La feuille de route de l’ONU mettra-t-elle fin à la crise afghane et à l’isolement des talibans ?
Kaboul – Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a tenté d’arrêter la compétition sanglante en créant des conditions pour un dialogue interne entre le Mouvement Taliban et l’opposition armée, ainsi que pour une interaction externe en réduisant la compétition internationale et régionale. Il s’est aussi engagé à ouvrir une nouvelle page dans les relations avec le gouvernement Taliban qui dirige l’Afghanistan depuis 2021.
Guterres cherche à mettre en place une solution régionale durable pour la paix à travers une nouvelle feuille de route pour l’Afghanistan, encourageant les Taliban à accepter un gouvernement d’une grande diversité ethnique, afin que les différents courants afghans puissent participer au processus politique. L’importance de cette feuille de route deviendra plus évidente lorsqu’on considère la réalité des Taliban et leur structure hiérarchique en gouvernance.
Au cours des deux dernières années, ni la communauté internationale ni les Nations Unies n’ont pu effectuer une évaluation indépendante et précise de la situation en Afghanistan. Par conséquent, Guterres a confié à l’envoyé turc, Ferydoun Hadi Sinirlioğlu, la rédaction d’un rapport sur la situation sécuritaire et politique du pays.
Pour le chercheur politique Hekmat Jalil, cité par Aljazeera Net, la nomination de Sinirlioğlu montre que le Secrétaire général cherche à comprendre les aspects cachés de la situation actuelle dans le pays. Sinirlioğlu, qui a débuté immédiatement la rédaction de son rapport, a visité l’Afghanistan à plusieurs reprises et rencontré des officiels du gouvernement afghan ainsi que l’ancien président Hamid Karzai. Son rapport servira de feuille de route pour l’ONU en Afghanistan.
Le diplomate turc Ferydoun Sinirlioğlu (à gauche) a rencontré l’ancien président afghan Hamid Karzai (à droite) (photos de Hamid Karzai)
Réactions Positives
Des rapports indiquent que Sinirlioğlu a souhaité rencontrer le chef des Taliban, Hibatullah Akhundzada, mais ce dernier a refusé sa demande. Sinirlioğlu a alors rencontré le ministre de l’Intérieur afghan, Sirajuddin Haqqani, et lui a demandé de lever les obstacles conduisant à la détérioration des relations entre l’Afghanistan et la communauté internationale.
Les experts afghans estiment que le rapport du diplomate turc pourrait prédire l’avenir de l’Afghanistan, car il clarifie les grandes lignes de l’ONU. La nature des discussions et la manière de penser des fonctionnaires clés chez les Taliban seront sans aucun doute décisives pour l’avenir du pays.
Pour Abdul Karim Khurram, l’ancien chef de cabinet du président afghan Hamid Karzai, s’exprimant sur Aljazeera Net, la nouvelle feuille de route des Nations Unies est positive et bénéfique pour l’Afghanistan. Elle inclut notamment la réintégration du pays dans la communauté internationale, la construction de relations avec d’autres nations et la levée des sanctions bancaires. Toutefois, selon lui, les Afghans devraient jouer un rôle plus important dans ce processus.
Sinirlioğlu a rencontré des responsables clés du Mouvement Taliban et a pris connaissance de leur vision. Il a également rencontré des membres de l’opposition en dehors de l’Afghanistan et pris note de leurs préoccupations. Son rapport pourrait tracer la feuille de route pour l’interaction future entre les Nations Unies, la communauté internationale, et les Taliban.
Le rapport de Sinirlioğlu a généré de larges réactions, qu’on peut classer en trois catégories :
- La position du gouvernement afghan dirigé par le Mouvement Taliban.
- La position des courants d’opposition au gouvernement actuel.
- L’opinion des experts et des personnes intéressées par les affaires afghanes.
Le ministre de l’Intérieur afghan Sirajuddin Haqqani (à droite) a rencontré Sinirlioğlu après que le chef des Taliban a refusé de le rencontrer (photos du bureau de Haqqani)
Accueil Favorable et Hésitations
Bien qu’elle ait suscité des réactions mitigées, la plupart des experts voient dans cette feuille de route un pas en avant pour mieux comprendre la situation actuelle en Afghanistan. Sa signification réside dans plusieurs points qu’ils considèrent comme essentiels :
- Les tentatives de Guterres de renforcer la crédibilité de l’ONU en tant qu’organe indépendant préservant la paix mondiale.
- Sa tentative de présenter son rapport basé sur la réalité sur le terrain et de trouver une feuille de route appropriée pour résoudre la crise afghane.
- Son désir d’établir une feuille de route pour résoudre la crise afghane au niveau international et régional.
- Sa tentative de fournir un cadre pour la relation de la communauté internationale avec les Taliban de manière encourageante et interactive, en incitant le mouvement à accepter au moins les normes internationales minimales, le respect des droits humains, la réduction des restrictions imposées sur les femmes, et en informant le monde de la situation difficile et de l’impasse idéologique rencontrée par les Taliban eux-mêmes.
- Ses efforts pour attirer l’attention du Conseil de sécurité sur le fossé dans la direction des Taliban, avec le camp de Kandahar appartenant aux faucons et celui de Kaboul aux colombes, ce dernier étant plus pragmatique et disposé à interagir avec la communauté internationale.
Les éléments inclus dans la feuille de route de l’ONU sont :
- Les efforts de l’ONU pour catégoriser la crise afghane comme un problème régional.
- La fourniture d’aide au peuple afghan et l’appel à la communauté internationale pour augmenter et poursuivre cette aide.
- La formation d’un gouvernement inclusif.
- La rédaction d’une nouvelle constitution.
- La mise en place d’un dialogue sérieux entre les factions afghanes menant à une solution politique à la crise afghane.
- La fondation d’une interaction avec la communauté internationale et la reconnaissance du Mouvement Taliban.
Selon les experts en affaires afghanes, les Nations Unies ont traité le dossier afghan pendant 45 ans sans parvenir à une solution pacifique durable dans le pays. Le peuple afghan est conscient des échecs passés, tels que l’échec du représentant de l’Organisation Panayotis Stoyanov à Genève après le retrait des forces soviétiques d’Afghanistan en 1989.
Le chef du Parti islamique afghan Gulbuddin Hekmatyar (à droite) et le ministre des Affaires Étrangères afghan Amir Khan Muttaqi (photos du bureau de Hekmatyar)
La Solution Interne
Gulbuddin Hekmatyar, le chef du Parti islamique afghan, soutient que les expériences historiques ont démontré que l’ONU, dans sa structure actuelle, ne peut pas résoudre la crise afghane et n’est pas équipée pour le faire. Aucune crise complexe à l’échelle mondiale n’a été résolue par l’ONU, et la crise afghane ne peut se résoudre avec des pourparlers en dehors du pays.
Hekmatyar a insisté sur le fait que la solution fondamentale réside dans le fait que les Afghans eux-mêmes doivent s’asseoir à la table des négociations sans conditions préalables et résoudre leur crise sans médiation étrangère.
Dans un communiqué, le ministère iranien des Affaires étrangères a demandé un rôle plus important pour les pays voisins de l’Afghanistan dans le rétablissement de la paix dans le pays, présentant sa propre feuille de route pour la crise afghane, dont les points principaux comprennent :
- La nécessité de résoudre la crise afghane par le dialogue et d’ouvrir la voie à Kaboul pour son intégration dans la communauté internationale.
- La mise en garde sur le fait que l’échec de résoudre la crise afghane aurait des conséquences dévastatrices pour la paix et la sécurité internationales, et l’Afghanistan actuel ne pourrait pas supporter un nouvel échec.
- L’entrée de l’Afghanistan dans la communauté internationale passe par son environnement régional et ses voisins, et la création d’un groupe de contact régional est une étape préliminaire pour atteindre les résultats souhaités.
- Ouvrir de nouveaux dossiers sans résoudre les problèmes passés ne résoudra pas la crise afghane.
Les experts en affaires afghanes pensent que cette feuille de route nécessite un travail approfondi et l’approbation des pays voisins, ainsi que de la Chine et de la Russie. L’Iran seul ne peut pas jouer ce rôle dans le dossier afghan pour de nombreuses raisons, notamment le manque de confiance entre les deux pays.
Une source du ministère afghan des Affaires étrangères expliquait à Aljazeera Net que l’actuelle administration agit avec prudence face à la feuille de route annoncée par l’ONU, sans parler de la version iranienne. Téhéran cherche à se trouver un rôle dans le dossier afghan, mais dans l’ensemble soutient la feuille de route de l’ONU et demande simplement un rôle pour les pays voisins de l’Afghanistan. Elle n’est pas aussi complète que celle de l’ONU.