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Saison créative en Ramadan, le lien entre jeûne et roman révélé
Dans une nuit de Ramadan froide mais paisible, alors que les gens se pressent vers leurs lieux de culte, la romancière marocaine Khadija El Kajdi, assise dans son bureau vide de toutes les préoccupations familiales et professionnelles, fait face à une mer de feuilles blanches avec patience et persévérance, feuilletant ses anciens cahiers où sont consignées les idées qu’elle avait pensé auparavant, pour tisser des relations innovantes dans son nouveau roman.
Elle fixe attentivement l’horloge suspendue devant elle, avançant lentement, comme si elle cherchait une idée en profondeur dans son esprit, mais nécessitant d’être transformée en mots et phrases bien tissés pour trouver sa place naturelle dans le texte.
Elle déclare à Al Jazeera Net : « Pendant le mois de Ramadan, la vie se réorganise d’une manière spéciale, et ses brises changent pour toucher l’âme plus profondément, c’est le mois du jeûne et de la méditation, ainsi qu’une opportunité pour renforcer la créativité et la développer sous différentes formes. »
Elle ajoute : « Je me sens plus à l’aise et certaines idées naissent facilement, je profite du calme de la nuit et de sa tranquillité pour écrire et planifier, et j’investis le temps supplémentaire dont je dispose en ce mois béni. »
Les rituels et les défis
Khadija est souvent confrontée à la question des rituels d’écriture pendant le Ramadan, sa réponse est toujours que le mois béni offre du temps ainsi que de la sérénité, autrement dit pas de rituels spéciaux.
Le romancier marocain Abdelmajid Sbatia souligne qu’il est devenu un mythe en raison de l’influence des médias et peut-être de certains auteurs eux-mêmes, s’éloignant du véritable sens de la créativité. Il insiste sur la nécessité de la volonté de continuer dans l’aventure de l’écriture et de la patience nécessaire pour faire face à ses dangers et ses pièges.
Le critique marocain Omar El Asri affirme que l’écriture est un acte individuel, soumis à des conditions inhabituelles, car l’auteur respecte cet acte, en particulier s’il est engagé dans une vision et un projet qui lui imposent cet acte sans être limité par le temps ou l’espace.
Différences de perception
La manière dont les écrivains abordent la spécificité du Ramadan varie en fonction de la nature de leur présence et de leur acte d’écriture.
Abdelmajid Sbatia trouve cela naturel, car certains voient cela comme une activité quotidienne basée sur l’idée de domination de l’effort et de la persévérance pour s’ouvrir à l’inspiration. D’autres, qui placent l’inspiration au cœur de leur créativité, considèrent le mois de jeûne, avec sa sainteté et sa spécificité, comme propice à la réflexion, à une lecture attentive et approfondie. Cette activité sera certainement la plus impactante sur l’écriture à l’avenir.
Pour les jeunes écrivains, le calendrier particulier du Ramadan offre une opportunité idéale pour avancer dans certains projets en suspens, dans l’écriture ou la traduction, sans aucun impact négatif sur la clarté mentale requise, la lecture étant essentielle en sélectionnant une gamme variée d’œuvres littéraires et intellectuelles attendues pour leur tour.
Prédominance littéraire
Peu de présence du Ramadan est remarquée dans la littérature marocaine par rapport à la littérature arabe.
Le critique Hamid Rakkata souligne que le mois sacré se démarque dans l’écriture en langue française, dans des œuvres comme « La Nuit du Destin » de Tahar Ben Jelloun, et « Un Mosaïque Terne » de Benaouz El Shat, traduites par Osman Benshkrun du français, première roman marocain publié dans les années 30 en français. Rakkata commente que le changement n’a pas encore suscité l’intérêt des romanciers marocains pour écrire à ce sujet, et la nouvelle courte marocaine semblait plus intéressée par le Ramadan ainsi que quelques écrits de voyage, mais n’a pas vraiment apporté de nouveauté à la narration littéraire, en comparaison avec son équivalent arabe et égyptien en particulier.
Présence sociale
Le Ramadan se manifeste dans le roman « Les Hommes de l’Obscurité » de l’écrivaine marocaine Halima Al Ismaili, qui correspondait au mois d’août, où les fleurs conservent leurs senteurs variées parmi les palmiers, diffusant leur parfum partout, en particulier dans le jardin (la maison traditionnelle spacieuse) où vit Iman, l’héroïne du roman.
L’auteur présente différentes coutumes de la cuisine marocaine pendant le Ramadan, ainsi que les valeurs de coopération, de solidarité et d’échange de gâteaux entre les voisines. Elle touche aussi à la psychologie de son personnage, mettant en lumière comment le mois devient une occasion de retrouver le contrôle sur ses sens, après avoir perdu le contact avec celui qu’elle attendait de devenir son mari, le « Palestinien Ziad, le héros du roman », qui est parti pour Gaza, et dont les nouvelles se sont interrompues après le début de la guerre.