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Le parti France Insoumise peut-il destituer Macron ?
Paris – Le parti de gauche « France Insoumise » a annoncé dans un quotidien local, ce dimanche, qu’il envisageait de lancer des procédures de destitution contre le président Emmanuel Macron si celui-ci refuse de nommer sa candidate au poste de Première ministre, Lucie Castets. Le parti accuse Macron de « coup d’État institutionnel contre la démocratie » en raison de son refus de se conformer aux résultats des élections législatives anticipées de juillet dernier.
Une manœuvre fragile
Malgré la volonté du leader de France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, et de ses aides Matilde Bano, Manon Aubry, et Manuel Bombard de s’appuyer sur l’article 68 de la Constitution française, leur combat pour destituer le locataire de l’Élysée semble théoriquement difficile, compte tenu de l’équilibre actuel au sein du Parlement.
Gabriel Latanzio, professeur à l’Université Paris 1, explique que la mise en œuvre de la destitution sera extrêmement complexe. Selon lui, cela nécessitera que les élus plaidant pour ce processus persuadent le Sénat et l’Assemblée nationale de se positionner comme une cour suprême pour examiner la question. Avec l’absence d’équilibre politique dans ces chambres, il considère que cette démarche restera « mission impossible ».
Latanzio souligne que cette menace vise principalement à soulever la question de la légitimité de la nomination d’un nouveau gouvernement par le président de la République.
Les critiques du projet
Le manque de force politique de France Insoumise dans les institutions les oblige à collaborer avec d’autres groupes parlementaires. Cependant, leur initiative est jugée individuelle et fragile, sans adresser de réels interlocuteurs. « Même avec 193 députés de la coalition de gauche à l’Assemblée nationale, ils ne peuvent pas ébranler l’exécutif », affirme Latanzio.
La chercheuse en partis politiques, Virginie Martin, décrit cette menace comme un « chantage politique » destiné à créer du bruit et à habituer progressivement les gens à certaines idées. Elle critique également les leaders des partis pour leur stratégie de simplification de la vie politique, qui endommage considérablement la démocratie et exacerbe les sentiments de colère et de déception parmi la population.
Au contraire, les personnes responsables au sein de la nouvelle union populaire ne seraient jamais d’accord avec cette menace de destitution, la qualifiant de « complètement irresponsable et peu réaliste » avec très peu de chances de succès.
Que dit la Constitution ?
L’article 68 de la Constitution de la Cinquième République stipule que « le président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs de nature à empêcher l’exercice de son mandat ». La décision de destitution est prise par le Parlement, qui se réunit en cour supérieure.
Une proposition de réunion de la cour supérieure, adoptée par l’une des chambres du Parlement, est immédiatement renvoyée à celle-ci, qui doit statuer dans les 15 jours suivant la demande. Cette cour est présidée par le président de l’Assemblée nationale, qui doit se prononcer, par un vote secret, sur la destitution, son verdict prenant effet immédiatement.
Pour qu’une décision soit adoptée sur cette base, une majorité des deux tiers des membres de l’assemblée ou de la cour supérieure est nécessaire. Aucune délégation de vote n’est autorisée et seules les voix favorables à la proposition de réunion de la cour ou à son rejet sont enregistrées.
Depuis l’entrée en vigueur de cet article en 2007, il n’a été utilisé qu’une seule fois, en 2016, lorsque des députés du parti républicain ont appelé à la destitution de l’ancien président François Hollande après la publication d’un livre révélant des secrets d’État.
Les divisions internes
Actuellement, obtenir l’approbation des deux tiers des députés, soit 384 parlementaires, semble irréaliste. Cette hypothèse a été anéantie après que le parti socialiste a refusé de soutenir la procédure de destitution annoncée par France Insoumise.
Virginie Martin, professeure de sciences politiques et de sociologie à la Kedge Business School de Paris, estime que la gauche a fait face à un échec qui reste sans collecte : elle a commencé avec l’échec à présenter un candidat pour le poste de Premier ministre pendant la campagne, une erreur stratégique dont elle endure encore les conséquences.
Le manque de clarté sur la ligne politique a provoqué une grande confusion parmi ses membres, et la faiblesse de la candidate Lucie Castets a mis la nouvelle union populaire sur le banc de touche, selon Martin.
Cette dernière note encore des milliers d’opportunités pour « l’effondrement de la coalition de gauche », se demandant pourquoi elle n’a pas déjà implosé, étant donné le désaccord entre les partis sur une politique conjointe en matière d’économie ou d’énergie nucléaire.
Gabriel Latanzio, pour sa part, n’exclut pas des divisions internes au sein de la coalition, comparant la situation actuelle à l’idéologie « trotskiste », née de l’opposition de Léon Trotski à Staline dans les années 1920.
Bien que le président cherche à former une grande coalition pour garantir une plus grande stabilité de son gouvernement, Latanzio estime que les trois blocs politiques (gauche, centre, droite) ne parviendront pas à un accord total quel que soit le résultat final de ces discussions.