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# Des tech-influenceurs ont fait perdre des millions aux entreprises
Les derniers jours ont révélé l’ampleur du pouvoir détenu par les influenceurs et critiques techniques, suite à la crise provoquée par Marques Brownlee, connu sous les initiales « MKBHD », sur plusieurs entreprises technologiques en février et avril de cette année. En effet, ses critiques ont conduit à une baisse de la valeur des actions de certaines entreprises, les rapprochant de la faillite.
La montée en puissance des influenceurs techniques
Le secteur technologique a été l’un des premiers à voir émerger le rôle des critiques et des influenceurs grâce à la grande diversité des produits dans ce domaine et aux avancées rapides qui y ont lieu. L’influence des critiques techniques remonte à 2007, alors que les forums en ligne dominaient encore le paysage internet.
Les choses ont beaucoup changé avec la popularité croissante des plateformes de partage de vidéos, en particulier YouTube, qui a joué un rôle majeur dans le passage du contenu écrit au contenu visuel. Les critiques et influenceurs techniques ont alors commencé à partager leurs avis via des vidéos, atteignant une audience beaucoup plus large.
Au fil du temps, les critiques techniques ont gagné en influence grâce à leur popularité. Plus leur popularité croissait, plus leur influence augmentait, leur permettant d’obtenir des informations exclusives et d’accéder aux produits avant les autres. Dans cette course effrénée, on oublie souvent de se demander si certains de ces influenceurs ont réellement les compétences nécessaires pour occuper cette place.
Au début de l’ère des critiques techniques, l’accès à l’information n’était pas aussi facile qu’aujourd’hui. Les critiques devaient essayer de nombreux appareils pour se forger une opinion réaliste, n’ayant souvent pas accès aux avis d’autres utilisateurs. Partager et diffuser ces avis était également difficile.
Les débuts des vrais experts
Les entreprises ne reconnaissaient pas encore le rôle des critiques techniques et les ignoraient souvent. Par conséquent, ces experts n’avaient pas accès gratuitement aux appareils comme c’est le cas aujourd’hui, et cette compétence n’était pas un travail à temps plein mais une passion pratiquée en plus de leur vie quotidienne.
Ces facteurs ont transformé le travail des critiques techniques en une profession élitiste, inaccessible à tous. Cela a donné naissance à une génération de critiques techniques avec plus de dix ans d’expérience, dont les avis étaient totalement indépendants des entreprises et des considérations commerciales.
De nos jours, ce n’est plus exclusivement le domaine des experts ou des passionnés. Beaucoup de nouveaux critiques techniques manquent de l’expérience nécessaire et utilisent leurs plateformes comme des tribunes publicitaires pour les entreprises, sans se soucier des besoins réels des utilisateurs.
![Un véhicule électrique Ocean de Fisker exposé lors du 2021 LA Auto Show à Los Angeles, novembre 18, 2021.](https://aljazeera.net/wp-content/uploads/2024/05/Fisker1-1716822128.jpg?w=770&resize=770%2C513)
Marques Brownlee a publié sa critique de la nouvelle voiture électrique de Fisker, l’Ocean, la qualifiant de pire voiture qu’il ait jamais essayée (Shutterstock).
La crise a commencé lorsque Brownlee a publié sa critique de la nouvelle voiture électrique « Ocean » de Fisker, la qualifiant de pire voiture qu’il ait jamais essayée. Dans sa critique, il a détaillé les raisons pour lesquelles il avait cette opinion. La vidéo a rapidement dépassé les 5 millions de vues sur la chaîne secondaire de Brownlee, « Auto Focus ».
Que s’est-il passé avec « MKBHD » ?
En conséquence, Fisker a licencié 15 % de son personnel immédiatement après la critique de Brownlee et a imputé la faute au distributeur qui lui avait envoyé la voiture, menaçant de retirer sa licence au lieu de résoudre les problèmes soulevés dans la critique. Plus tard, Fisker a envoyé une équipe pour mettre à jour le système de Brownlee, indiquant que les problèmes provenaient de l’ancienne version du système de la voiture.
Ensuite, Brownlee a critiqué le pin AI « Humane AI », qui devait révolutionner les smartphones. « MKBHD » a décrit ce produit comme le pire dans le monde des smartphones. Cette critique, publié il y a un mois, a dépassé les 7 millions de vues, déclenchant une vague de critiques de la part d’autres critiques techniques et des abonnés.
Les critiques ont accusé Brownlee d’être la principale cause de la faillite de Humane, qui a perdu des millions de dollars. Daniel Vassallo a qualifié Brownlee d’irresponsable, affirmant qu’il ne réalisait pas l’ampleur de son pouvoir. « Sans la critique de Marques, Humane aurait vendu beaucoup de produits », a-t-il affirmé. Brownlee a répondu qu’il n’était pas d’accord avec Vassallo sur son rôle et sa fonction.
Les avis divergent sur les dispositifs techniques, mais certains aspects ne peuvent être discutés, tels que la qualité et l’utilité d’un appareil. Ces aspects se retrouvent dans les points communs entre différentes critiques techniques.
MKBHD a-t-il fait une erreur ?
Fisker avait déjà plusieurs problèmes avant la critique de Brownlee, notamment des enquêtes sur des défaillances des freins ayant causé des accidents sur les autoroutes et plusieurs problèmes techniques liés à la batterie et au système de direction.
Quant à Humane, qui devait révolutionner le monde des smartphones, de nombreux critiques ont relevé les mêmes problèmes que Brownlee dans leur pin AI, concernant la mauvaise batterie ou les fonctions ne marchant pas.
Humane avait levé 230 millions de dollars lors de plusieurs tours de table avant de lancer son premier produit, lequel était confronté à plusieurs défis, notamment le coût élevé de l’abonnement annuel et de l’appareil lui-même, qui dépassait 700 dollars. Plutôt que de résoudre ces problèmes, Humane a préféré se mettre en vente pour un milliard de dollars.
Marques Brownlee n’était pas responsable de l’échec de ces entreprises technologiques. Il n’a pas participé au développement ou à la fabrication des produits, et il n’était pas le seul à avoir noté ces défauts, mais il était le plus célèbre pour en avoir parlé.
La présence de critiques techniques impartiaux comme Brownlee incite les entreprises à réfléchir davantage avant de lancer un produit inachevé ou défectueux, plutôt que de compter sur une horde de partisans qui approuveraient tout ce qu’elles lancent. Au final, les entreprises ne fournissent pas leurs produits gratuitement aux utilisateurs.