Peut-on remplacer le règne du Hamas à Gaza par les États-Unis et Entité sioniste?
L'actuel conflit en cours entre Entité sioniste et la bande de Gaza a suscité des discussions sur la possibilité de remplacer le gouvernement dirigé par le Hamas dans la région. Des déclarations israéliennes et américaines ont évoqué la fin de la domination du Hamas comme objectif central de cette guerre. Le secrétaire d'État américain a affirmé que le Hamas ne peut pas continuer à gouverner Gaza, tandis que la Maison Blanche a annoncé qu'elle cherchait à explorer le futur régime à mettre en place dans la région.
Depuis 2007, les Palestiniens vivent dans une situation de division, où le Hamas gouverne la bande de Gaza, tandis que la Cisjordanie est sous l'autorité du gouvernement formé par le Fatah. Face à la situation actuelle, quelle est l'alternative au Hamas à Gaza et jusqu'où cette alternative peut-elle être réalisable ? Peut-on mettre fin au règne du Hamas dans la région ? Peut-on envisager l'Autorité palestinienne ou d'autres acteurs arabes pour prendre en charge l'administration de la bande de Gaza à l'avenir ?
Pour répondre à ces questions, Al Jazeera a interrogé trois experts politiques de la Cisjordanie, dont les opinions convergent vers un même constat : les aspirations américaines et israéliennes sont basées sur un seul scénario, à savoir la défaite du Hamas. Ils écartent toute autre hypothèse et considèrent cela comme déconnecté de la réalité.
Les experts déclarent que les États-Unis tentent de former une nouvelle direction politique palestinienne selon leurs propres critères. Cependant, choisir la direction du peuple palestinien est une affaire purement palestinienne et doit passer par des élections démocratiques.
Selon Hani al-Masri, directeur du Centre palestinien pour la recherche des politiques et des études stratégiques, l'idée d'une alternative à la gouvernance du Hamas à Gaza fait partie de la guerre elle-même. Il estime qu'il existe plusieurs scénarios possibles pour la trajectoire de la guerre, et le scénario de la défaite du Hamas et de la résistance palestinienne n'est en aucun cas réaliste. Comment un mouvement populaire qui a bénéficié d'un large soutien non seulement des Palestiniens mais aussi des Arabes et de la communauté internationale pourrait-il être vaincu ?
Même si on suppose le scénario exclu de la défaite de la résistance, les solutions telles qu'une administration intérimaire, des forces arabes et internationales, le retour de l'Autorité palestinienne ou le déplacement des populations ne sont pas faciles à appliquer. L'acceptation du retour de l'Autorité palestinienne à Gaza pose problème, car cela impliquerait une collaboration avec Entité sioniste, ce qui est difficile à obtenir malgré la préférence américaine, car Entité sioniste préfère une révision et une revitalisation totale de l'Autorité.
En ce qui concerne l'Autorité palestinienne, Hani al-Masri estime qu'il est difficile pour elle d'accepter de revenir à Gaza "sur le dos d'un char israélien". Elle ne serait pas représentative des Palestiniens, mais serait considérée comme une traîtresse et une collaboratrice à la solde du projet israélo-américain, tout comme toute autre personnalité envisagée par les Américains et les Israéliens. En outre, il exclut l'approbation des pays arabes, en particulier l'Égypte et la Jordanie, de toute alternative à la gestion de Gaza dans la situation actuelle, mais s'ils l'acceptaient en cas de défaite du Hamas, leur acceptation serait basée sur la sauvegarde de ce qui peut être sauvé, tandis que les gens de Gaza refuseraient d'être gouvernés par des personnes qui ne les représentent pas.
En ce qui concerne la fin de la guerre actuelle, l'analyse de Hani al-Masri penche vers une "formule sans vainqueur ni vaincu", qui permettrait à chaque partie de prétendre avoir remporté la victoire, car une défaite militaire est impossible pour l'une ou l'autre des parties. Dans ce cas, la résistance sortirait militairement plus faible mais politiquement plus forte, car les effets de "la tempête d'Al-Aqsa" du 7 octobre resteront une victoire stratégique quelle que soit l'issue de la guerre actuelle. Il serait alors impossible de négliger le peuple palestinien et sa cause, et il faudrait réfléchir à la manière de garantir ses droits, car sans cela, les choses se retourneront tôt ou tard.
Selon le Dr Farid Abu Daher, professeur de communication à l'université nationale An-Najah, il est peu probable qu'Entité sioniste puisse réaliser ses objectifs dans cette guerre, en particulier si les pertes et les crises internes continuent à augmenter. Il n'exclut pas la possibilité que l'occupation recherche des moyens de négociation ou de diplomatie pour parvenir à un cessez-le-feu sous certaines conditions, ce qui pourrait inclure une proposition d'administration arabe ou internationale à Gaza. Cela signifierait la capitulation, et il est donc peu probable que cela se produise.
Le Dr Farid Abu Daher se demande si le Hamas serait prêt à se rendre et à remettre Gaza à une entité arabe ou palestinienne sous un cadre onusien. Sa réponse est clairement non, car il a des objectifs clairs pour cet affrontement, notamment l'arrêt de l'escalade dans la mosquée Al-Aqsa, la question des prisonniers, le siège de Gaza et de la Cisjordanie. Il n'est pas exclu que des complicités et même des capitulations arabes et régionales vis-à-vis des projets en cours existent, car la Palestine est devenue une source d'inspiration depuis la première Intifada et un facteur de lutte contre l'injustice.
En ce qui concerne la possibilité que l'Autorité palestinienne accepte de prendre en charge Gaza, le Dr Farid Abu Daher déclare que cela est possible en fonction de sa vision visant à préserver l'intérêt du peuple palestinien et à protéger son sang, en cherchant à réaliser ses objectifs pacifiquement sans verser de sang. Il estime que l'Autorité pourrait accepter de protéger les vies et de reconstruire Gaza, avec l'appui en coulisses des pays arabes, européens, américains et israéliens, mais dans le cadre d'une solution politique et d'un consensus national palestinien.
Selon le Dr Asaad Alawi, analyste politique et directeur de l'Université ouverte d'al-Quds à Bethléem, il est peu probable que le mouvement Hamas et son gouvernement soient éliminés. Il affirme que le Hamas est un mouvement de libération nationale enraciné dans l'esprit du peuple palestinien et fait partie intégrante de celui-ci, et non un tunnel ou un bâtiment pouvant être éliminé.
Asaad Alawi commente que ceux qui soutiennent le projet d'une alternative à la gouvernance du Hamas "anticipent les événements", car le résultat de cette bataille décidera de la situation, et ni les États-Unis, ni Entité sioniste, ni les puissantes forces occidentales ne peuvent mettre fin à l'esprit de résistance chez le peuple palestinien ou installer une administration à Gaza.
Il considère que les déclarations américaines font partie de la guerre psychologique menée contre le peuple palestinien et ne sont pas crédibles. Elle représente simplement une tentative de défendre les intérêts américains déclinants dans la région. Il ajoute que les États-Unis prennent des décisions unilatérales dans un monde multipolaire.
Asaad Alawi exclut la possibilité de toute implication arabe dans la question de l'administration de Gaza après tant de sang versé et de sacrifices. La seule légitimité est celle de ceux qui défendent le peuple palestinien et qui sont prêts à donner leur sang et leur vie. Et le gouvernement doit être basé sur un consensus palestinien. Il estime également qu'il existe des acteurs régionaux qui ont des intérêts communs avec la résistance et qui commencent à se montrer plus forts, tels que la Russie qui adopte une position plus avancée et partisane envers le peuple palestinien et sa cause, plus que jamais auparavant.
En conclusion, il est peu probable que le Hamas soit remplacé par les États-Unis et Entité sioniste à Gaza. Le Hamas est profondément enraciné dans l'esprit du peuple palestinien et fait partie intégrante de la lutte pour la libération nationale. Les aspirations américaines et israéliennes de mettre fin à son règne et de le remplacer sont déconnectées de la réalité. La guerre actuelle ne peut pas mettre un terme définitif au mouvement de résistance, et toute alternative à la gouvernance de l'Autorité palestinienne ou d'autres acteurs arabes doit être basée sur un consensus national palestinien.