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Restreindre l’accès des étrangers à l’Omeyyade de Damas: contexte et signification
Damas – À l’approche de la commémoration de l’Achoura,
célébrée par les chiites dans certaines parties de Damas, le Bureau de la sécurité nationale, la plus haute autorité de sécurité du régime syrien, a émis une directive imposant des restrictions sur l’entrée des « visiteurs étrangers » à la mosquée des Omeyyades, en raison de la tension entre l’Iran et le régime de Bachar al-Assad.
Décret de sécurité et restrictions
Selon un rapport du site local « Sawt al-Asima », citant des sources informées, les mesures de sécurité stipulent que les délégations touristiques religieuses doivent obtenir des autorisations spéciales pour entrer dans la mosquée.
- Empêcher les délégations de pratiquer des rituels religieux.
- Interdire les bruits qui porteraient atteinte à la sacralité de la mosquée.
Les instructions interdisent également l’entrée de tout « citoyen étranger » même en tant que touriste, sauf avec une autorisation de sécurité.
Le décret s’applique aussi aux diplomates et au clergé chiite, qui doivent obtenir des autorisations via leurs missions diplomatiques. Les journalistes non syriens, les photographes et les touristes venant de divers pays sont également concernés.
Al Jazeera a observé des contrôles de sécurité rigoureux aux barrages entourant la mosquée des Omeyyades, où les agents de sécurité demandent aux passants de préciser leur destination avant de leur permettre de traverser.
Contexte des tensions
Ces mesures arrivent alors que les tensions entre le régime syrien et l’Iran se sont intensifiées en raison de leurs positions différentes sur la guerre à Gaza et ses répercussions, notamment après qu’Entité sioniste a ciblé le consulat iranien à Damas en avril dernier.
Message et levier politique
Mustafa al-Naimi, chercheur syrien spécialisé dans les affaires iraniennes, estime que ce décret reflète la nouvelle vision et politique sécuritaire du régime syrien envers la présence iranienne en Syrie. Il affirme cependant que le régime aura du mal à appliquer cette vision en raison de « l’influence sécuritaire et militaire croissante de l’Iran en Syrie ».
Al-Naimi doute de la capacité du régime à empêcher les milices pro-iraniennes et les Iraniens influents en Syrie d’entrer dans la mosquée des Omeyyades, surtout après que le régime est devenu un « outil » de l’Iran dans la région.
Quant au moment de la publication du décret, le chercheur indique qu’il pourrait s’agir d’un message rassurant aux pays arabes, à l’occasion de la réunion de la Ligue arabe à Manama avec la présence d’Assad, et également d’un levier politique pour rétablir les relations avec le régime syrien.
Il ajoute que les demandes arabes conditionnaient le rétablissement des relations à un projet de « pas à pas » que le régime n’a pas appliqué, les relations restant tendues comme en témoignent les récents affrontements à la frontière syro-jordanienne avec les milices de la drogue.
Absorption de la colère populaire
Michel K., chercheur en relations internationales basé à Damas, partage l’avis d’al-Naimi concernant la signification du décret en matière de politique étrangère, le voyant comme un message aux pays souhaitant éloigner l’Iran de la scène syrienne et réduire son influence.
Cependant, le chercheur considère que la directive est principalement adressée à l’intérieur. Il explique au site Al Jazeera que le régime tente d’absorber la colère croissante d’une grande partie des Syriens face à la dominance des manifestations religieuses chiites à Damas et Deir ez-Zor, qui peuvent parfois déborder et provoquer l’hostilité des autres communautés syriennes.
Dans certains cas individuels, des actes peuvent offenser des symboles religieux d’autres confessions, ce que le régime souhaite éviter avant la prochaine célébration de l’Achoura en juillet.
Le chercheur conclut que ces mesures de sécurité reflètent la crainte du régime de voir se reproduire des scénarios similaires à ceux de Soueida et d’autres zones sous son contrôle, où il ne souhaite pas fournir davantage de justifications aux opposants ou aux protestataires face à la situation économique inacceptable du pays.
Visites touristiques religieuses
Des agences de voyage iraniennes et irakiennes organisent des pèlerinages religieux annuels à Damas pour les chiites, qui visitent des sites religieux comme les mausolées de Sayyida Zaynab et Sayyida Ruqayya.
Les pratiques et déclarations de certains touristes au cours de leurs rites religieux provoquent l’indignation des Syriens en raison de leurs connotations sectaires.
En janvier dernier, des vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux montrant des pèlerins prétendument attaquer la tombe du compagnon Muawiya ibn Abi Sufyan dans le cimetière Bab al-Saghir à Damas.
Relations en crise
Mustafa al-Naimi estime que les tensions actuelles entre l’Iran et le régime syrien découlent de la « perte de confiance » entre les deux parties. L’Iran disposerait d’informations affirmant l’implication du régime syrien dans la divulgation de renseignements sur les mouvements de ses chefs de milices en Syrie, malgré de nombreuses mesures de déviation.
Malgré cela, l’aviation israélienne a pu cibler précisément ces réunions, indiquant une fuite d’informations. Al-Naimi pense que les relations entre l’Iran et le régime syrien sont au plus bas, notamment après l’assassinat de Mohammad Reza Zahidi, commandant des Gardiens de la révolution en Syrie et au Liban, près du consulat iranien à Damas, suggérant une infiltration significative.
Il prévoit que la coopération entre les deux parties se limitera désormais aux aspects militaires plutôt qu’aux aspects sécuritaires, afin de réduire les frappes aériennes israéliennes ciblant les positions des milices pro-iraniennes.