Selon deux universitaires américains, l’attaque du mouvement de résistance islamique, Hamas, contre Israël le 7 octobre dernier, fut un “succès tactique remarquable”. Ils s’interrogent sur ce que le mouvement pourrait prétendre avoir accompli malgré le fait que l’armée israélienne renforce constamment son emprise sur Gaza, laissant de nombreuses parties de la région en ruines et plus de 19 000 Palestiniens martyrisés.
Les chercheurs Daniel Byman et Delaney Davis — le premier étant professeur à la School of Foreign Service de l’Université de Georgetown et le second étudiant en Master au programme d’études de sécurité de la même institution — estiment qu’il est utile d’examiner les réussites et les échecs de Hamas en se concentrant sur trois dimensions différentes : son conflit avec Israël, l’arène intérieure palestinienne et sa stature sur la scène internationale.
Succès contre Israël
Concernant son affrontement avec Israël, l’assaut d’Hamas le 7 octobre a infligé des souffrances à Israël et a brisé son sentiment de sécurité, ces deux éléments faisant partie des objectifs du mouvement. L’attaque a révélé la croyance erronée du gouvernement de Benjamin Netanyahu, qui supposait que le mouvement manquait de volonté et de capacité pour lancer une offensive à grande échelle contre Israël.
Cette supposition a conduit Israël à être mal préparée face à la grande offensive de Hamas, et son échec en matière de renseignement a été un succès bien plus important que celui anticipé par les planificateurs du mouvement. Cela laisserait des cicatrices psychologiques profondes sur les Israéliens et forcerait Tel-Aviv à reconsidérer sa stratégie de sécurité.
De plus, la réponse d’Israël pourrait renforcer la position d’Hamas, car le mouvement a réussi à replacer la question palestinienne au cœur de l’actualité mondiale. La campagne militaire israélienne à Gaza — malgré ses coûts élevés pour les civils — maintient le dossier palestinien au premier plan.
Les offensives terrestres servent également la narration d’Hamas sur l’agression israélienne, isolent Israël de ses voisins et exacerbent les tensions régionales. À long terme, le conflit aidera à forger une nouvelle génération de Gazaouis qui ont des griefs contre Israël, ce qui pourrait fortifier le soutien à Hamas à l’avenir.
Succès au sein de la communauté palestinienne
Hamas a revigoré l’image de la résistance auprès du peuple palestinien, et ses attaques réussies ont renforcé le soutien à la résistance en général et redoré son blason.
Des sondages limités menés auprès des Palestiniens de Gaza et de la Cisjordanie ainsi que des rapports narratifs indiquent un puissant soutien à l’attaque du 7 octobre, et la riposte israélienne à la fois à Gaza et en Cisjordanie a provoqué la colère de nombreux Palestiniens qui ne soutiennent pas Hamas.
L’échange de prisonniers palestiniens contre des Israéliens capturés par Hamas pendant l’attaque est une victoire tangible pour le mouvement, qui peut arguer que ses attaques – et non les négociations de l’Autorité palestinienne rivale – ont mené à la libération des prisonniers.
Succès internationaux
Les chercheurs considèrent que la cause palestinienne est devenue aujourd’hui un sujet central, après avoir été reléguée au bas de la liste des priorités mondiales. La réponse d’Israël à l’offensive de Hamas renforce les récits qui dépeignent Israël comme une force d’occupation oppressant brutalement les Palestiniens. La persistance du conflit et la crise humanitaire qui en découle à Gaza nuisent à l’image d’Israël dans la région et augmentent le soutien à ses opposants, y compris l’Iran, suspendant temporairement les discussions de normalisation soutenues par les États-Unis entre Israël et l’Arabie Saoudite.
Des destructions causées par les bombardements israéliens dans le quartier de Rimal au nord-est de Gaza (Al Jazeera)
Hors du Moyen-Orient, la guerre a suscité un soutien notable pour la cause palestinienne, avec des manifestations de soutien aux Palestiniens à travers l’Europe. Avec quelques exceptions, le Sud global a adopté le récit palestinien, représentant la guerre comme l’attaque d’un État puissant contre un peuple désarmé, tout en exprimant des regrets pour ce qui est souvent perçu comme l’hypocrisie de l’Occident, qui défend l’Ukraine mais ignore les droits des Palestiniens.
Les chercheurs ajoutent que Hamas peut même revendiquer certaines victoires aux États-Unis. Bien que la plupart des Républicains et le président américain Joe Biden aient soutenu Israël, le parti Démocrate est divisé, les Démocrates plus jeunes critiquant particulièrement Israël.