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Un ancien colonel de police des Philippines a témoigné que le bureau de Rodrigo Duterte avait offert jusqu’à 16 000 euros aux policiers pour éliminer des suspects dans le cadre de sa « guerre contre la drogue », suscitant des appels pour que les preuves soient transmises à la Cour pénale internationale.
Témoignage accablant contre Duterte
Royina Garma, une ancienne colonel de police ayant des liens étroits avec Duterte, a fourni des éléments de preuve accablants contre l’ex-président. Elle a déclaré à un comité parlementaire la semaine dernière qu’il l’avait appelée en mai 2016 pour lui demander de trouver un policier capable de mettre en œuvre une « guerre contre la drogue » à l’échelle nationale.
Ce coup d’État national devait s’inspirer du modèle appliqué à Davao, où Duterte avait précédemment été maire. Selon Garma, ce « modèle de Davao » faisait référence à un système impliquant des paiements et des récompenses.
Un système de récompenses mortelles
Lors de son audition, Garma a expliqué que, selon ce « modèle », les policiers pouvaient gagner entre 20 000 pesos (environ 346 euros) et 1 million de pesos (environ 17 340 euros) par meurtre, selon la cible. Les récompenses n’étaient accordées que pour les meurtres, pas pour les arrestations.
Duterte a précédemment nié avoir autorisé des exécutions extrajudiciaires. Toutefois, il a souvent et publiquement menacé les trafiquants de drogues de mort avant et pendant sa présidence, tout en encourageant la population à éliminer les toxicomanes et les dealers.
Enquête internationale en cours
Les répressions antidrogues de Duterte, qui auraient entraîné la mort d’environ 30 000 personnes, principalement de jeunes hommes, font l’objet d’une enquête par la Cour pénale internationale. Cependant, le président Ferdinand Marcos Jr, qui a mené une campagne électorale conjointe avec la fille de Duterte, Sara Duterte, en 2022, a déclaré qu’il ne se conformerait pas à l’ICC.
Marcos Jr a insisté pour que les affaires soient traitées par les tribunaux philippins, qualifiant l’ICC de menace pour la souveraineté du pays.
Appels à une enquête approfondie
Kristina Conti, membre du National Union of People’s Lawyers, représentant plusieurs familles de victimes de la guerre contre la drogue, a déclaré que le gouvernement devrait soumettre les preuves à l’ICC et permettre à ses enquêteurs d’accéder à Garma, qui est actuellement en détention.
Elle a souligné que cela pourrait accélérer les enquêtes, en précisant qu’il y a une couche de processus judiciaires qui pourrait être évitée si les preuves étaient formellement référées par le gouvernement.
Relations tendues entre les familles Duterte et Marcos
Les relations entre les dynasties Marcos et Duterte se sont détériorées ces dernières années, et les analystes estiment qu’il est possible que Marcos expose Duterte à des poursuites s’il pense que cela serait politiquement avantageux.
Lors d’une audience d’un comité de la Chambre des représentants, Garma a révélé avoir reçu un appel de Duterte en mai 2016, lui demandant de le rencontrer à sa résidence à Davao. Elle a déclaré avoir été en contact avec Duterte, ayant servi comme commandant de station dans une des commissariats de Davao pendant son mandat.
Des accusations lourdes
Garma a affirmé que durant leur rencontre, Duterte lui avait demandé de localiser un agent de la police nationale philippine membre de l’Iglesia Ni Cristo, pour mettre en œuvre la guerre contre la drogue à l’échelle nationale, reproduisant le modèle de Davao.
Elle a précisé que ce modèle impliquait trois niveaux de paiements. Le premier était la récompense pour la mise à mort du suspect, le second le financement d’opérations planifiées, et le troisième le remboursement des frais opérationnels.
Inquiétudes concernant la justice locale
Les groupes de défense des droits humains et les avocats représentant les familles des victimes affirment que les agences nationales ne peuvent pas être dignes de confiance pour fournir une véritable justice. Conti a exprimé ses inquiétudes sur les enquêtes internes, soulignant que les enquêteurs pourraient être impliqués dans les affaires qu’ils examinent.
Carlos Conde, chercheur senior à Human Rights Watch, a également déclaré que l’on ne pouvait s’attendre à ce que les agences de maintien de l’ordre réalisent une enquête honnête et impartiale sur ces meurtres.