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Lorsque la précarité s’immisce dans un ménage, le logement est le dernier rempart contre la grande détresse. Avoir un « chez-soi » représente un socle essentiel de confort et de sécurité, évitant l’escalade des difficultés et le risque d’exclusion sociale. C’est pour répondre à cette urgence et lutter contre le sans-abrisme que le gouvernement a lancé, en 2017, le plan quinquennal intitulé « Logement d’abord ».
Objectif du Plan Logement d’abord
En faisant de l’obtention d’un logement la priorité absolue, l’objectif est de donner aux personnes en grande fragilité une chance réelle de rebondir. Le psychiatre Raphaël Bouloudnine, qui travaille auprès de sans-abri atteints de troubles psychiques sévères au sein de la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), l’affirme sans détour : « La première chose qu’une personne à la rue va demander pour s’en sortir, c’est un logement. »
Inspirations du Modèle New-Yorkais
Ce plan « Logement d’abord » s’inspire du modèle « Pathways Housing First », développé à New York au début des années 1990 par le psychologue américain Sam Tsemberis. Destiné à l’origine aux personnes atteintes de troubles psychiatriques vivant à la rue, le dispositif a démontré l’importance du logement comme droit fondamental. « Lorsqu’un ménage se retrouve en situation de rue, il doit pouvoir bénéficier d’un accompagnement social pluridisciplinaire adapté à son parcours et à ses besoins propres afin de se réinsérer dans la société », rappelle Raphaël Bouloudnine.
Les Engagements d’Emmanuel Macron
En juillet 2017, peu après son arrivée à l’Elysée, Emmanuel Macron avait déclaré vouloir « loger tout le monde dignement » d’ici à la fin de cette même année. Avec pour objectif « la production et la mobilisation de 50 000 places de logements supplémentaires d’ici la fin du quinquennat : 10 000 places en pension de famille et 40 000 en intermédiation locative ». Promesse ambitieuse mais intenable : le collectif les Morts de la rue (CMDR) a recensé au moins 735 décès de sans domicile fixe en 2023, un chiffre qui ne cesse de grimper.
Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), souligne qu’il est préférable de « favoriser les logements adaptés et accompagnés » et de limiter les hébergements en hôtel, une solution qui « ne prévoit pas l’accompagnement social nécessaire ».
Un Nouveau Plan pour 2023-2027
En 2023, un second plan quinquennal (2023-2027) a été annoncé, visant à pérenniser la réinsertion des sans domicile, après avoir permis à 440 000 personnes vivant à la rue ou en centres d’hébergement d’accéder à un logement. Si Nathalie Latour s’en réjouit suite aux « bons chiffres » du premier plan et à la mise en place d’un « cercle vertueux » lorsqu’une prise en charge individuelle était bien déployée, elle s’indigne : « Aujourd’hui, ce qui nous fait peur, c’est qu’il y a une sorte d’accoutumance » au sans-abrisme.
Dans sa note d’éclairage de mai 2024, la FAS rappelle que ses adhérents sont de longue date « convaincus qu’un accès le plus direct et rapide possible à un logement est gage d’une insertion facilitée et durable dans la société ». Pour améliorer « l’interconnaissance » entre les milieux médical et social, la FAS Bretagne a ainsi organisé à Rennes, le 3 octobre, une rencontre pour une cinquantaine de professionnels de ces secteurs. Au travers de saynètes, des actrices ont mis en lumière les difficultés d’accès aux soins et aux droits des personnes en grande précarité.
Situation actuelle et défis à relever
Malgré les efforts affichés du gouvernement, le secteur associatif rappelle que la situation reste extrêmement tendue. L’Union sociale de l’habitat indique ainsi qu’en 2023, 2,6 millions de ménages étaient en attente d’un logement social, soit une hausse de 7,5 % par rapport à l’année précédente. C’est pourquoi la FAS préconise le recours à l’intermédiation locative, qui permet à des familles d’occuper des logements privés tout en bénéficiant d’un accompagnement social.
Ce plan Logement d’abord 2 a également promis une veille sociale renforcée, qui permettrait de mieux identifier les ménages dont les difficultés s’aggravent, avec notamment 500 employés supplémentaires au sein des services intégrés d’accueil et d’orientation (Siao), qui prennent en charge le 115. Cependant, de plus en plus de personnes qui ont besoin d’hébergement n’appellent même plus ce numéro, trop souvent synonyme d’attente interminable et d’incapacité à trouver un toit d’urgence.
Réflexions sur les politiques de logement
« La crise du Covid avait montré que lorsqu’on active tous les leviers de la politique du logement, une inversion du paradigme » du sans-abrisme est possible, rappelle Nathalie Latour. Aujourd’hui, elle regrette qu’une fois la crise sanitaire passée, le gouvernement soit retourné à ses habitudes « court-termistes » et « utilise des outils conjoncturels pour répondre à une crise structurelle ».