Les Palestiniens déçus du discours de Nasrallah
Les réactions des Palestiniens sont divisées quant au discours du Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, prononcé vendredi dernier. Certains voient en celui-ci un soutien ouvert à la résistance, tandis que d'autres le qualifient d'"opportuniste et inopportun". Les analystes estiment que le discours était réaliste compte tenu des circonstances internes au Liban et des menaces américaines dans la région. Malgré les coupures d'internet et d'électricité dans la bande de Gaza, l'attention portée au discours de Nasrallah était importante via les radios locales en Cisjordanie.
Mustafa Ibrahim, professeur de sciences politiques et habitant de Gaza qui a dû fuir la ville en raison des bombardements, a souligné l'énorme déception ressentie par les Palestiniens après le discours. Il a déclaré : "J'ai remarqué une colère beaucoup plus grande que ce à quoi je m'attendais". Ce sentiment de déception a été partagé par de nombreux Palestiniens qui espéraient une déclaration claire du parti sur l'entrée en guerre. Pourtant, selon Ibrahim, du point de vue politique, le discours était acceptable à ce stade de la guerre, surtout compte tenu de l'insistance de Nasrallah sur le fait que les options restent ouvertes dans le futur. Il a ajouté que l'occupation de la frontière nord par le Hezbollah joue un rôle important dans cette guerre qui pourrait durer longtemps et agit comme un fardeau pour Israël, qui essaie d'isoler Gaza et de concentrer son agression sur cette région.
Les attentes des Palestiniens étaient-elles justifiées ? En consultant rapidement les publications sur les réseaux sociaux, de nombreux Palestiniens espéraient une guerre totale avec des bombardements prolongés contre des cibles israéliennes au Liban. Cependant, après le discours, certains se sont interrogés sur la raison pour laquelle Nasrallah n'a pas entrepris cette action. Nihad Abu Ghosh, analyste politique, a estimé que la plupart des Palestiniens s'attendaient à une situation similaire à celle du 7 octobre, avec un discours correspondant à des attaques israéliennes. Il a toutefois souligné que, malgré les attentes, le discours était réaliste et politique, et que le Hezbollah ne pouvait pas faire davantage à ce stade. Selon lui, l'attente d'un miracle pour arrêter les meurtres dans la bande de Gaza a privé les Palestiniens de la capacité de lire la situation politiquement et de se concentrer sur des éléments importants du discours, tels que le soutien à la résistance palestinienne en tant que composante fondamentale de l'axe de la résistance et le maintien des options ouvertes, constituant une menace claire pour Israël.
Mohammad Ayman Youssef, professeur de sciences politiques, est d'accord avec les propos de Nihad Abu Ghosh selon lesquels les attentes étaient très élevées, compte tenu de la déception de la direction palestinienne, dont le seul discours s'est concentré sur le rôle de la résistance populaire, malgré les bombardements continus et les massacres à Gaza. Pour Youssef, la raison principale de l'élévation des attentes est le lien fait par les Palestiniens entre leur résistance et ce qu'ils appellent "l'axe de la résistance", comme l'a souligné Nasrallah dans son discours en parlant de la formation et du soutien des factions de la résistance palestinienne, ce qui est une partie importante du rôle du parti, avec des attentes d'une guerre prolongée.
Qu'empêche le déclenchement de la guerre ? Selon Youssef, les scénarios envisagés par les Palestiniens étaient ceux dans lesquels les combattants du Hamas et du Jihad islamique se déplaceraient depuis le Liban, mais il estime que ce sont des "attentes émotionnelles" qui ne relèvent pas de la logique politique. Il dit : "La décision n'est pas entre les mains de Nasrallah, le Liban ne peut pas supporter un affrontement et une destruction en ce moment, et le Hezbollah sait très bien que les conditions internes ne sont pas propices à la guerre, c'est pourquoi la majeure partie du discours était consacrée à la base populaire au Liban". Hani Al-Masri, directeur général du Palestinian Center for Policy Research and Strategic Studies (Masarat), considère qu'une guerre en ce moment entraînerait un changement total de la région, ce que ni le Liban ni aucun autre pays ne peut supporter actuellement. Il estime également que le discours de Nasrallah "pourrait ouvrir une nouvelle étape dans la région, car il met l'accent sur l'action dans le nord, qui peut évoluer en fonction du déroulement des combats, ou se calmer si l'agression cesse". Il poursuit en disant que Nasrallah n'a pas annoncé l'entrée en guerre, mais il n'a pas non plus fermé la porte. Les analystes, dont Al-Masri, conviennent que le Hezbollah n'est pas prêt à entrer dans une guerre totale pour le moment, mais ils n'excluent pas de possibles changements dans la prochaine phase en fonction des développements résultant de l'agression à Gaza et des combats dans cette région ainsi que sur la frontière libanaise. Al-Masri pense également que le parti joue un rôle majeur à ce stade sans entrer en guerre, et que le discours portait des messages clairs et directs à Israël, qui les prendrait en compte avant de prendre une décision d'élargir la guerre. Il ajoute : "Le Hezbollah constitue une protection arrière pour la résistance et pour tout l'axe de la résistance, nous pouvons affirmer que sans cela, nous aurions été témoins d'une nouvelle catastrophe et d'un déplacement direct des Palestiniens de la bande de Gaza", mais ce qu'il reproche à Nasrallah, selon Al-Masri, c'est de ne pas avoir clarifié ce rôle de manière directe et de l'avoir laissé implicite dans le discours.