Les enfants de Gaza victimes de la politique de famine israélienne
Gaza – Amira al-Joujou est extrêmement inquiète pour la vie de son fils Youssef, qui souffre de malnutrition sévère et est alité dans le service pédiatrique de l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, à Deir al-Balah, au centre de la bande de Gaza.
Le problème de Youssef ne réside pas dans un manque de nourriture, mais dans l’absence de lait adapté à son état de santé, en raison du blocus sévère imposé par Israël sur la bande de Gaza.
Le cas de Youssef met en lumière d’autres causes de la malnutrition à Gaza, en plus de la rareté et de la qualité de la nourriture.
Amira al-Joujou est très inquiète pour la vie de son fils Youssef et appelle à fournir le lait dont il a besoin (Al Jazeera).
Politique de famine
La politique israélienne de famine a causé la mort d’environ 37 enfants, dont les plus récents sont deux enfants décédés les 30 mai et 1er juin derniers, dans la région centrale de Gaza.
Avant la guerre, Youssef (10 mois) -qui ne pèse pas plus de 5 kilogrammes- réagissait bien à un lait thérapeutique spécifique et commençait à prendre du poids. Mais son état de santé s’est détérioré après l’épuisement de ce lait, à cause du blocus israélien. Les autres types de lait n’ont pas eu d’effet bénéfique.
Sa mère dit à Al Jazeera que la vie de son fils dépend de la disponibilité de ce lait spécifique, qui est introuvable à cause de la guerre.
Nouha al-Khalidi a dû arrêter le lait de son fils Saif en raison de complications graves (Al Jazeera).
Conditions de vie tragiques
Dans le lit à côté de Youssef, Saif Abu Masaed (7 mois) est également hospitalisé. Sa mère, Nouha al-Khalidi, explique que la santé de son fils ne peut être soigneusement diagnostiquée en raison de l’effondrement du système de santé.
Elles ont dû arrêter le lait de Saif, car il souffre de gonflements sévères qui pourraient causer des complications graves. « Si ce n’était pas la guerre, nous aurions pu réaliser une chirurgie exploratoire pour diagnostiquer correctement sa condition et garantir un traitement, » dit-elle. « Maintenant, nous craignons une perforation intestinale; la vie de mon fils est en danger. »
Le docteur Sherif Matar, pédiatre à l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, affirme que la malnutrition à Gaza « est plus grave et complexe que ce que beaucoup pensent ».
Il ajoute que le problème réside non seulement dans le fait que les enfants mangent, mais dans quoi ils mangent. Presque la seule nourriture disponible est le pain. Une alimentation diverse et équilibrée, nécessaire pour fournir les minéraux, protéines, et vitamines, est inexistante depuis huit mois.
Situation calamiteuse
Le docteur Matar pointe également le manque de lait thérapeutique comme cause majeure de la mort des enfants. Les enfants souffrant de certaines maladies nécessitent des types spécifiques de lait qui ne peuvent être remplacés. En raison de la guerre et du blocus israélien, beaucoup de ces laits sont en rupture de stock, mettant en danger la vie des enfants.
Matar explique que le lait thérapeutique est comme des antibiotiques ou des médicaments; chaque enfant malade a besoin d’un type spécifique de lait, et il est impossible de le remplacer par un autre. Les parents des enfants malades souffrent pour en obtenir et leurs enfants risquent de mourir. De nombreux types de lait thérapeutique sont introuvables à Gaza à cause de l’occupation.
Certains parents doivent utiliser d’autres types de lait thérapeutique, ce qui aggrave l’état de leurs enfants, causant de nouvelles maladies telles que des allergies aux protéines de lait et de graves problèmes intestinaux.
Le docteur Matar souligne que l’effondrement du système de santé à Gaza augmente les risques de décès chez les enfants malnutris. Les conditions dans le service pédiatrique de l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa sont désastreuses, avec plus de 85 enfants hospitalisés en permanence, bien au-delà de sa capacité maximale de 20 à 30 lits.
Avant la guerre, le service pédiatrique envoyait des échantillons à analyser en Cisjordanie ou dans des hôpitaux israéliens, mais cela s’est arrêté, empêchant le diagnostic de nombreuses maladies.
Le problème de Saif Abu Masaed est le manque de diagnostic en raison de l’effondrement du système de santé (Al Jazeera).
Le retour de la famine
Le ministère palestinien de la Santé et des organisations de droits de l’homme accusent l’occupation d’avoir ciblé « intentionnellement » la plupart des hôpitaux et centres médicaux de Gaza pendant la guerre, les rendant hors service.
Dans le nord de la bande de Gaza, la situation des enfants souffrant de malnutrition est encore plus catastrophique. L’armée d’occupation pratique une politique de famine délibérée, dénoncée par les Nations Unies et critiquée par de nombreux pays.
Le docteur Saïd Salah, consultant en pédiatrie et néonatologie, raconte l’histoire d’une fillette de deux mois arrivée à son service la semaine dernière, en phase terminale, qui a été sauvée par une alimentation par sonde.
Il explique que l’état de malnutrition sévère de la fillette était dû aux déplacements répétés de ses parents, fuyant les incursions de l’armée israélienne dans le nord de Gaza, empêchant la mère de l’allaiter en raison de la peur et du stress, et du manque de nourriture.
Le docteur Saïd Salah accuse Israël de priver volontairement les enfants de Gaza de nourriture pour affecter leur croissance et leur comportement futur (Al Jazeera).
Le docteur Salah, également responsable du département de gastroentérologie et de nutrition pédiatrique au ministère de la Santé de Gaza, accuse Israël de priver délibérément les enfants, qui représentent environ 40 % de la population de Gaza, de nourriture dans le but d’affecter leur développement physique et mental. « Le but de cette famine est de créer une génération psychologiquement perturbée et physiquement maigre, » dit-il.
Concernant les décès d’enfants dus à la malnutrition, Salah indique qu’ils venaient de familles incapables d’acheter de la nourriture en raison de l’absence de revenus et étaient plus susceptibles aux maladies à cause de la faim et de la faiblesse de leur système immunitaire.
Il ajoute que l’absence de lait thérapeutique et de médicaments, combinée avec l’incapacité des parents à accéder aux centres de santé encore en service pour soigner leurs enfants, contribue également aux tragédies.