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Réformes pour moderniser la Ve République : un flou inquiétant
Face à une polarisation politique croissante et à une représentation de plus en plus défaillante, le constitutionnaliste Benjamin Morel appelle à une réforme des institutions dans son nouveau livre intitulé Rompre avec la monocratie présidentielle : comment réformer nos institutions (éditions Le Bord de l’eau).
Les limites de la Constitution de 1958
Selon Morel, les récents bouleversements politiques mettent en lumière les failles de la Constitution mise en place en 1958. Il suggère l’adoption d’un scrutin proportionnel et envisage la possibilité d’un nouveau calendrier électoral. Serait-ce le prélude à une VIe République ?
Pourquoi réformer nos institutions ?
Benjamin Morel souligne que les ruptures marquantes, telles que l’éclatement du système partisan en 2017, l’émergence massive du Rassemblement National en 2022 ou encore la difficulté à constituer une majorité en 2024, témoignent d’un système arrivé à ses limites. « Les institutions sont des outils qui, respectivement, peuvent aggraver ou apaiser les tensions politiques », affirme-t-il. La Constitution de 1958 avait pour objectif de limiter l’instabilité parlementaire, considérant que des majorités absentes pouvaient entraîner des crises politiques majeures.
La légitimité remise en question
La question se pose alors : le mode de scrutin majoritaire ne remet-il pas en cause la légitimité de nos institutions ? En 2017, LREM et le MoDem ont conquis 60 % des sièges avec seulement 32 % des voix, ce qui représente moins d’un électeur sur deux. Malgré les oppositions, grâce à des dispositifs tels que l’article 49 alinéa 3, un gouvernement peut appliquer sa politique, même s’il ne jouit pas du soutien majoritaire.
Vers une élection proportionnelle
Morel soutient que dans un scrutin proportionnel, les dynamiques politiques favoriseraient des accords post-électoraux, rompre avec les alliances rigides actuelles. La proportionnelle pourrait engendrer des assemblées plus gouvernables grâce à des dispositifs comme un seuil de représentation et une prime majoritaire.
La synchronisation des élections législatives et présidentielles
Interrogé sur le télescopage des élections législatives et présidentielles, Morel explique que maintenir les législatives après la présidentielle ne fait que valider les résultats de cette dernière. Il met en avant la démobilisation de l’électorat qui n’a pas voté pour le président, laissant entendre que ce schéma électoral pourrait engendrer des assemblées ingouvernables.
Des modèles à l’étranger
En considérant la situation politique dans d’autres pays parlementaires comme l’Allemagne ou l’Italie, Morel argue que l’absence de majorité absolue ne signifie pas nécessairement ingouvernabilité. La plupart de ces pays ont réussi à former des coalitions, défiant ainsi l’idée selon laquelle il serait impossible pour la France d’adopter une telle pratique.
Les enjeux de la VIe République
Concernant une éventuelle transition vers une VIe République, Benjamin Morel prévient que beaucoup d’intervenants ne savent pas quel régime ils souhaitent réellement mettre en place. La mise en place d’une proportionnelle ne nécessiterait pas de réforme constitutionnelle, mais suffirait à changer le paysage politique actuel. Il précise que le vrai pouvoir du président de la Ve République dépend avant tout de la majorité qu’il détient au Palais-Bourbon.
Il conclut : « Pour envisager une réelle transformation, qu’elle soit en termes de démocratie directe ou autre, il conviendrait de bien réfléchir aux objectifs avant de se focaliser sur les aspects terminologiques. »