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Débat sur la réforme des lois personnelles en Irak et ses enjeux
La réalité de nombreux enfants en Irak se transforme soudainement. Une fillette, qui attendait impatiemment le lever du soleil pour jouer dans la cour de sa maison, ne pouvait imaginer qu’un jour, un homme du même âge que son père viendrait demander sa main. Sa famille, en acceptant cette demande, change le cours de sa vie, passant d’une enfance insouciante à des responsabilités écrasantes.
Cette histoire, tragique, n’est pas seule ; des dizaines de jeunes filles affronteront ce même destin si le Conseil des députés irakien adopte le projet de modification de la loi sur le statut personnel, qui suscite controverses et inquiétudes au sein de la société. Bien que des pressions au sein et en dehors du parlement aient conduit à un report de l’examen de la proposition de modification de l’article 57 de la loi de 1957, les craintes demeurent. Certains redoutent que cela ne serve de porte d’entrée à la désintégration de la famille irakienne et à la destruction de l’enfance elle-même.
Le premier signe de résistance a pris la forme de manifestations devant le conseil, où des citoyens ont appelé à rejetter ce projet de loi, le qualifiant de retour à l' »ère des esclaves ».
« Un projet de loi qui renforce la sectarisation »
Dans un entretien accordé à « Al Jazeera », le cheikh Mustafa Al-Biyati, président de la Ligue des imams d’Al-Azamiyah, a demandé que le projet de loi soit retiré « pour préserver l’unité de l’Irak et pour sauvegarder la dignité de la femme irakienne face à ceux qui ne respectent pas cette dignité ».
Selon cet homme de foi, les discussions au sein du parlement au sujet de la loi sur le statut personnel semblent renforcer la sectarisation, alors même que les Irakiens tentent de s’en distancer. « Ce projet va à l’encontre des traditions de notre pays, qui se fondaient autrefois sur des normes sociales », a-t-il déclaré.
Il a également insisté sur le fait qu’il n’y a pas besoin de lois qui creusent les divisions entre les membres d’une même nation.
Un rejet ferme du côté féminin
La citoyenne Wiyhad Mustafa Qassim, diplômée en éducation sportive, a exprimé son indignation : « Ce projet de loi favorise un groupe particulier dont nous ignorons les véritables intentions. Pourquoi ne pas se concentrer sur l’éducation et le développement de nos enfants plutôt que sur des mariages précoces ? Nous savons que ce genre d’expériences mène inévitablement à des divorces. »
Elle a également soulevé des questions quant aux implications du projet de loi sur les enfants, en s’interrogeant : « Est-il raisonnable de penser qu’une fille de 9 ans, physiologiquement mature, ait la capacité de gérer un foyer à 11 ou 12 ans ? »
Wiyhad a rappelé que les tribunaux existent pour protéger les droits de toute la famille, et non seulement ceux des femmes. Elle a plaidé pour un refus collectif de cette loi, qui ajouterait davantage de problèmes à un pays déjà en difficulté.
« Cela va détruire l’enfance et accroître l’analphabétisme »
L’enseignante de l’Université de Bagdad, Taiba Slim, a averti sur les conséquences désastreuses du mariage précoce, affirmant qu’il « tue l’enfance des filles et leur prive de la possibilité d’une vie normale ». Elle a ajouté que la loi en question aggraverait le retard et l’analphabétisme au sein de la société.
L’enseignant Ahmed Haloul a dénoncé le caractère injuste de la loi, la qualifiant de régression pour un pays qui a une longue histoire de respect des droits. « Personne dans la société irakienne ne sera d’accord avec cela », a-t-il déclaré, insistant sur le fait que, malgré les inégalités et les injustices, les valeurs traditionnelles de la famille irakienne subsistent.
« Pas en contradiction avec les principes religieux et démocratiques »
D’un autre côté, la Coalition de coordination chiite a exprimé son soutien à la loi sur le statut personnel. Dans une déclaration récente, ils ont encouragé le parlement à poursuivre la lecture de cette loi, affirmant qu’elle réglemente des questions pertinentes pour chaque secte ou religion sans abroger la législation existante.
Un représentant de ce groupe, le cheikh Wissam Al-Sabahiyah, a affirmé que « le mariage précoce est permis par la loi islamique, et les débats actuels ne devraient pas remettre en question ce principe ». Cette vision du mariage, selon le cheikh, s’applique sans problème dans le cadre de la société actuelle.