Mort sous les nuages : comment le stockage en ligne a facilité la destruction des Gazaouis
Un rapport exclusif du site israélien « Siham Mikomit » révèle un lien étroit entre l’armée israélienne et des entreprises de stockage en nuage telles que Google, Microsoft et Amazon durant la guerre à Gaza. Ces entreprises ont fourni des services d’intelligence artificielle pour améliorer les capacités opérationnelles de l’armée israélienne, ainsi que des moyens de stockage illimités de données pour son utilisation dans le conflit.
Dans une enquête approfondie intitulée « Commande d’Amazon : comment les services de stockage en nuage aident l’armée à Gaza », le site a mentionné une conférence de la colonel Rashi Eli Dembinski, qui s’occupe des systèmes d’information de l’armée israélienne. Cette conférence, donnée il y a un mois, a abordé les services de stockage en nuage et d’intelligence artificielle que ces entreprises ont offerts à l’armée depuis le début de la guerre, marquant ainsi le premier aveu public de cette coopération par un responsable militaire.
Ce témoignage a été mis en lumière parallèlement aux manifestations d’employés d’entreprises américaines de stockage et d’IA, protestant contre la vente de services utilisés par Israël contre les civils de Gaza.
La cloud opérationnelle
Bien que Dembinski n’ait pas précisé la nature des services reçus par l’armée, le rapport de « Siham Mikomit » indique que des données de renseignement collectées sur la population de Gaza ont été stockées dans le service nuage d’Amazon. Les trois entreprises ont fourni à l’armée des capacités d’intelligence artificielle et d’autres services à un niveau sans précédent depuis le début du conflit.
Sept responsables du renseignement ayant travaillé à Gaza depuis octobre ont témoignés de la collaboration étroite entre l’armée et « Amazon Cloud », qui aurait commencé avant même le début de la guerre. Ce service fournit à l’armée un réservoir massif de données pour aider dans ses opérations contre le mouvement de résistance islamique, Hamas.
Les sources militaires rapportent que l’énorme volume de données collectées sur toute la population de Gaza ne pouvait pas être stocké sur les serveurs de l’armée. Selon certaines sources, les données stockées dans le nuage ont contribué à donner le feu vert pour des assassinats menés par des frappes aériennes durant le conflit.
Un changement technologique stratégique
Lors d’une présentation le 10 juillet, Dembinski a expliqué que la guerre avait mis une pression sans précédent sur la « cloud opérationnelle » de l’armée, en raison d’un nombre massif d’utilisateurs ajoutés, ce qui a conduit à collaborer avec des entreprises privées. Cela a permis à l’armée d’acquérir des serveurs de stockage et des capacités de traitement illimitées instantanément, sans avoir à stocker physiquement les données sur les serveurs de l’armée.
Cette cloud opérationnelle, gérée par le département des systèmes d’information de l’armée, ne stocke pas de données sur les serveurs de ces entreprises privées, mais plutôt sur des serveurs indépendants. Dembinski indique que cette infrastructure contient des applications permettant de cibler des objectifs à frapper et de suivre en temps réel les informations fournies par des drones sur Gaza avant de tirer.
Bien que Dembinski n’ait pas dévoilé les noms des trois fameuses entreprises de stockage, les logos de « Amazon Web Services » (AWS), « Google Cloud » et « Microsoft Azure » ont été visibles dans sa présentation.
Le projet « Nimrod »
AWS et Google Cloud ont remporté un appel d’offres en 2021 d’une valeur de 1,2 milliard de dollars pour aider les ministères israéliens à transférer leurs systèmes de données vers des serveurs de nuage public. Ces entreprises fournissent également des services avancés dans le cadre du « projet Nimrod ».
Bien que des rapports médiatiques israéliens affirment que l’armée et le ministère de la Défense ne transfèrent que des données non classifiées, des sources militaires confirment que, depuis au moins octobre, des services d’intelligence artificielle ont été vendus à des unités secrètes de l’armée.
Un source de renseignement a partagé que lors des discussions sur la sécurité liée à ces transferts de données, les réponses minimisaient les problèmes tout en soulignant les avantages de la coopération avec les entreprises de stockage en nuage.
Des données pour la guerre
Une des systèmes opérés par le renseignement militaire est stockée dans le service nuage public d’Amazon, contenant d’énormes quantités de données. Le ministère utilise ce système à Gaza depuis fin 2022, mais avant la guerre, son importance opérationnelle n’avait pas été jugée critique.
Des experts du renseignement soulignent que les fichiers audio, numériquement pondérables, sont plus difficiles à stocker que les données textuelles, nécessitant davantage d’espace en nuage pour leur traitement.
Des sources militaires signalent que le nuage d’Amazon est encore un « outil marginal » pour l’armée, bien que plusieurs sources impliquées dans des frappes armées aient confirmé que les informations ont été utilisées comme données supplémentaires pour cibler des combinaisons d’attaques, entraînant des pertes civiles importantes.
Utilisation opérationnelle et conséquences
Le site Siham Mikomit révèle que l’armée a adoptée une politique de ciblage des hauts responsables de Hamas, même si cela impliquait des pertes civiles. Des sources militaires confirment que dans certains cas, le nuage d’Amazon a été utilisé à des fins opérationnelles.
Un autre responsable a partagé qu’en utilisant deux écrans, l’un connecté à l’armée et l’autre au nuage, il pouvait passer commande à partir du nuage pour des opérations en cours.
Dans son livre, Yossi Sherel, commandant de la célèbre unité 8200, note que la cloud militaire peut tirer parti du vaste stockage offert par les entreprises publiques pour gérer efficacement les informations sensibles.
Applications et stratégies en évolution
Des sources des secteurs technologique affirment que les trois entreprises voient le ministère de la Défense comme un client « stratégique », car il bénéficie d’une visibilité agile et positive auprès d’autres agences de renseignement mondiale.
Le colonel Avi Dadon, qui a dirigé le département des acquisitions de la Défense israélienne jusqu’en 2023, explique que l’armée israélienne représente une plateforme de marketing puissante pour ces entreprises. Dadon a également travaillé sur un projet plus confidentiel appelé « Sirius », dont l’objectif est d’établir un nuage sécurisé exclusivement pour les militaires.
Ce projet sera isolé des réseaux publics, dédié aux besoins spécifiques des agences de sécurité israéliennes.
Conclusion
Alors que le conflit actuel souligne l’importance croissante de la technologie dans les opérations militaires, ces interactions révèlent comment la numérisation de l’armée israélienne a profondément modifié la nature de la guerre moderne. Les implications de cette coopération entre l’armée et le secteur privé posent des questions éthiques et stratégiques cruciales pour l’avenir des conflits armés.