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Le destin des Rohingyas entre les mains de l’Armée d’Arakan
À la fin du mois de mai, des rapports ont émergé selon lesquels des dizaines de milliers de Rohingyas ont été contraints de fuir leurs foyers dans les townships de Buthidaung et de Maungdaw, dans le nord de l’État de Rakhine.
Les Nations Unies ont déclaré avoir recueilli des témoignages de témoins sur les meurtres de civils rohingyas et l’incendie systématique des habitations. Elles ont indiqué que ces crimes ont débuté après le retrait de l’armée birmane de ces townships et l’avancée de l’Armée d’Arakan rebelle (AA).
Si l’implication de l’AA est prouvée, cela ne présage rien de bon pour l’avenir de la communauté rohingya. En tant que force majeure de l’Alliance des Frères, une coalition de forces rebelles combattant la junte birmane, l’AA a réalisé des avancées considérables dans l’État de Rakhine. Si les rebelles l’emportent, l’AA exercerait une influence significative sur les affaires de la région, y compris sur toute décision concernant le rapatriement des réfugiés rohingyas.
Une implication dans des atrocités contre les Rohingyas signifierait que le discours de l’AA sur le respect des droits de cette communauté musulmane ne tient pas la route. C’est pourquoi la communauté internationale doit agir si elle souhaite voir la crise des réfugiés rohingyas résolue.
Une histoire de tensions
Depuis l’indépendance de la Birmanie (ancien nom du Myanmar) de la Grande-Bretagne en 1948, divers groupes ethniques ont cherché l’indépendance territoriale ou une plus grande autonomie régionale, remettant en question la dominance du groupe ethnique Bamar dans la gouvernance du pays.
La prise de pouvoir par l’armée en 1962 a intensifié la persécution de ces groupes, provoquant une résistance armée. Aujourd’hui, bien que qualifiés de « séparatistes » ou de « groupes insurgés » par la junte militaire, ces groupes mènent une lutte contre la junte largement perçue comme un « combat pour la démocratie ».
L’AA a été fondée en avril 2009 dans la zone frontalière entre le Myanmar et la Chine. Elle a été largement soutenue par l’Armée d’Indépendance Kachin (KIA) qui a formé les premiers recrues de l’AA dans l’État Kachin.
Rhétorique post-coup d’État
En 2021, l’armée birmane a repris le pouvoir par un coup d’État, déclenchant de vastes manifestations et une mobilisation massive des forces de résistance armée. L’Alliance des Trois Frères, formée en 2019, s’est alliée au Gouvernement d’Union Nationale (NUG) civil et est devenue la plus grande force rebelle défiant la junte. Elle se bat aux côtés de la Force de Défense Populaire (PDF), branche armée du NUG.
En octobre 2023, l’alliance a lancé l’Opération 1027 et a rapidement progressé contre les forces armées birmanes dans plusieurs États.
Cherchant légitimité internationale et soutien des communautés locales, l’AA a tenté d’attirer les Rohingyas, affirmant qu’elle reconnaît les droits humains et de citoyenneté de tous les habitants de l’État de Rakhine. Cependant, même avant les attaques de mai, des déclarations passées de certains de ses leaders jettent le doute sur cette rhétorique.
Sécuriser les droits des Rohingyas
Beaucoup pensent que si la dictature militaire tombe et que la démocratie reprend, les Rohingyas pourront retourner chez eux, alors que le Myanmar s’engage dans la construction d’une société inclusive.
Malgré quelques changements positifs au sein de la direction politique pro-démocratie, dans les circonstances actuelles, je reste sceptique quant à leur capacité et leur volonté d’effectuer le rapatriement des Rohingyas.
Si la communauté internationale souhaite résoudre la crise des réfugiés rohingyas, elle doit également jouer son rôle. Elle devrait conditionner son soutien et sa reconnaissance au NUG à des garanties rigoureuses pour le rapatriement des réfugiés rohingyas résidant au Bangladesh et ailleurs. Elle devrait également exiger que la direction du NUG négocie avec l’AA et assure la sécurité des Rohingyas actuellement installés dans l’État de Rakhine.
Tant qu’une pression extérieure constante ne sera pas exercée, les perspectives de rapatriement des Rohingyas resteront sombres.