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La situation des musulmans au Laos après des décennies de conflit
Le marché des musulmans au Laos est désormais représenté par la mosquée Al-Azhar à Vientiane, l’une des trois mosquées du pays et la plus ancienne. Le rôle de l’imam est assuré par un jeune thaïlandais qui s’est engagé à enseigner les bases de la religion à ses fidèles lors de cours réguliers. Pourtant, le nombre de pratiquants ne dépasse pas quelques dizaines, venant de différents quartiers de la capitale.
Cette mosquée incarne l’histoire des musulmans dans ce pays enclavé d’Asie du Sud-Est, dont la situation géographique pourrait être une des raisons principales de l’isolement et de l’effondrement de leur population musulmane. Les estimations indiquent qu’il y a moins de 100 musulmans dans le pays, la plupart étant de récents convertis à l’islam, et peu d’autres venant de l’étranger, ce qui porterait le total à mille.
Persecution des voisins
Au sein de la mosquée Al-Azhar, le cheikh septuagénaire Yahya ibn Ishaq, assis sur une chaise pendant la prière, ne manque presque jamais de se rendre à la mosquée malgré la distance qui le sépare de son domicile. Il se décrit comme le fils d’un des fondateurs de la mosquée, rapportant que sa construction a duré près de 10 ans, de 1976 à 1986. Malgré leurs difficultés financières, ils ont persévéré, son père étant boucher et vendant de la viande halal à la minorité musulmane du Laos.
Sa famille a fui le Cambodge voisin après la prise de pouvoir des Khmers rouges dans les années 1970, qui ont perpétré des atrocités, notamment contre les musulmans. De nombreux musulmans cambodgiens de l’ethnie cham ont cherché refuge dans les pays voisins, y compris le Laos.
Quant à la mosquée de l’université, elle a été construite en 1968 par des commerçants indiens et pakistanais dans un quartier commercial.
Les fidèles des deux mosquées parlent d’une émigration massive des musulmans après des événements marquants dans la région dans les années 1960 et 1970, où ils faisaient partie intégrante des populations locales.
Avant la formation de la carte politique moderne, les musulmans de la région avaient un certain degré d’indépendance sous le Sultanat Cham, qui s’étendait sur des parties du Vietnam, de la Thaïlande, du Laos, du Cambodge, de la Chine et de la Birmanie, pays traversés par le Mékong, l’un des plus grands fleuves du monde.
Le Laos a subi les mêmes conséquences que ses voisins, comme le Vietnam, la Thaïlande et le Cambodge, à cause des guerres. Qu’il s’agisse de la traque des troupes américaines contre les guérilleros vietnamiens dans les villages laotiens ou de la guerre civile cambodgienne, le pays a connu des conflits qui ont mené à la perte de cette minorité musulmane.
Propagation de l’islam
L’islam est arrivé au Laos grâce aux marchands musulmans de la péninsule indienne, notamment les Tamouls dans le Sud et les Pathans du Nord du Pakistan. Un jeune, Dawood, s’est converti à l’islam au début du 21e siècle grâce à son contact avec des musulmans, formant ainsi la première génération de familles musulmanes laotiennes modernes, suivie par de nombreuses autres, dont certaines poursuivent actuellement leurs études dans le sud de la Thaïlande et dans des pays musulmans.
Organisation musulmane
L’organisation islamique au Laos, ayant pour siège la mosquée de l’université, est une institution reconnue officiellement. En 2018, plusieurs structures musulmanes se sont unies sous cette nouvelle organisation. Selon son directeur, Samboun Khan, le gouvernement, dans sa quête d’ouverture vers le monde, valorise le besoin d’une organisation musulmane, surtout que le Laos fait partie de l’ASEAN, une organisation régionale où des pays musulmans, comme l’Indonésie, la Malaisie et Brunei, représentent une part significative.
Le Laos est le plus petit pays membre de l’ASEAN, avec une population de plus de 7 millions d’habitants, dont la majorité travaille dans l’agriculture, en particulier la culture du riz, profitant de la richesse des ressources en eau, notamment le fleuve Mékong qui sépare de grandes parties du pays de la Thaïlande.
Environ 66 % de la population laotienne est bouddhiste, 30 % adhèrent aux traditions dites Tai Folk, 1,5 % sont chrétiens et 1,8 % pratiquent d’autres religions.
D’après Samboun Khan, il existe de réelles perspectives d’ouverture pour les musulmans du Laos, leur permettant de sortir d’un état de confinement qu’ils ont connu pendant des décennies de régime à parti unique. Les responsables gouvernementaux sont conscients de l’importance d’ouvrir le pays au monde musulman, considérant l’ASEAN comme leur porte d’entrée, et sont désireux de mettre en place toutes les facilités nécessaires pour établir des ponts entre les cultures.