléments alimentaires après leur date de péremption.
Les effets des compléments alimentaires périmés
Consommer un complément alimentaire après sa date de péremption, est-ce dangereux ou simplement moins efficace? Raphaël Gruman nous éclaire: « C’est moins efficace car certains principes actifs se dissipent avec le temps. C’est surtout le cas pour les probiotiques qui sont des organismes vivants; les bactéries finissent par mourir et n’apportent alors aucune efficacité. Pour ce qui concerne les minéraux comme le fer ou le chrome, ils sont relativement stables. En revanche, les vitamines sont plus fragiles », explique Gruman.
« Si vous consommez un complément quelques semaines ou mois après sa date de péremption, au pire, l’efficacité sera moindre. Mais pour la plupart des compléments, il n’y a pas de risques nocifs pour l’organisme, sauf si vous les consommez plusieurs années après », précise-t-il. Il rappelle également l’importance de conserver les compléments alimentaires dans un endroit sec et à température ambiante.
Interactions et précautions à prendre
Raphaël Gruman insiste sur la prudence concernant les interactions entre traitements médicaux et compléments alimentaires. « Ne jamais s’automédiquer, même avec des compléments. On peut penser que c’est bénin mais ça peut avoir de grosses incidences sur la santé ». Il conseille particulièrement de ne pas s’automédiquer quand on prend des médicaments de façon continue ou qu’on souffre d’une pathologie chronique.
Il cite quelques exemples pour mettre en garde : « Le curcuma, souvent présent dans les compléments alimentaires, est un fluidifiant sanguin. Les personnes ayant des troubles cardiovasculaires doivent être très prudentes. De même, certains antidépressifs peuvent interagir négativement avec des plantes comme le millepertuis, très utilisée dans les compléments. Les plantes adaptogènes comme la rhodiole ou le griffonia, qui influencent la production d’hormones de stress, sont aussi à éviter ».
Le danger de la surconsommation
Ajouter plusieurs compléments alimentaires à sa routine quotidienne peut également présenter des risques de surdosage. « Les pilules sont souvent des mélanges de différents composés, incluant parfois du thé vert. Prendre un extrait de thé vert deux fois dans la journée peut provoquer une tachycardie, le thé vert étant un excitant », met en garde Raphaël Gruman. Là encore, il est crucial de discuter avec un médecin ou un pharmacien avant d’adopter plusieurs compléments alimentaires en même temps.
Groupes spécifiques à risque
Certaines catégories de personnes doivent éviter totalement les compléments alimentaires. Parmi celles-ci, les femmes enceintes : « Les doses des compléments alimentaires sont calculées pour un adulte. Quand une femme enceinte en consomme, elle transmet ces doses au fœtus, ce qui peut être trop important et lui causer des dommages. C’est interdit », explique Gruman catégoriquement.
Les personnes immunodéprimées, souvent sous traitement, ainsi que les personnes prises en charge pour un cancer ne devraient pas consommer de compléments alimentaires, même pas de la vitamine C. « Les antioxydants peuvent protéger les cellules tumorales contre la chimiothérapie, diminuant ainsi son efficacité », conclut le nutritionniste. Ce conseil s’applique également à la radiothérapie et l’hormonothérapie.