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Un an après son adoption, l’Online Safety Act (OSA) a-t-il contribué à rendre les enfants plus sûrs en ligne ? Une question cruciale alors que des forums inquiétants continuent de prospérer sur Internet.
Un forum troublant
Il existe un forum en ligne dont j’espère que vous n’avez jamais entendu parler. Cet endroit, que je souhaite inconnue de vos proches, compte des dizaines de milliers de membres et des millions de publications. Il s’agit d’un espace où quiconque, y compris les enfants, peut discuter d’un sujet : le suicide.
Ce forum ne se limite pas à des échanges. On y trouve des instructions détaillées sur les méthodes, un fil de discussion pour poster en direct sa propre mort, et même une section de « rencontres » où des membres peuvent se rejoindre pour mourir ensemble. Il encourage, promeut et normalise le suicide, attirant principalement des utilisateurs jeunes, tristes et vulnérables.
Ce site illustre les défis auxquels est confrontée la régulation en ligne et la réalité de l’Online Safety Act, qui a été promulgué le 26 octobre 2022. Son objectif était de faire du Royaume-Uni l’endroit le plus sûr au monde pour naviguer sur Internet.
Appel à la responsabilité
Ofcom, le régulateur des médias et de la communication, a reconnu le danger que représente ce forum. En novembre dernier, après un de nos rapports, il a écrit aux administrateurs du site pour leur signifier que, lorsque l’OSA sera pleinement opérationnel, le site violera la loi britannique en encourageant le suicide et l’automutilation. Il les a invités à agir sous peine de sanctions futures.
Malgré cela, le forum reste actif et accessible aux jeunes au Royaume-Uni. Mes recherches montrent qu’au moins cinq enfants britanniques sont décédés après avoir été en contact avec ce site.
Les défis de la régulation
Ofcom admet en privé que les petits sites, basés à l’étranger avec des utilisateurs anonymes, pourraient être hors de son champ d’application, même lorsque l’OSA sera en vigueur. En revanche, les grandes entreprises technologiques risquent de trouver plus difficile d’ignorer les nouvelles obligations légales imposées par l’OSA.
Bien que la loi ne soit pas encore complètement opérationnelle, elle pourrait déjà provoquer des changements significatifs. Cette législation vise à traiter des problématiques variées, allant de l’accès à la pornographie et au contenu terroriste jusqu’à la désinformation et la sécurité des enfants.
L’impact de la tragédie de Molly Russell
L’OSA a des origines qui remontent à plusieurs gouvernements et ministères, reflétant une prise de conscience croissante des dangers des plateformes de médias sociaux. La tragédie de Molly Russell, une jeune fille de 14 ans qui a mis fin à ses jours en 2017, a été un déclencheur majeur. Son père, Ian Russell, a découvert qu’elle avait été exposée à un contenu sombre et déprimant sur Instagram, qui a finalement été jugé comme ayant joué un rôle significatif dans sa mort.
Changements dans l’industrie technologique
Le 17 septembre, Meta a annoncé une refonte majeure de son application Instagram, introduisant des « comptes adolescents » avec des restrictions intégrées et un meilleur contrôle parental pour les jeunes de moins de 16 ans. Ce changement est partiellement attribué à l’ombre de l’OSA.
Il est essentiel de noter que ces modifications ne sont qu’une partie d’un mouvement global visant à limiter le pouvoir des grandes entreprises technologiques, avec des initiatives similaires émergentes au sein de l’Union européenne et aux États-Unis.
Les défis à surmonter
Malgré ces avancées, Ian Russell souligne que beaucoup reste à faire. L’encryptage de bout en bout empêche les forces de l’ordre d’identifier les victimes d’exploitation, et la vérification d’âge n’est pas encore solidement établie. De plus, des problèmes émergent autour de l’utilisation abusive de l’IA, notamment dans les arnaques par sextorsion visant les jeunes.
La réussite de l’OSA dépendra d’une approche mondiale pour forcer un changement significatif. Les pièces du puzzle législatif restent incomplètes, et ce sont dans ces lacunes que subsistent les menaces pour la sécurité des enfants.