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Dans la plus grande élection de l’histoire du Mexique, Sheinbaum a affronté l’ex-sénatrice Xóchitl Gálvez, à la tête d’une coalition conservatrice. En plus de l’élection présidentielle, les Mexicains ont voté pour des candidats disputant plus de 20 700 postes fédéraux et locaux à travers le pays.
À l’approche de l’élection, certains observateurs ont mis en avant l’élection imminente d’une femme à la tête de l’État comme une victoire pour l’émancipation des femmes. Cependant, un examen des faits sur le terrain suggère que cette célébration est prématurée.
Le contexte de la violence au Mexique
En 2019, Sheinbaum, première femme maire de Mexico, avait promis d’éradiquer la violence contre les femmes. Cependant, pendant son mandat, l’épidémie de féminicides dans la capitale mexicaine et dans le reste du pays a continué de faire rage.
Actuellement, le Mexique voit au moins 10 femmes et filles tuées quotidiennement, avec des dizaines de milliers de femmes disparues. La vaste majorité des féminicides restent impunis.
- Entre 2018 et 2023, Mexico a enregistré 160 594 homicides.
- Le nombre estimé de personnes disparues a dépassé les 111 000.
Le président sortant a parfois accusé ceux préoccupés par les disparitions de souffrir d’un « délire de nécrophilie ».
Violence politique accrue
La violence touche aussi le domaine politique. Plus de deux douzaines de candidats ont été assassinés avant les élections du 2 juin, et des centaines d’autres ont abandonné leur candidature. En avril, deux candidats à la mairie ont été retrouvés morts le même jour.
La hausse des assassinats politiques avant les élections est principalement attribuée aux cartels et autres organisations criminelles qui éliminent les candidats gênants. Ces groupes montrent ainsi qui exercera véritablement le pouvoir les années à venir.
Le rôle des cartels et de l’État
En mars, le maire de la petite ville côtière de Zipolite dans l’État d’Oaxaca a été abattu en plein jour devant le bâtiment de la municipalité. L’incident est passé presque inaperçu dans la presse mexicaine, mais les rumeurs en ville indiquaient que « ils » l’avaient prévenu, « ils » étant le groupe de trafiquants de drogue dominant dans la région.
En multipliant le cas de Zipolite à l’ensemble du Mexique, on se fait une idée de la prétendue « liberté » des élections. Et pendant que les États-Unis blâment catégoriquement les cartels de la violence, ils jouent un rôle crucial dans le maintien de ce paysage violent avec leur demande de drogues et de main-d’œuvre non-documentée.
Violence, migration et nationalisme
Avec des nombres sans précédent de demandeurs d’asile traversant maintenant le Mexique pour atteindre les États-Unis, les groupes de trafiquants de drogue ont étendu leurs services au trafic de personnes. Ces migrants sont abusés et extorqués à chaque étape par des agents de l’État et des groupes criminels organisés, souvent complices.
En mars, lors d’un voyage de Oaxaca à Chiapas pour récupérer deux amis vénézuéliens, j’ai vécu de première main cette collaboration entre les cartels et les autorités mexicaines. Extorqué par chaque branche de l’appareil de sécurité et d’immigration, dont la Garde nationale d’AMLO, j’ai été contraint de payer pour assurer notre passage en sécurité.
Perspectives pour l’avenir
Créée en 2019, la Garde nationale a été accusée de torture, d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées et de violences sexuelles contre les demandeurs d’asile. Sheinbaum espère que cette force deviendra plus proche du public et agira comme une police locale, étant les premiers intervenants.
Sheinbaum envisage également de renforcer la coopération avec les États-Unis dans le domaine du « libre-échange », malgré l’impact négatif de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) de 1994 sur les moyens de subsistance mexicains. L’accord a alimenté la pauvreté et forcé de nombreux Mexicains à entrer dans le narcotrafic pour survivre.
Alors que le Mexique se prépare à une nouvelle administration, on peut supposer que violence, corruption officielle et impunité resteront la norme. Une femme a peut-être gagné les élections au Mexique, mais le véritable vainqueur reste le crime organisé.
Les vues exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position éditoriale d’Al Jazeera.