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Comprendre comment notre cerveau perçoit un regard pour aider Alzheimer
Le contact visuel joue un rôle fondamental dans les interactions sociales humaines. Un regard direct est souvent perçu comme une volonté d’entrer en communication, tandis que l’évitement du regard peut indiquer une intention contraire. Dans une étude publiée récemment dans la revue NeuroImage, des chercheurs de l’Université de Genève ont révélé les mécanismes cérébraux précis qui permettent à notre cerveau de détecter la direction du regard d’une autre personne, une découverte prometteuse pour le diagnostic des troubles du spectre autistique et la recherche sur la maladie d’Alzheimer.
140 millisecondes pour détecter la direction des yeux
Dans le cadre de leurs recherches, les scientifiques ont conçu des images 3D réalistes de visages humains programmés pour afficher différentes postures. Ils ont ensuite soumis ces images à des volontaires âgés de 18 à 35 ans, en bonne santé et possédant une bonne vision naturelle ou corrigée. Les sujets étaient répartis en deux groupes et placés à une distance de 75 cm d’un écran où apparaissaient les visages en 3D.
Au cours de la première phase de l’expérience, les participants devaient indiquer la direction du regard observé. Lors de la seconde phase, on leur demandait simplement de reconnaître l’orientation de la tête. Des électrodes fixées sur la tête des volontaires ont permis aux chercheurs de réaliser une électroencéphalographie (EEG), mesurant ainsi l’activité cérébrale à différents moments.
Les résultats montrent que l’orientation de la tête est perçue par le cerveau dès 20 millisecondes, tandis que la direction des yeux est détectée à partir de 140 millisecondes. Cela suggère que notre cerveau utilise d’abord l’orientation de la tête pour interpréter la direction du regard.
Des implications dans le traitement des troubles autistiques et d’Alzheimer ?
Ces découvertes pourraient avoir des conséquences considérables pour le diagnostic et le traitement des troubles du spectre autistique (TSA). Les chercheurs de l’Université de Genève estiment que ces résultats, ainsi que la méthodologie employée, constituent une avancée pour le diagnostic précoce des TSA chez les enfants. Selon l’association Autisme France, environ un million de personnes en France sont affectées par un trouble du spectre de l’autisme. Toutefois, nombreuses sont celles qui n’ont toujours pas accès à un diagnostic approprié et à des interventions éducatives validées scientifiquement.
En ce qui concerne la maladie d’Alzheimer, qui touche également environ un million de personnes en France (soit 8 % des Français de plus de 65 ans), cette étude pourrait offrir de nouvelles pistes de recherche. L’un des symptômes les plus marquants de l’avancement de la maladie d’Alzheimer est l’incapacité à reconnaître des visages familiers, y compris ceux des membres de la famille. Les chercheurs espèrent que cette nouvelle compréhension des mécanismes neuronaux liés à la perception du regard aidera à mieux comprendre et traiter la diminution de l’interaction sociale et la perte de la mémoire des visages.
La perception du regard : un indicateur potentiel de troubles neurologiques
Les découvertes sur la perception du regard pourraient également servir d’indicateurs précoces pour d’autres troubles neurologiques. En effet, la capacité réduite à détecter la direction du regard peut être également observée chez les personnes atteintes de démence précoce. Ces signes avant-coureurs permettraient une intervention plus rapide avec des méthodes thérapeutiques et comportementales adaptées.
Ces avancées dans notre compréhension du fonctionnement du cerveau peuvent mener à des innovations technologiques dans le domaine médical. Par exemple, le développement de logiciels d’analyse de mouvements oculaires, associés à des jeux sérieux ou à des applications de réalité virtuelle, pourrait offrir de nouvelles solutions de diagnostic et de traitement des maladies neurodégénératives.
L’électroencéphalographie : un outil indispensable
L’utilisation de l’électroencéphalographie (EEG) dans cette étude a permis de mesurer les activités cérébrales avec une grande précision temporelle. Cet outil non invasif enregistre les flux électriques produits par l’activité neuronale à la surface du crâne. En identifiant les moments précis où les activités cérébrales atteignent leur pic lors de la perception de la direction du regard, l’EEG a permis de disséquer les processus cognitifs en jeu.
Au-delà de son usage dans la recherche, l’EEG est également couramment utilisé dans le diagnostic et le traitement de diverses pathologies neurologiques comme l’épilepsie, les troubles du sommeil ou encore les troubles de l’attention. Grâce aux progrès incessants de cette technique, les chercheurs sont en mesure de comprendre de mieux en mieux comment le cerveau traite les informations visuelles et comment ces processus peuvent être perturbés dans différentes conditions pathologiques.
Les perspectives futures de la recherche
Les résultats de cette étude ouvrent de nombreuses perspectives pour l’avenir de la recherche sur les troubles neurologiques et cognitifs. Une meilleure compréhension des mécanismes neuronaux à l’œuvre dans la perception du regard permet non seulement d’affiner les diagnostics existants, mais aussi de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques. Par exemple, les programmes de réhabilitation cognitive pourraient inclure des exercices spécifiquement conçus pour améliorer la reconnaissance visuelle et la perception des regards.
Par ailleurs, cette étude souligne l’importance de la coopération interdisciplinaire. En associant des experts en neuroscience, en psychologie, et en technologie de l’information, il est possible d’atteindre des avancées significatives qui pourraient transformer la manière dont nous traitons les maladies neurodégénératives telles que l’Alzheimer et les troubles du spectre autistique.
Conclusion: Une avancée prometteuse pour la médecine
Les travaux des chercheurs de l’Université de Genève marquent une étape importante dans la compréhension des mécanismes cérébraux relatifs à la perception du regard. Cette découverte pourrait jouer un rôle déterminant dans le diagnostic et le traitement précoce des troubles du spectre autistique et de la maladie d’Alzheimer. La recherche continue d’ouvrir de nouvelles voies pour une meilleure prise en charge des personnes atteintes de ces pathologies, améliorant ainsi leur qualité de vie et celle de leurs proches.