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Syrie : Offensive des rebelles sur Hala, enjeux et conséquences
En seulement trois jours, une offensive menée par des rebelles syriens a réussi à repousser les forces du régime syrien de dizaines de localités dans le nord du pays, y compris la ville d’Alep, la deuxième plus grande ville de Syrie. Qu’est-ce qui s’est passé et quelles en sont les répercussions ?
Comment s’est déroulé l’attaque ?
L’assaut a débuté mercredi, lorsque des forces de l’Hay’at Tahrir al-Sham, une coalition dominée par l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, et des rebelles soutenus par la Turquie, ont envahi des zones contrôlées par le régime dans la province d’Alep et les environs d’Idlib. Selon Rami Abdel Rahman, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, ils n’ont rencontré « aucune résistance notable ».
En trois jours, ces forces ont réussi à s’emparer d’environ 70 localités, y compris « la plupart » des quartiers d’Alep, des bâtiments gouvernementaux et des prisons. L’Observatoire a également rapporté que les rebelles ont capturé des sites stratégiques dans les provinces d’Idlib, de Hama et la ville clé de Saraqeb. Ils ont atteint les portes de cette dernière vendredi après avoir mené « deux attentats suicide à la voiture piégée », puis ont progressivement pris le contrôle des quartiers, selon la même ONG.
Les rebelles ont également coupé la route stratégique M5 reliant Damas à Alep, ainsi qu’un autre itinéraire vers Lattaquié. Samedi matin, ils ont aussi pris le contrôle de l’aéroport international d’Alep. Face à ces offensives, les forces syriennes ont « retiré » leurs troupes, selon Adil Bakwan, chercheur au programme Turquie/Moyen-Orient à Evry, qui a noté qu’« il n’y avait plus de résistance ».
Quelles sont les défenses du régime syrien ?
En réponse à ces attaques, l’armée russe a annoncé que ses avions de chasse avaient bombardé des groupes « extrémistes » en Syrie, soutenant ainsi les forces du régime, selon des agences de presse russes. Toutefois, la présence russe a diminué ces derniers mois en raison de la guerre en Ukraine. Néanmoins, le Kremlin a promis d’envoyer de l’aide militaire dans les prochains jours, selon des sources militaires de Reuters.
Par le passé, Damas a également pu compter sur le soutien des forces du Hezbollah libanais, mais celles-ci ont été affaiblies ces derniers mois par la guerre ouverte du parti contre Israël. Selon l’Observatoire, l’aviation syrienne a mené des frappes intensives dans la région d’Idlib ces dernières heures. Miriam Ben Raad, professeur à l’Université Schiller à Paris et auteure de « Mécanismes des conflits : cycles de violence et solutions », a déclaré que les assaillants « ont profité d’une faiblesse apparente du régime ». Elle a également noté que l’on pouvait s’attendre à ce que l’armée syrienne « se réorganise » dans les jours à venir, affirmant que leur démarche constituait « un retrait stratégique pour le moment ».
Pourquoi ce timing pour les groupes armés ?
Le président du « gouvernement » autoproclamé par Hay’at Tahrir al-Sham à Idlib, Mohamed Bashir, a confirmé jeudi que l’attaque a été déclenchée après que « le régime (d’Assad) a massé ses troupes sur les lignes de front et commencé à bombarder des zones civiles, ce qui a entraîné le déplacement de dizaines de milliers de personnes ». En effet, ces régions ont été soumises à des bombardements intensifs de la part de l’armée syrienne et de son allié russe ces derniers jours.
Selon plusieurs experts cités par Le Parisien, cette opération était en préparation depuis plusieurs mois par Hay’at Tahrir al-Sham et les rebelles. Adil Bakwan a souligné que cela s’est produit dans un contexte géopolitique « extrêmement favorable » aux assaillants, car les alliés historiques de la Syrie sont actuellement occupés par d’autres conflits.
Réactions dans la région
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a dénoncé vendredi la violation de la « souveraineté syrienne » lors de cette attaque et a appelé les autorités syriennes à « rétablir l’ordre dans les plus brefs délais » à Alep. Téhéran a également dénoncé ce qu’il a qualifié de complot orchestré par les États-Unis et Israël, affirmant que des « éléments terroristes » avaient attaqué son consulat.
Samedi, Moscou a annoncé que les chefs de la diplomatie russe et iranienne avaient discuté par téléphone de l’« escalade grave » en Syrie, après un appel similaire avec le ministre turc. Dans un communiqué, le ministère russe des Affaires étrangères a noté qu’au cours de cette conversation entre Sergueï Lavrov et Abbas Araqchi, « les deux parties ont exprimé leur profonde inquiétude » face à la situation en Syrie.
De son côté, l’armée turque a appelé vendredi à « stopper » les « attaques » sur Idlib et sa région après une série de frappes aériennes menées par les forces russes et syriennes. La Turquie contrôle plusieurs zones dans le nord de la Syrie et soutient certains rebelles. Selon ses détracteurs, elle aurait donné son feu vert à l’attaque de mercredi, selon Le Parisien.