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# Et si la Russie établissait une base logistique au Soudan
Le Projet Russe au Soudan
Les déclarations de Yasser Al-Atta, membre du Conseil souverain de transition et assistant du commandant en chef de l’armée soudanaise, concernant la demande de la Russie d’établir une station de ravitaillement en mer Rouge en échange d’armes et de munitions pour le côté soudanais, ainsi que la confirmation de la signature prochaine des accords à cet égard, ont ravivé la question de la présence russe en mer Rouge et sur ses côtes.
L’ambassadeur soudanais à Moscou, Mohamed Sirag, a également renforcé cette discussion en affirmant, il y a environ quatre jours, que le projet était toujours en cours et que Khartoum ne renoncerait pas à ses engagements avec Moscou concernant la base navale russe en mer Rouge, précisant que « la base sera construite dès l’achèvement de certaines procédures ».
La Position de Vladimir Poutine
En novembre 2020, le président russe Vladimir Poutine avait donné des instructions au ministère de la Défense pour signer un accord visant à établir un point de services logistiques en mer Rouge pour la marine. Moscou avait publié un brouillon de cet accord, mais la mise en œuvre a été retardée plusieurs fois en raison des combats au Soudan entre l’armée et les forces de soutien rapide.
L’accord prévoit que le point de soutien logistique, qui sera construit près de la ville de Port-Soudan, pourra accueillir jusqu’à quatre navires russes en même temps, y compris ceux à propulsion nucléaire.
Détails de l’Accord
Selon l’accord, le nombre maximum de militaires russes travaillant au point logistique et de civils occupant des postes ne dépassera pas 300 personnes, avec la possibilité d’augmenter ce nombre avec l’accord des Soudanais. Le côté soudanais sera responsable de la sécurité extérieure de la base, tandis que la Russie sera en charge de la protection des frontières de la zone aquatique, de la défense aérienne et de la sécurité intérieure.
L’accord permet également à la Russie d’importer et d’exporter des armes, des munitions et des équipements vers et depuis la station, et de créer des sites militaires temporaires au Soudan pour protéger leur point logistique en dehors de leurs terres.
![Yasser Al-Atta, membre du Conseil souverain et assistant du commandant en chef de l’armée soudanaise](https://aljazeera.net/wp-content/uploads/2024/06/576554-1717521776.jpeg?w=770&resize=770%2C513)
Importance de la Base et Relation avec Hemedti
L’expert en affaires stratégiques Roland Begamov a déclaré que la Russie a besoin de la station de soutien logistique au Soudan comme d’une porte d’entrée vers l’Afrique, surtout après avoir perdu la base de Berbéra en Somalie à l’époque soviétique. Depuis lors, la Russie n’a plus de bases navales en mer Rouge.
Begamov a souligné l’importance de cette base pour aider les navires et bateaux russes dans la lutte contre la piraterie dans la région, et pour promouvoir les projets russes en Afrique, y compris les entreprises militaires privées.
L’expert a ajouté que la signature de l’accord cette fois semble probable, car la Russie mettra tout en œuvre pour construire cette base stratégique, citant les « déclarations tendues » de responsables occidentaux qui considèrent l’orientation russo-soudanaise comme une menace pour leurs intérêts, contre une expansion de l’influence russe dans la région.
Il a également souligné que la présence iranienne active dans la région, avec un renforcement des livraisons de drones par Téhéran, pourrait aboutir à une coopération russo-iranienne significative au Soudan et dans la région en général.
Concernant la relation avec le chef des forces de soutien rapide, Mohamed Hamdan Dagalo « Hemedti », Begamov a expliqué qu’elle existait lorsque Hemedti faisait partie du gouvernement, et que la relation était principalement avec des entreprises militaires russes, notamment le groupe Wagner, dont le rôle au Soudan a pris fin il y a de nombreuses années.
En conclusion, la Russie reconnaît le gouvernement officiel au Soudan comme l’autorité légitime, représentée par l’ambassadeur soudanais accrédité à Moscou.
Optimisme Prudent
L’expert en affaires militaires Anton Mardasov est moins optimiste sur la base logistique envisagée. Il estime que la signature de l’accord ne garantit pas sa protection ou son maintien après la stabilisation du pays. Il a indiqué qu’une future autorité au Soudan pourrait décider de revenir sur les accords avec Moscou, surtout sous la pression ou les incitations américaines et européennes.
Toutefois, du point de vue stratégique, Mardasov considère que le renforcement de la coopération militaire avec Khartoum est un objectif vital pour le Kremlin. Le Soudan est un acheteur majeur d’équipements militaires russes, étant le deuxième plus grand acheteur d’armes russes en Afrique depuis 2000 après l’Algérie.
L’expérience de la guerre en Syrie a montré l’importance des bases navales et aériennes éloignées du territoire russe, servant de points de ravitaillement en carburant et en munitions. Dans le cas du Soudan, la proximité des flux pétroliers traversant la région est cruciale.
En plus de se situer sur les routes commerciales entre l’Inde, l’Asie de l’Est, l’Europe et la côte est des États-Unis, l’expert souligne que l’un des principaux objectifs de la station logistique est de légitimer la présence russe au Soudan, précédemment assurée par des entreprises militaires privées ces dernières années.