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Rome antique et les îlots de chaleur urbains : leçons pour aujourd’hui
Alors que des vagues de chaleur record touchent le monde entier, un fait peu rapporté offre un certain espoir pour rafraîchir nos villes : même durant les périodes les plus intenses de chaleur extrême, certains quartiers urbains ne connaissent pas des températures similaires à celles des vagues de chaleur.
Comment est-ce possible ?
Les civilisations ont reconnu depuis des siècles le pouvoir des villes à se réchauffer et à se refroidir. Les architectes de la Rome antique préconisaient de rétrécir les rues pour atténuer les températures de l’après-midi. En effet, des rues étroites permettent de rafraîchir l’air en limitant la surface exposée à la lumière directe du soleil.
Un autre exemple de stratégie éprouvée est l’architecture blanchie des îles grecques. Les murs et les toits de couleur claire contribuent au refroidissement des villes en réfléchissant la lumière du soleil.
Aux États-Unis, Thomas Jefferson proposait une approche différente pour lutter contre la chaleur : instaurer un schéma en damier avec des quartiers fortement végétalisés entre des constructions denses. Cela pourrait favoriser le refroidissement grâce aux mouvements d’air convectifs entre les zones fraîches et chaudes.
Les mécanismes de réchauffement des villes
Comme l’explique mon récent ouvrage, « Adaptation radicale : Transformer les villes pour un monde affecté par le climat », les villes modernes augmentent involontairement leurs propres températures, créant ce que l’on appelle l’effet d’îlot de chaleur urbain.
Les villes engendrent une élévation de la température par quatre principaux mécanismes :
- La concentration des infrastructures et des constructions qui absorbent la chaleur.
- La pollution atmosphérique qui contribue à créer une couverture isolante.
- Le manque de végétation qui limite l’évapotranspiration.
- Les effets de l’urbanisation qui modifient les flux d’air.
Combinés, ces facteurs peuvent faire grimper les températures urbaines de 5,6 à 11 degrés Celsius lors d’un après-midi d’été chaud, ce qui représente un décalage significatif attribuable à l’homme et un risque sérieux pour la santé des personnes sans climatisation.
Des mesures simples pour rafraîchir les villes
Comprendre dans quelle mesure les villes peuvent s’auto-chauffer offre des outils précieux pour les refroidir, surtout face au réchauffement climatique à l’échelle mondiale.
Tout d’abord, il est impératif que les villes réduisent considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre pour freiner le phénomène mondial du changement climatique. À l’échelle mondiale, les zones urbaines, avec leurs industries, véhicules et bâtiments, représentent plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie, et leurs populations continuent de croître rapidement.
Les villes peuvent également ralentir l’accélération des tendances de réchauffement causées par l’effet d’îlot de chaleur urbain en mettant en œuvre des mesures parfois simples. Des recherches montrent que les bénéfices sanitaires liés à la réduction des îlots de chaleur urbains pourraient être substantiels.
Au Georgia Tech Urban Climate Lab, mes collègues et moi collaborons avec les gouvernements locaux pour évaluer le potentiel de refroidissement de la gestion des îlots de chaleur urbains. Nous mesurons les bénéfices sanitaires directs des actions telles que l’expansion de la couverture arborée et l’utilisation de matériaux réfléchissants pour les routes et les toits.
Nos travaux montrent que planter des arbres sur juste la moitié de l’espace disponible pour soutenir la canopée arborée pourrait faire baisser les températures des après-midis d’été de 2,8 à 5,6 degrés Celsius, réduisant ainsi les décès liés à la chaleur de 40 à 50 % dans certains quartiers.
Que peuvent faire les villes maintenant
Des stratégies agressives pour augmenter la couverture arborée à travers les villes, une transition rapide vers des matériaux de refroidissement pour les toits, et même le remplacement de certaines voies de stationnement et autres surfaces imperméables peu utilisées par des bioswales végétalisés peuvent réduire considérablement les températures urbaines. Ce faisant, cela augmenterait la résilience d’une ville face à la hausse des températures.
Des évaluations des risques liés à la chaleur urbaine que nous avons menées dans plusieurs villes américaines, notamment Atlanta, Dallas, Louisville et San Francisco, montrent qu’une combinaison de stratégies de gestion des îlots de chaleur pourrait faire baisser les températures des quartiers de plus de 5,6 degrés Celsius lors des journées chaudes et réduire de 20 à 60 % les décès prématurés liés à la chaleur.
Une ville plus fraîche est une ville plus sûre, et cela est à la portée des communautés.