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Les défis de la défense américaine face à la montée de la Chine
En août dernier, la Commission de la stratégie de défense nationale américaine a publié son rapport annuel, centré sur les menaces et défis auxquels les États-Unis font face, ainsi que sur les moyens d’y faire face. Le rapport indique que les risques pesant sur la sécurité de Washington sont les plus importants depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le rapport évoque la possibilité d’un engagement imminent des États-Unis dans une guerre multidimensionnelle avec des adversaires alliés. Selon le rapport, une telle implication pourrait mener à la défaite de Washington en raison de plusieurs facteurs, notamment le manque de capacité des forces de défense nationale (armée), désormais insuffisantes pour répondre aux besoins de défense et protéger la sécurité nationale. Cela est principalement dû à une baisse de l’engagement des Américains à s’enrôler, entraînant une réduction des effectifs militaires dans toutes les branches: terrestre, navale et aérienne.
En outre, le rapport souligne l’insuffisance de la production de défense américaine, la qualifiant de « complètement inadéquate » pour répondre aux exigences en cas de conflit avec des puissances majeures, en raison de la baisse du pourcentage du budget du ministère de la Défense par rapport au produit intérieur brut (PIB) américain, qui ne représente plus qu’environ 3 % cette année, contre près de 17 % après la Seconde Guerre mondiale.
Alliés pour la dissuasion
Selon la Commission de stratégie de défense, il est nécessaire de prendre le temps de traiter ces questions afin de mettre en œuvre un plan à long terme, ce que Washington ne peut pas se permettre actuellement. La rapidité d’intervention est devenue un facteur critique dans l’avenir des conflits, notamment en raison des tensions croissantes dans la région de l’Indo-Pacifique en raison de la rivalité avec la Chine, ainsi que de l’intensification de la guerre en Ukraine.
Le rapport appelle à la création rapide d’une force conjointe avec les alliés des États-Unis sur chaque théâtre d’opération où Washington pourrait être menacé. Cette force devrait assiéger les adversaires et limiter leur influence, les incitant ainsi à réfléchir avant de nuire aux intérêts et à la sécurité américains. Cela signifie que Washington doit davantage s’appuyer sur les armées de ses alliés pour construire une force de dissuasion, car il ne pourra pas, avec ses effectifs actuels, rivaliser avec la Russie, la Chine et leurs partenaires, ni faire face à des guerres simultanées sur plusieurs fronts.
Prise de conscience des États-Unis
Les actions récentes de Washington, en particulier celles menées l’année dernière, témoignent de sa prise de conscience face à cette impasse et de son adoption concrète des recommandations de la Commission. L’administration du président américain Joe Biden a cherché à renforcer ses alliances et à améliorer ses relations internationales, surtout dans la région de l’Indo-Pacifique, afin de contenir l’influence croissante de Pékin.
Ce phénomène est considéré par les analystes comme une nécessité, due à la politique de l’ancien président Donald Trump, qui avait affaibli la position américaine en aliénant ses anciens partenaires. La présidence de Trump regorge d’exemples de ce détournement, notamment son mépris public à l’égard de l’OTAN et ses interrogations sur la pertinence de l’alliance avec le Japon.
Focus sur la Chine
La Chine représente la préoccupation principale de Washington, ayant largement annulé les avantages militaires américains dans la région du Pacifique grâce à deux décennies d’investissements militaires concentrés, tout en cherchant à imposer sa domination régionale en Asie.
Selon Elbridge Colby, ancien adjoint au secrétaire à la Défense américain, la meilleure stratégie pour Pékin serait d’éviter de combattre tous ses adversaires potentiels simultanément, en adoptant une approche séquencée contre les membres de l’alliance anti-hégémonique. Tout coup porté à un allié de Washington pourrait effacer les perceptions de la volonté américaine de défendre ses partenaires, poussant ainsi les pays asiatiques à renoncer à s’opposer à Pékin et à envisager plutôt un accord avec elle.
Collaborations militaires renforcées
Washington a annoncé en juillet dernier près de deux milliards de dollars d’aide sécuritaire aux pays de la région, dans le cadre d’un effort plus large pour les aider à se défendre contre l’agressivité de la Chine. Cette aide comprend 1,2 milliard de dollars pour Taïwan, environ 500 millions pour les Philippines, et des fonds pour le Vietnam et les îles du Pacifique.
De plus, Washington mise sur ses exportations de défense et ses programmes de fabrication militaire conjointe pour renforcer ses alliances dans la région. Bien que la majorité de ces pays reçoivent des transferts d’armement américains, Washington accorde une attention particulière à l’Inde, ainsi qu’à ses proches alliés, l’Australie et le Japon.
La pression sur le Japon et le Canada
Les États-Unis exercent une pression constante sur le Japon depuis 2022 pour augmenter ses dépenses militaires, avec un objectif d’atteindre 2 % du PIB d’ici 2027. Récemment, le Japon a annoncé un budget de défense de 59 milliards de dollars pour 2025, représentant le plus grand budget de défense de son histoire.
Parallèlement, Washington intensifie sa pression sur le Canada pour qu’il atteigne une dépense de 2 % de son PIB pour la défense, alors que le pays fait face à des critiques concernant la préparation de ses forces armées, qui souffrent d’un déficit de personnel d’environ 16 000 soldats.
Défis de la production militaire
Washington s’inquiète de la flexibilité industrielle de Pékin, capable d’intégrer de manière harmonieuse les éléments civils et commerciaux dans son secteur de production militaire. En revanche, les États-Unis peinent à rivaliser avec la Chine en matière de production militaire, malgré le fait qu’ils étaient autrefois reconnus pour leur capacité à mobiliser des ressources civiles à des fins militaires, surtout pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ainsi, la Commission de stratégie de défense américaine conclut que le renforcement de l’armée américaine à travers la formation d’alliances ne sera pas suffisant, tant que la production militaire américaine, déjà déficiente, ne sera pas améliorée pour faire face à un conflit majeur.