Sauvetage des rapaces au Kenya par des sanctuaires
Simon Thomsett retire avec précaution un bandage rose de l’aile d’un bateleur blessé, un aigle à queue courte de la savane africaine, où les oiseaux de proie sont de plus en plus menacés d’extinction.
« Il reste encore un long chemin à parcourir avant la guérison », explique Thomsett alors qu’il soulève les plumes sombres de l’oiseau et examine la blessure.
« Il a été blessé dans le parc national de Maasai Mara, mais nous ne savons pas comment », raconte ce vétérinaire de 62 ans qui dirige le Soysambu Raptor Centre dans le centre du Kenya.
L’aigle de 18 mois, au bec rouge distinctif et au corps noir, a été amené au refuge il y a cinq mois, où environ 30 autres rapaces blessés lui tiennent compagnie.
Les vautours Ruppell en voie de disparition se réchauffent au soleil du matin au Naivasha Raptor Centre [Tony Karumba/AFP]
Les raisons du déclin sont multiples.
Les vautours et autres charognards sont morts en mangeant les restes de bétail, devenant victimes d’une pratique adoptée par les éleveurs de bétail qui empoisonnent les carcasses pour dissuader les lions de s’approcher de leurs troupeaux.
La déforestation joue également un rôle, tout comme la prolifération des lignes électriques à travers l’Afrique qui s’avèrent fatales pour les oiseaux qui s’y perchent pour chasser leur proie.
Certains oiseaux diminuent si rapidement que les initiatives de conservation ne donneront pas de résultats, déclare Thomsett. « Nous sommes trop tard. »
Les oiseaux de proie souffrent également d’un problème d’image.
« Les vautours sont perçus comme laids, repoussants, sales et dégoûtants », déclare Shiv Kapila, qui gère un sanctuaire ornithologique dans le parc national de Naivasha, situé à environ 50 km de la réserve de Soysambu.
Certains membres de communautés vont même jusqu’à tuer des espèces telles que les hiboux et les vautours oricous, croyant qu’ils portent malheur.
« Nous devons convaincre les gens qu’ils sont non seulement absolument magnifiques, mais aussi incroyablement utiles », dit-il, alors que les vautours de Ruppell aux longues pattes et les vautours oricou à tête rose se côtoient à l’intérieur d’une cage.
Un vautour oricou, en voie de disparition critique, dans son habitat au Soysambu Raptor Centre [Tony Karumba/AFP]
Éduquer les gens sur les oiseaux de proie est essentiel, déclare Kapila, qui organise des sorties scolaires au sanctuaire et rend visite aux communautés locales pour changer l’opinion publique.
« Nous pouvons constater une grande différence d’attitudes », déclare Juliet Waiyaki, vétérinaire de 25 ans, qui a commencé à travailler au sanctuaire de Naivasha l’année dernière, aidant à prendre soin des 35 oiseaux de proie qui y sont hébergés.
Mais elle se demande parfois si son travail de vétérinaire a un impact.
« Je ne peux pas vous dire si le fait que nous sauvions huit vautours sur 300 000 … fait une différence », déclare Waiyaki. « Mais nous faisons notre part. »
Les rapaces au sanctuaire de Naivasha peuvent rester de quelques jours à plusieurs années. Le personnel se déplace souvent à travers le pays pour secourir les oiseaux blessés.
« Nous prenons un oiseau blessé sur le terrain ou des membres du public nous les apportent et nous les soignons », déclare Kapila, ajoutant que 70 % de ses patients finissent par récupérer suffisamment pour retourner dans la nature.
Malgré la baisse massive des effectifs, Thomsett voit « des raisons d’espérer », surtout lorsqu’il pense aux oiseaux blessés qui semblaient « n’avoir aucune chance … mais qui sont vivants et bien aujourd’hui ».
Il a même des visiteurs réguliers, affirme-t-il, certains oiseaux revenant le saluer des années après leur libération dans la nature. « C’est extrêmement gratifiant », dit-il.