Beirut – Lorsqu’elle a été blessée aux côtés du caméraman Elie Barkehia, Carmen Jokhadar, correspondante d’Al Jazeera au Liban, a déclaré que les forces d’occupation israéliennes avaient délibérément pris pour cible l’équipe d’Al Jazeera à plusieurs reprises en raison de sa clarté dans la transmission des faits et des événements à l’antenne. Cependant, cet ciblage ne fera qu’accroître notre passion et notre détermination à continuer de rapporter la vérité.
Jokhadar a également déclaré dans une interview avec Al Jazeera Net que l’occupation israélienne avait délibérément ciblé et assassiné plus de 20 journalistes palestiniens lors de sa guerre contre Gaza, ainsi que la famille du correspondant d’Al Jazeera, Wael Dhadouh, et auparavant la correspondante d’Al Jazeera, Shireen Abu Akleh. Elle travaillera néanmoins à diffuser la vérité selon laquelle l’occupation commet un crime de guerre en visant les journalistes. Elle a souligné que ce qui l’encourage et la motive, c’est qu’Al Jazeera a dès le début adopté une position ferme et résolue selon laquelle Israël est responsable du ciblage de ses journalistes, tandis que d’autres médias ont fait preuve de réticence ou de silence face aux crimes subis par leurs propres équipes journalistiques.
État de santé de Carmen Jokhadar
Lorsqu’elle a été interrogée sur son état de santé, Carmen Jokhadar a déclaré qu’elle avait subi plusieurs interventions chirurgicales et qu’elle se rétablissait, bien que certaines complications se soient produites, notamment des infections. On soupçonne qu’un éclat de projectile se trouve dans son pied gauche et des radiographies et des examens médicaux seront effectués la semaine prochaine pour confirmer cette hypothèse, car elle ressent des douleurs lorsqu’elle marche. Il est important de souligner que l’état médical du caméraman d’Al Jazeera, Elie Barkehia, est plus grave et qu’il nécessite plusieurs interventions chirurgicales.
Le bombardement délibéré de l’équipe d’Al Jazeera
Le 7 octobre dernier, plusieurs équipes d’Al Jazeera étaient déployées le long des frontières sud du Liban avec Israël. Carmen Jokhadar se trouvait dans l’équipe basée dans la région de Naqoura. Les deux premiers jours étaient relativement calmes dans cette zone, puis le lundi 9 octobre, un changement dramatique s’est produit dans le secteur de Naqoura après une tentative d’infiltration menée par les Brigades Al-Quds, la branche militaire du Jihad islamique.
L’équipe d’Al Jazeera se trouvait dans la région de Marounine, sans aucune autre équipe de journalistes ni autres personnes alentour. En réalité, ils étaient à proximité d’une base temporaire des forces de la FINUL (Force Intérimaire des Nations Unies au Liban). Cependant, ils ont été directement pris pour cible lorsque, alors qu’ils étaient en direct, une roquette israélienne est tombée tout près d’eux, causant de graves dommages à leur véhicule d’Al Jazeera. Israël bombardait tout le long de la bande frontalière avec des obus d’artillerie à ce moment-là, mais le bombardement du 9 octobre était une attaque directe avec un missile, ce qui a confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une erreur mais d’un ciblage délibéré de l’équipe d’Al Jazeera.
L’incident au camp de réfugiés d’Al Burj
Le vendredi 13 octobre, l’équipe d’Al Jazeera était au camp de réfugiés palestiniens d’Al Burj, dans la ville de Sour (Tyr), pour couvrir un événement de solidarité avec les habitants de Gaza. Après la fin de la couverture, ils sont retournés à Naqoura et se sont dirigés vers le village d’Alma Al Shaab, où ils ont diffusé en direct les bombardements. Plus tard, l’équipe de Reuters et l’équipe de l’Agence France Presse (AFP) ont rejoint Al Jazeera. Pendant la deuxième diffusion en direct, vers 17h15, ils ont filmé un hélicoptère Apache israélien survolant la ville.
Carmen a déclaré en direct que cet hélicoptère effectuait peut-être des reconnaissances ou avait une autre mission. Après la fin de la diffusion en direct, l’hélicoptère a lancé sans avertissement le premier missile qui a touché directement le collègue de Carmen, le photographe d’AFP Issam Abdullah, le tuant instantanément. Quelques secondes plus tard, un autre missile est tombé directement sur la voiture d’Al Jazeera, blessant Carmen et ses autres collègues. La raison pour laquelle les blessures de Carmen étaient moins graves que celles de ses collègues était qu’elle s’était éloignée de la voiture après le premier missile. Après cela, ils ont contacté les forces militaires et les secours, mais l’arrivée des secours a été retardée d’une demi-heure en raison du brouillage par Israël des systèmes de navigation GPS.
Les effets du ciblage sur Carmen Jokhadar
Carmen Jokhadar a déclaré que lorsqu’une personne est délibérément ciblée et victime d’une telle injustice et d’une telle cruauté sans cause apparente, cela l’affecte émotionnellement et physiquement. Cependant, cela renforce également sa volonté et sa détermination à aider les victimes.
Elle a souligné que ce n’est pas une roquette qui détermine le parcours d’une personne et affecte sa carrière, mais au contraire, cela renforce sa détermination et son désir de continuer à rapporter la vérité. Ce qui l’encourage le plus, c’est qu’Al Jazeera a adopté dès le début une position ferme selon laquelle Israël est responsable du ciblage de ses journalistes, tandis que d’autres médias ont montré de la réticence ou gardé le silence.
Diffuser la vérité
Il est important que le monde sache les crimes commis par les forces d’occupation israéliennes à l’encontre des journalistes et du peuple palestinien. Nous menons une bataille pour confronter le récit de l’occupation et révéler la vérité au monde arabe et international.
Ces efforts peuvent-ils être utiles, surtout lorsque les assassins de Shireen Abu Akleh n’ont pas encore été tenus pour responsables et que l’Occident soutient et protège Israël ? Israël croit qu’il est au-dessus de toute responsabilité, et nous savons que le condamner ou le tenir responsable est presque impossible pour le moment. Cependant, ce crime de guerre, qui s’ajoute aux innombrables violations commises par Israël à l’encontre des journalistes, est une preuve supplémentaire que nous devons travailler à la formation de nouvelles normes pour faciliter ou forcer les journalistes à travailler avec une plus grande liberté, en particulier ceux qui opèrent dans les territoires palestiniens occupés et subissent de nombreuses violations de la part d’Israël.
Carmen Jokhadar souhaite également souligner que bien qu’Israël ait tué Shireen Abu Akleh pour faire taire sa voix et ait même attaqué son corps lors de ses funérailles, Shireen était très présente depuis le début de la bataille du soulèvement d’Al-Aqsa. L’occupation a même démoli la rue Shireen Abu Akleh lors de l’assaut de la ville de Jenin en Cisjordanie. Cela prouve que Shireen, par son travail, ses idées et ses convictions, a beaucoup dérangé l’occupation, ce qui l’a conduite à être assassinée, ainsi que d’autres journalistes. Aujourd’hui, la bataille est une bataille narrative et en exposant les crimes de l’occupation et en proposant un récit alternatif selon lequel Israël commet un crime de guerre, nous contribuons grandement à changer l’opinion publique dans le monde.
Réponse internationale
Depuis le premier jour de l’incident, Carmen Jokhadar a coopéré avec des organisations internationales de défense des droits humains, notamment Amnesty International, Human Rights Watch et Reporters Sans Frontières, en leur expliquant les détails de l’incident. Les premiers résultats sont venus de Reporters Sans Frontières, qui a accusé Israël dans son enquête préliminaire sur l’incident du ciblage de l’équipe d’Al Jazeera au Liban.