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L’union de Marx et Confucius : une nouvelle ère pour la Chine
En 2023, la chaîne de télévision Hunan, la deuxième plus regardée en Chine, a lancé une série intitulée « Quand Marx a rencontré Confucius ». Ce titre reflète littéralement le contenu de la série, mettant en scène deux personnages emblématiques : Confucius, vêtu d’une robe noire, et Karl Marx, en costume noir avec des cheveux blancs en bataille, évoquant une allure de lion.
La série montre les deux penseurs se rencontrant à l’Académie Yuelu, une institution millénaire célèbre pour son rôle dans le développement de la philosophie confucéenne. Au fil de cinq épisodes, Marx et Confucius débattent de la nature de la politique, arrivant à la conclusion que le confucianisme et le marxisme sont compatibles, suggérant même que Marx aurait puisé directement dans la pensée de Confucius. Dans un épisode, Marx déclare qu’il et son compagnon « partagent un engagement envers la stabilité politique », ajoutant : « En fait, j’ai été Chinois pendant longtemps », soulignant ainsi la compatibilité de sa pensée avec les visions traditionnelles chinoises.
Une initiative politique soutenue par le Parti
Le Parti communiste chinois a soutenu cette initiative, considérée comme faisant partie du projet politique de Xi Jinping, visant à redéfinir l’identité idéologique du pays. Depuis son accession au pouvoir en 2012, Xi a poussé les Chinois à accepter son interprétation de l’idéologie chinoise, baptisée « Pensée de Xi Jinping ».
Au cœur de cette pensée se trouve l’association entre le marxisme et le confucianisme. En octobre 2023, le président a affirmé que la Chine d’aujourd’hui doit considérer le marxisme comme « son esprit » et que « la haute culture traditionnelle chinoise est ses racines ». L’urgence de redéfinir les bases idéologiques en Chine se fait ressentir dans un contexte de ralentissement économique, ce qui a accru les incertitudes parmi les investisseurs et la méfiance du public.
Un passé complexe et une recherche d’identité
Le défi auquel fait face Xi et d’autres dirigeants chinois est que les pays occidentaux tardent à accepter l’influence mondiale de la Chine, tant que celle-ci ne s’engage pas à respecter les valeurs libérales modernes. Le mélange d’idées marxistes et confucéennes intrigue et suscite même des sarcasmes parmi les observateurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Chine.
Le communisme chinois a, pendant un siècle, entretenu la conviction que l’avenir radieux nécessitait une rupture totale avec le passé. Les premiers théoriciens marxistes en Chine ont notamment dénoncé le confucianisme, le considérant comme une philosophie qui privilégie la hiérarchie et le retour à un passé idéalisé. Mao Zedong et d’autres marxistes chinois voyaient en lui un frein au progrès, ayant produit une bureaucratie incapable de relever les défis de la modernité.
Réinterprétation de l’héritage culturel
Malgré ces tournants historiques, l’élimination totale du passé a toujours constitué un défi dans un pays riche en histoire. Les penseurs chinois s’interrogent : est-il possible de répondre aux évolutions politiques tout en s’appuyant sur des sources culturelles bien connues ?
Le professeur Wang Hui, dans son ouvrage « L’ascension de la pensée chinoise moderne », souligne que l’adhésion à la marxiste ne découle pas forcément d’un rejet total du confucianisme. Les philosophes prémodernes ont cherché à adapter la culture chinoise aux défis de la modernité. Wang analyse les liens entre la théorie politique et les enjeux pratiques du gouvernement à travers un millénaire d’histoire chinoise.
Les défis contemporains de la Chine
Avec un taux de chômage des jeunes s’élevant actuellement à 20 % ou plus, la Chine est confrontée à une crise d’identité nationale. Les citoyens ressentent une aliénation croissante, et au-delà des difficultés économiques, il existe un malaise social profondément ancré, surtout parmi les jeunes.
La retranscription de ces réalités dans le scénario de « Quand Marx a rencontré Confucius » pourrait suggérer une quête d’équilibre entre tradition et modernité, permettant aux Chinois d’affronter les défis d’un monde contemporain tout en s’appuyant sur leurs racines culturelles. Cependant, le Parti communiste, en dépouillant l’héritage culturel de sa profondeur et de sa diversité, pourrait empêcher cette réconciliation.
Conclusion préservée
Les tentatives de Xi Jinping de fusionner le marxisme et le confucianisme dans un contexte idéologique moderne ouvrent une discussion sur la possibilité d’une synthèse des valeurs traditionnelles et des attentes contemporaines. Si cette démarche fait face à des défis, elle soulève également des espoirs quant à la capacité de la Chine à trouver son identité dans un monde changeant tout en s’ancrant dans ses traditions.