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Manoeuvre spatiale vers Jupiter : le slingshot Terre-Lune expliqué
Une sonde européenne est sur le point de survoler à la fois la Terre et la Lune en l’espace de 24 heures. Dans les années 2030, la mission Jupiter Icy Moons Explorer (Juice) sera la première sonde européenne à entrer en orbite autour de Jupiter. Mais avant cela, elle doit effectuer une manoeuvre essentielle pour préparer son éventuelle rencontre avec la planète géante.
Un survol historique
Juice va passer à proximité de la Lune à 22h16 BST le 19 août. Elle survolera ensuite la Terre le 20 août à 22h57 BST. Cela fait maintenant 16 mois que Juice a été lancée depuis le centre spatial européen en Guyane française. Ce survol de la Terre et de la Lune permettra à Juice d’être la première sonde à réaliser une manoeuvre d’assistance gravitationnelle Terre-Lune, connue sous le nom de Lega.
Exploitation des forces gravitationnelles
Au cours de cette séquence de manoeuvres ambitieuses, Juice tirera parti de l’attraction gravitationnelle de la Terre et de la Lune pour modifier sa trajectoire. À l’issue de cette séquence, elle sera sur un nouveau cap qui la mènera à une rencontre avec Vénus en août 2025. À Vénus, Juice exécutera une manoeuvre de slingshot vers la Terre (deux fois) avant de continuer vers Jupiter, où elle entrera en orbite en juillet 2031 pour commencer une mission d’exploration de trois ans et demi des lunes glacées de la planète géante : Ganymede, Callisto et Europa. Avec le satellite volcanique Io, ces lunes sont connues sous le nom de lunes galiléennes, en hommage à l’astronome italien Galileo Galilei.
À la recherche de la vie extraterrestre
Ce trajet pittoresque offre des opportunités uniques pour observer de près des mondes lointains, tout en calibrant des instruments dédiés à la cartographie de l’environnement de Jupiter et à l’étude des trois lunes. Selon les scientifiques, ces lunes pourraient abriter de la vie extraterrestre dans leurs océans souterrains. Des mesures indiquent que Ganymede, Europa et Callisto possèdent tous de l’eau liquide sous leurs coques externes, ce qui soulève des questions fascinantes sur les possibilités de vie.
Une décision pragmatique pour économiser du carburant
La première manoeuvre Lega est indispensable pour permettre à la sonde de transporter ses 280 kg d’instruments scientifiques vers Jupiter, tout en conservant suffisamment de carburant pour entrer en orbite autour de la planète et réaliser sa mission captivante. Les économies de carburant réalisées grâce aux manoeuvres d’assistance gravitationnelle ont été exploitées depuis les débuts de l’exploration spatiale, facilitant des missions telles que Voyager 1 et 2. Lancées en 1977 pour explorer les planètes extérieures, ces sondes sont désormais dans l’espace interstellaire, révolutionnant notre compréhension du système solaire.
Un défi inégalé
Ce qui rend la manoeuvre Lega du 19 au 20 août si spéciale, c’est qu’il est sans précédent de devoir effectuer deux assistances gravitationnelles dans un court laps de temps pendant une seule journée. En effet, la Lune se trouve à un emplacement idéal pour modifier la trajectoire de Juice, rendant le survol terrestre aussi efficace que possible pour propulser la sonde vers Vénus.
Des exigences très élevées pour la mission
Cependant, cette manœuvre exige également des exigences de trajectoire et d’opérations plus strictes, mettant à l’épreuve les opérateurs de mission les plus talentueux et expérimentés de la Terre. Survoler une planète ou une lune n’est pas une mince affaire. Les concepteurs de missions et les opérateurs de sondes doivent planifier minutieusement le timing, la distance et la trajectoire de chaque rencontre planétaire. La sonde doit ensuite suivre ces instructions avec précision.
Coordination mondiale
La complexité est accrue par la connaissance limitée de la position et de la vitesse de la sonde dans l’espace tridimensionnel, souvent avec un niveau de précision de quelques kilomètres et quelques centimètres par seconde. Les modèles sophistiqués mais imparfaits de l’environnement spatial compliquent la prévision de l’orbite de la sonde au-delà de quelques jours.
Si des écarts par rapport à la trajectoire nominale sont détectés, les moteurs de la sonde s’allument pour réduire autant que possible l’erreur. Une erreur trop importante pourrait compromettre la mission. La marge d’erreur est encore plus réduite lorsque l’on survole deux objets planétaires en succession rapide. Avec moins de 24 heures entre les survols de la Lune et de la Terre, il reste peu de temps pour réagir aux problèmes.
Surveillance constante des opérateurs
Les planificateurs de mission de l’Agence spatiale européenne (ESA) disposent d’un réseau de stations au sol sur toute la planète, utilisant d’énormes antennes de télécommunication pour communiquer avec la sonde. Ils surveillent en continu, mesurent, estiment et corrigent la trajectoire du mieux qu’ils le peuvent, deux jours avant et après les rencontres rapprochées. Pendant ce laps de temps, une équipe internationale d’opérateurs de sondes travaille sans relâche pour analyser les données transmises par la sonde et la garder sur la bonne voie.
Collecte de données durant les survols
Juice est équipée de dix instruments scientifiques, accompagnés d’équipements de navigation, qui collecteront des données durant les rencontres avec la Terre et la Lune pour vérifier que la trajectoire est conforme. Les données seront renvoyées vers la Terre via deux antennes de tailles différentes. Toutefois, Juice devra pointer très précisément vers notre planète pour transmettre les informations vitales concernant la science et la navigation.
Une promesse d’exploration
Si tout se déroule bien, ces manœuvres permettront à Juice de rencontrer Jupiter en 2031 et de débuter sa mission d’exploration. L’enthousiasme est palpable autour de l’observation de ces lunes glacées, considérées comme des lieux prometteurs du système solaire pour la recherche de vie extraterrestre. Cela pourrait éclairer davantage les conditions sous la coque de glace externe et leur potentiel d’habitabilité pour des organismes vivants.
La sonde récoltera également des données sur Jupiter lui-même, la plus grande planète du système solaire, qui cache encore de nombreux secrets à découvrir. Le résultat des survols Terre-Lune des 19 et 20 août sera donc colossal, ouvrant la voie à une nouvelle ère d’exploration des planètes et de leurs satellites.