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Le 30 juillet, Emmanuel Macron a effectué un tournant diplomatique significatif en reconnaissant, dans une lettre adressée au roi du Maroc, que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Ce changement de cap marque une rupture avec la diplomatie française, qui avait jusqu’alors tenté de garder un équilibre entre les positions d’Alger et de Rabat dans ce conflit vieux de soixante-dix ans. Les négociations qui ont précédé cette déclaration ont été nombreuses, intenses et précises.
Les enjeux des OQTF
Depuis six mois, le Quai d’Orsay et le ministère de l’Intérieur collaborent étroitement avec leurs homologues marocains. Au cœur de ces discussions se trouvent les Marocains sous OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) mais toujours présents en France. Un ancien responsable du ministère de l’Intérieur a révélé qu’un « deal secret » avait été négocié, stipulant que le Maroc devait accepter de reprendre davantage de personnes sous OQTF en échange de laissez-passer consulaires.
Refus du Maroc et conséquences
La question des OQTF a été mise en lumière suite au meurtre de Philippine, retrouvée enterrée à Paris. Le suspect marocain, Taha O., était sous OQTF depuis le 18 juin, mais un laissez-passer consulaire n’a été délivré que le 4 septembre, deux mois après la demande. Ce retard a empêché son renvoi, soulevant des questions sur la gestion des procédures administratives.
Enquête sur les procédures
La France fait face à des obstacles chroniques pour obtenir ces laissez-passer. Un rapport de la Cour des comptes a souligné en 2020 que les procédures d’éloignement se heurtent à des impasses. En 2021, seulement 53,7 % des laissez-passer ont été délivrés à temps par les autorités consulaires. De plus, entre 2018 et 2022, 58 % des libérations de centres de rétention administrative étaient dues à des décisions judiciaires, souvent à cause de l’absence de laissez-passer consulaire.
Les lourdeurs administratives
Le cas de la préfecture de l’Yonne n’est pas isolé. Des préfets moins expérimentés dans la gestion de ces dossiers augmentent les risques d’erreurs. Entre 2019 et 2022, la préfecture de l’Yonne a émis seulement 1 437 OQTF, bien moins que d’autres départements. De plus, plusieurs lourdeurs administratives dissuadent les agents préfectoraux de demander des laissez-passer.
Problèmes d’effectifs
Un rapport de la Cour des comptes de 2023 a mis en avant que les moyens des préfectures sont devenus insuffisants. Entre 2010 et 2020, 5 000 emplois ont été supprimés, affectant la capacité des préfectures à gérer les flux migratoires. Cette situation complique la coopération avec les consulats, nécessaires pour obtenir les laissez-passer.
Chantage au renseignement
Depuis la pandémie, l’exécution des OQTF a chuté, notamment au Maghreb. La France a réagi en restreignant l’octroi de visas aux ressortissants marocains, algériens et tunisiens, ce qui a conduit à une diminution de la coopération sur les questions de renseignement.
Visites régulières et négociations
Malgré ces défis, les négociations entre Paris et les capitales du Maghreb se poursuivent. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, mène des visites régulières pour négocier le retour de certaines personnalités considérées comme dangereuses. Cependant, des critiques persistent concernant le manque de coordination entre les différents ministères concernés.