Un avocat palestinien en Italie monte un dossier de génocide israélien
Des piles de documents juridiques en anglais et en arabe remplissaient le bureau de Triestino Mariniello à Messine, une ville du sud de l’Italie donnant sur la Méditerranée d’un côté et sur le volcan fumant de l’Etna de l’autre.
Ici, loin de la guerre, une équipe d’avocats du Centre palestinien pour les droits de l’homme (PCGR) de Gaza, auquel appartient Mariniello, a travaillé le mois dernier sur leur tentative de poursuivre Israël pour génocide.
« Nous avons pensé que c’était une bonne façon de tenter d’être plus productifs dans un endroit où vous pouvez réellement vous détacher des horreurs constantes, même si cela peut sembler impossible ces jours-ci », a déclaré Mariniello à Al Jazeera. « Nous avons également considéré cela comme une opportunité pour notre collègue de Gaza de reprendre son souffle après ce qu’il a vécu. »
L’équipe juridique du PCHR – comprenant le procureur en droit pénal Mariniello et Chantal Meloni, professeure italienne de droit pénal international à l’Université de Milan – est dirigée par Raji Sourani, avocat palestinien de la bande de Gaza et directeur du centre. Ils prévoient de présenter leur affaire à la Cour internationale de Justice (CIJ).
Sourani est l’un des rares Palestiniens à avoir quitté Gaza avec sa famille, traversant en Égypte fin février après avoir survécu de justesse à une attaque aérienne israélienne.
Mariniello l’a invité à Messine, sa ville natale, pour se détendre et travailler sur l’affaire.
« Pendant des années, nous avons documenté les horreurs traversées par les familles de Gaza, et à travers cette collaboration professionnelle, une amitié très sincère est née », a déclaré Mariniello.
L’équipe du PCHR représente les victimes de la guerre à Gaza.
Mariniello et Sourani travaillent ensemble depuis 2020 sur des affaires remontant au blocus de 2014, aux protestations frontalières de 2018 et à la crise de 2021 impliquant des tirs de roquettes depuis Gaza et des frappes aériennes par Israël. Ils ont recueilli des milliers de témoignages de familles endeuillées dont les proches ont été tués par les forces israéliennes.
« Tous ces témoignages passés prouvent que cela n’a pas commencé le 7 octobre, qu’il s’agit d’une agression beaucoup plus systémique qui doit être abordée à travers les bons outils juridiques », a déclaré Mariniello.
Après avoir soumis une documentation pour une pré-enquête en 2021 à la Cour pénale internationale et n’avoir reçu aucune résolution depuis plus de deux ans, l’équipe du PCHR a décidé de passer par la CIJ, la plus haute cour des Nations Unies, qui a récemment mis Israël en garde, l’avertissant d’un risque plausible de génocide à Gaza.
Après leur travail acharné en février et mars, les avocats estiment avoir suffisamment de preuves pour poursuivre Israël pour génocide et se rendront bientôt à La Haye.
Les forces israéliennes « bloquent le cours de la vie à Gaza », a déclaré Mariniello, « en entravant les accouchements et en ciblant les hôpitaux et les maternités, en bloquant l’aide humanitaire vitale à la frontière et en commettant des massacres ».
L’offensive d’Israël sur Gaza, qui a tué plus de 33 000 personnes, dont près de 14 000 enfants, a commencé le 7 octobre lorsque le Hamas, le groupe qui gouverne la bande de Gaza, a attaqué le sud d’Israël. Au cours de cette offensive, 1 139 personnes ont été tuées et des centaines d’Israéliens ont été pris en otage.
Sourani se considère comme un survivant du génocide. Il a déclaré qu’il avait réalisé que la plupart du monde, même dans des coins inattendus, est du côté des Palestiniens.
En Sicile, l’équipe juridique a passé beaucoup de temps enfermée à travailler sur l’affaire. Mais ils ont également dialogué avec les citoyens locaux lors d’un débat public.
Au centre de conférences Salone delle Bandiere au centre-ville de Messine, environ 300 personnes se sont réunies pour écouter les experts parler de Gaza et des démarches que les Italiens peuvent entreprendre pour soutenir leur combat juridique.
Mariniello a souligné que les individus, malgré les idées reçues répandues, ont un rôle crucial à jouer dans le soutien du travail des législateurs « parce que c’est grâce aux citoyens ordinaires que l’apartheid a pris fin en Afrique du Sud. Sans le soutien du public, un simple dossier juridique ne peut pas changer le cours de l’histoire », a-t-il déclaré lors de la conférence.
Carmelo Chite, 65 ans, présent dans l’assistance, a déclaré à Al Jazeera: « Depuis le début du conflit en octobre dernier, je ressens beaucoup plus de curiosité et d’intérêt, en Italie et ailleurs, par rapport au passé.
« Les gens ordinaires veulent enfin en savoir plus après avoir réalisé que les médias grand public en Italie contrôlent le récit et cherchent sincèrement à aider la cause juridique. Et c’est positif parce que, espérons-le cette fois, cela conduira à un changement. »
Le gouvernement italien soutient Israël et lui a envoyé des armes, mais ces derniers mois, il a condamné l’ampleur des attaques contre les civils palestiniens.
Sourani a déclaré qu’il était surpris de trouver « un public très favorable pour engager une discussion franche ».
En Sicile, a-t-il ajouté, il a réussi à améliorer la qualité de son argumentation juridique avant un voyage aux Pays-Bas.
« Regarder le volcan de l’Etna m’a rappelé mon peuple. Comme un volcan, nous ne nous calmerons jamais tant que nous n’aurons pas obtenu justice. »