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Titre : La Droitisation en France : Un Mythe Décrypté par Vincent Tiberj
Vincent Tiberj, professeur de sociologie politique à Sciences Po Bordeaux, aborde dans son livre La droitisation française, mythe et réalités, publié aux éditions PUF, la question du paradoxe de la droitisation en France. Dans une interview accordée à 20 Minutes, il s’exprime sur les résultats de ses recherches, qui remettent en question l’idée que les citoyens français se sont droitisés.
Une Approche Statistique des Opinions Publiques
Dans son ouvrage, Tiberj analyse ce phénomène à travers les moods, c’est-à-dire des indices longitudinaux de préférences. En utilisant diverses données issues de baromètres d’opinion, il parvient à offrir une vision plus précise des changements d’opinion à long terme, dépassant ainsi les simples sondages.
Le Paradoxe de la Droitisation
Interrogé sur les raisons qui l’ont amené à explorer ce paradoxe, Tiberj souligne qu’il a observé un décalage entre les indicateurs de long terme et le discours ambiant. Alors que certains acteurs politiques affirment que la France est désormais ancrée à droite, il existe des signes contraires au sein de la société. « Il n’y a pas de droitisation par en bas », explique-t-il, soulignant plutôt une droitisation par en haut, orchestrée par le bruit médiatique, sans tenir compte de l’évolution des opinions des citoyens.
Des Sociétés Plus Tolérantes Qu’auparavant
En analysant les différents indicateurs, Tiberj note que la société française est globalement plus tolérante qu’elle ne l’était il y a dix ou vingt ans. L’acceptation des minorités, des descendants d’immigrés et des personnes racisées a progressé, tout comme les droits des personnes LGBTQ+. Malgré les préjugés persistants et les agressions homophobes, la tendance générale est à l’amélioration des droits et de l’acceptation sociale.
Comprendre les Résultats Électoraux
Les résultats électoraux récents, qui semblent favoriser la droite, ne reflètent pas nécessairement les préférences réelles des électeurs, selon Tiberj. Les élections sont influencées par des questions spécifiques telles que la sécurité et l’immigration. Dans ce contexte, la gauche semble souvent marginalisée tandis que l’extrême droite impose son agenda. Cela crée une perception déformée des véritables opinions publiques, d’autant plus que la participation électorale est en baisse.
La Grande Démission des Électeurs
Tiberj introduit le concept de « grande démission » pour désigner les abstentionnistes qui choisissent de ne plus voter. Ces citoyens s’engagent politiquement autrement, notamment par le biais d’associations ou de comités de quartier, mais souvent sans se rattacher aux partis traditionnels. Cette situation, surtout marquée par un renouvellement générationnel, pourrait mener à une participation électorale très faible, remettant en question la légitimité du système politique.
Le Divorce entre Élites et Citoyens
Le désengagement des citoyens par rapport aux politiques traditionnelles est un sujet préoccupant pour Tiberj. Il souligne l’importance des choix clairs en politique et l’absolue nécessité d’un dialogue ouvert entre les élus et les citoyens. Pour revitaliser la démocratie, il propose de changer la culture politique élitiste actuelle et d’encourager une participation locale plus importante, permettant à chacun de jouer un rôle actif dans le processus décisionnel.