Sommaire
Partis indonésiens en course effrénée pour séduire les islamistes avant les élections
La scène politique indonésienne est marquée par une compétition intense pour gagner les voix des partisans des divers courants islamiques, estimés à des dizaines de millions de membres et de sympathisants, en prévision des élections législatives et présidentielle du 14 février en cours. Les négociations vont bon train et les alliances se forment à vive allure.
Trois coalitions
Les partis islamiques ou à l’orientation historique religieuse se répartissent entre les trois coalitions formées pour disputer les élections législatives et présidentielle. La coalition « Changement pour l’Unité », axée sur une rhétorique critique et visant la réforme économique, juridique, politique et des services, présente Anies Baswedan comme candidat, ancien gouverneur de Jakarta.
Cette coalition compte la présence de 3 partis islamiques :
- Le parti « Justice et Prospérité de l’opposition », resté opposé durant le mandat de l’actuel président Joko Widodo, avec une orientation militante et intellectuelle émergente depuis les années 1990.
- En plus du « Parti de la Renaissance Nationale », représentant des secteurs importants du mouvement Nahdlatul Ulama, dont le candidat à la vice-présidence est Abdülmuîmen İskender, président du parti, aux côtés d’Anies Baswedan.
- Un troisième petit parti islamique récent, le parti « Umma », critiquant la situation actuelle et lié à la personnalité de l’ancien président du Conseil consultatif populaire et président sortant de l’Association des Muhammadéens, Amin Al-Rais.
Ces trois partis sont alliés au Parti national démocratique, dirigé par Syria Baluwo, faisant partie de la coalition au pouvoir, mais en désaccord avec son président lors des nominations présidentielles.
Variété parmi les islamistes
Le directeur du Centre de recherche politique de l’Agence indonésienne de recherche et de développement, M. Firman Noor, affirme que « tout comme lors des élections précédentes, les voix des membres de Nahdlatul Ulama et de la Renaissance ont été l’objet de conflits et d’efforts pour les gagner par différents coalitions et candidats. » Il souligne la concurrence entre certains leaders du même courant, comme pour la Renaissance, où certains chefs tentent de diriger leurs partisans vers un candidat spécifique.
Selon M. Firman Noor, les candidats se tournent vers les institutions religieuses pour gagner les voix de leurs fidèles et leaders religieux, mais il est difficile pour un candidat en particulier de gagner tous les votes des supporters de la Renaissance, car les chefs de la Renaissance et leurs adeptes ont des orientations politiques différentes. Les voix de la Renaissance ont toujours été partagées entre différents partis depuis l’époque du président précédent, Suharto, jusqu’à aujourd’hui.
La Mohamadiyah, la deuxième plus grande association islamique du pays, n’a pas officiellement soutenu de parti ou de candidat. Cette réserve s’explique par l’absence de candidats issus de ses rangs pour les postes présidentiels ou vice-présidentiels, dispersant potentiellement ses voix parmi plusieurs partis tels que la Justice et le Bien-être, l’Intégrité Nationale, et le Développement Unifié.
Un Rapprochement Stratégique entre Partis
Cette année, un rapprochement notable s’est opéré entre le parti de la Justice et le Bien-être et le front politique de l’association Nahdlatul Ulama, manifesté par leur alliance dans le « Coalition du Changement ». Cette dynamique révèle une compétition pour attirer les électeurs de Nahdlatul Ulama et de Mohamadiyah, illustrant une tendance à la pragmatisme croissant parmi les partis politiques indonésiens.
Vers une Politique plus Pragmatique
Les leaders du Parti de l’Intégrité Nationale, fondé par des figures de la Mohamadiyah, s’identifient aujourd’hui comme un parti ouvert, dépassant l’étiquette d’un parti spécifiquement lié à Mohamadiyah. Cette ouverture reflète une tendance plus large parmi les partis politiques indonésiens, qui, selon Dr. Firman Noor, adoptent une approche « plus flexible et pragmatique » dans leurs stratégies politiques.
Les Défis de l’Uniformité des Agendas Politiques
Khairul Saleem bin Sabri, directeur du Centre d’Études Islamiques et Sociales, souligne l’absence d’un agenda politique unifié parmi les électeurs islamiques. Les affiliations diverses au sein des communautés islamiques rendent les orientations politiques des organisations variées et parfois contradictoires.
Les Implications pour la Démocratie Indonésienne
L’évolution vers un discours politique moins axé sur l’islamisation de l’État et plus centré sur les enjeux démocratiques et publics communs est vue par certains comme une évolution positive pour la démocratie indonésienne. Cependant, cette fluidité politique soulève des questions quant à la pérennité des valeurs et des idéologies au sein du paysage politique.
L’Indonésie, avec son mélange unique de politique et de religion, continue de naviguer dans un équilibre délicat entre tradition et modernité. Les associations islamiques, avec leurs diverses affiliations politiques, jouent un rôle clé dans la façonnage de ce paysage. Tout en cherchant à influencer la direction politique du pays, elles illustrent la complexité de la démocratie dans un contexte pluraliste et en constante évolution.