Des négociations à Genève pour un soutien humanitaire au Soudan
À Port-Soudan, en l’absence du gouvernement soudanais, des acteurs internationaux et régionaux se sont engagés dans des discussions visant à mettre fin à la guerre et à acheminer l’aide humanitaire vers le Soudan. Des observateurs considèrent cette initiative comme une première étape vers une pression qui pourrait conduire à une intervention humanitaire dans le pays, que ce soit par l’intermédiaire de l’ONU ou par les États-Unis seuls.
Les consultations ont commencé, hier mercredi, à Genève, avec la participation des États-Unis, de Suisse, d’Arabie Saoudite, des Émirats Arabes Unis, d’Égypte, de l’ONU et de l’Union Africaine. Les négociations entre l’armée et les Forces de soutien rapide étaient également au programme.
Les discussions devraient durer plusieurs jours et visent à concevoir un plan humanitaire ainsi que des arrangements pour un cessez-le-feu au Soudan, avec la participation d’experts et de techniciens.
Mise à jour des négociations
Dans un communiqué commun, les participants ont promis de « travailler assidûment en Suisse à travers des efforts diplomatiques intensifs pour soutenir le Soudan, permettre l’accès à l’aide humanitaire et cesser les hostilités, conformément aux résultats précédents de l’initiative de Djeddah et d’autres efforts, ainsi qu’au droit international humanitaire ».
Le contingent militaire soudanais a été absent des discussions, affirmant son attachement à l’application de l’« Accord de Djeddah » signé en mai 2023 sous l’égide des États-Unis et de Riyad, dans le but de mettre fin à la guerre.
De son côté, « la soutien rapide » a précisé que sa délégation de négociation était arrivée en Suisse mardi dernier à l’invitation des États-Unis pour « parvenir à un cessez-le-feu, faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et développer un mécanisme de suivi et de vérification pour garantir l’exécution de tout accord ».
Engagement des États-Unis
Le représentant spécial des États-Unis pour le Soudan, Tom Perriello, a déclaré que les discussions à Genève se concentrent sur la conformité des parties à leurs engagements de Djeddah et leur mise en œuvre, le respect du droit humanitaire international, l’acheminement de l’aide, et mettre fin aux combats, tout en se concentrant sur la sauvegarde des vies et l’allégement des souffrances des Soudanais, et en renforçant l’accès à l’aide ainsi que la création de mécanismes d’application pour obtenir des résultats concrets.
Il a souligné que la crise au Soudan a atteint des « niveaux de gravité sans précédent, des millions de personnes étant confrontées à la famine et au déplacement, tandis que le conflit en cours a entraîné une large gamme d’atrocités, y compris des attaques contre des femmes et des enfants ».
Préparation d’une intervention
Des rapports indiquent que Washington envisage de mettre une pression nouvelle sur l’armée en appelant l’ONU à autoriser les agences humanitaires à acheminer de l’aide à travers les frontières et les zones de conflit sous une protection internationale, ainsi qu’à activer la décision du Conseil de sécurité interdisant le survol militaire au-dessus du Darfour.
Cependant, Shams al-Din Kabbashi, membre du Conseil de souveraineté et vice-commandant de l’armée, a affirmé la capacité de l’armée à mettre fin à « la rébellion des milices de soutien rapide et à purifier le pays de leur souillure et de leur criminalité ». Il a indiqué, lors d’une déclaration faite hier mercredi, que les forces armées ne prêteront pas attention aux pressions exercées sur elles et ne participeront pas aux négociations avec les Forces de soutien rapide tant que l’Accord de Djeddah n’est pas respecté.
Tensions et critiques
Selon le chercheur politique Faisal Abdel Karim, les consultations à Genève constituent une tentative de l’administration américaine d’exercer des pressions sur l’armée pour l’inciter à se rendre à la table des négociations avec les Forces de soutien rapide afin d’atteindre un « succès politique » qui lui soit attribué, tout en envoyant un message au leadership soudanais pour qu’il fasse marche arrière sur son rapprochement avec la Russie.
Il a déclaré à Al Jazeera Net que ces consultations pourraient être le prélude à une intervention humanitaire au Soudan par le biais d’une résolution du Conseil de sécurité, similaire à ce qui a été réalisé en Syrie, ou par Washington seul en cas d’opposition de la Russie ou de la Chine sur ce point.
Des préoccupations sur l’issue
Le chercheur Abdel Karim anticipe qu’un mouvement international sera accompagné d’une intensification des opérations militaires de la part des Forces de soutien rapide, « cherchant à profiter du boycott des négociations par l’armée pour l’attribuer à un refus de paix, ainsi qu’à réaliser des gains politiques et militaires mettant l’homme fort du Conseil de souveraineté et du commandement militaire, Abdel Fattah al-Burhan, sous pression.
Cependant, le rédacteur en chef du journal « Al-Yawm Al-Tali », l’écrivain Taha Satti, considère que les discussions de Genève, en l’absence de l’armée, sont un signe de leur échec, ce qui signifie que ces parties « négocient entre elles sans contribuer à la résolution de la crise soudanaise ».
Il a déclaré à Al Jazeera Net que toute tentative de faire passer une aide humanitaire sans consultation avec le gouvernement soudanais et sans accord avec lui violerait la souveraineté nationale et enfreindrait le droit international. Selon lui, l’échec des parties prenantes à mettre en œuvre l’Accord de Djeddah pour protéger les civils conformément au droit international humanitaire, tout en passant à de nouvelles négociations, illustre « le manque de sérieux de ces parties dans la résolution de la crise soudanaise ».