Sommaire
Indemnisation des leaders, une marque de la résilience renouvelée de la résistance palestinienne après l’assassinat d’Al-Arouri
Chaque enfant en Palestine est un leader », c’est ainsi que « Oum Qutaiba », la sœur de Saleh al-Arouri, le vice-président du bureau politique du mouvement Hamas, qui a été assassiné à Beyrouth mardi dernier, a exprimé sa résilience. Tandis qu’elle cherchait à minimiser l’enthousiasme d’Entité sioniste pour la mort de son frère, elle surmontait la douleur de la séparation, le chagrin de la perte et la tristesse du deuil.
Mais ce défi est fondé sur la réalité – et même si certains pourraient y voir une exagération ou une tentative de montrer de la cohésion et de la consolation – cette vérité repose sur trois éléments clés:
La rigueur de l’environnement social
Le premier élément est la dureté de l’environnement social; l’enfant palestinien vient au monde dans un contexte social alourdi par les défis graves découlant de l’occupation, et alimentés par les récits des anciens sur leurs expériences difficiles. Ces circonstances ne lui permettent pas de vivre pleinement son enfance; à la place, il brûle les étapes vers des préoccupations et des responsabilités que seul les adultes et les jeunes adultes portent dans d’autres sociétés.
Avec une expérience de vie intensifiée, l’enfant palestinien se trouve forcé de supporter, de décider et de choisir, comme s’il n’était plus un enfant mais devait porter sur ses épaules une partie du poids de la cause de son peuple, apprenant à le faire de bon cœur et sans hésiter.
Succession du leadership
Le deuxième élément est la loi de résistance héréditaire; les sociétés qui forment un environnement propice aux groupes ou organisations de résistance intègrent leurs enfants comme partie intégrante de ce soutien. Ils sont alloués à des rôles dans la transmission des messages et parfois des fournitures, et sont constamment obligés de vivre comme de petits résistants, en attendant de prendre place lorsqu’ils grandissent en jeunes hommes. Leur rôle ne se limite pas à porter des armes mais inclut également des tâches vitales pour une communauté en résistance, même si cela implique de cultiver des terres, de travailler dans un atelier ou de s’impliquer dans l’éducation et l’inculcation de l’amour de la lutte.
Pratiques des organisations politiques secrètes ou publiques
Le troisième élément concerne les pratiques des organisations politiques secrètes ou ouvertes. Ces groupes élèvent leurs disciples dans une hiérarchie, sachant que leurs hommes sont poursuivis et peuvent être tués, emprisonnés ou exilés à tout moment. Ils doivent alors préparer des remplaçants en conséquence, prêts à combler les vides rapidement.
Les organisations à idéologie religieuse ne font pas exception à cette règle et l’appliquent peut-être même avec plus de rigueur, comme le montre leur expérience, non seulement en Palestine, mais aussi dans tous les pays islamiques où elles ont existé dans le danger ou se sont engagées dans de graves défis.
Cible continue
Dans les territoires palestiniens occupés, les défis augmentent naturellement pour de telles organisations ou factions car elles sont visées en permanence, ne disposant jamais de répit pour respirer, et sont tenues à un militantisme incessant. Elles doivent constamment maintenir une vigilance instinctive de survie face à de graves difficultés de mobilisation et de recrutement.
Il y a trois questions clés concernant la capacité de la résistance palestinienne à compenser ses dirigeants, ou à combler le vide causé par la perte de certains d’entre eux:
Le premier est que ces organisations se sont habituées à la mort non biologique de leurs dirigeants; ils ne peuvent pas compter sur une longue vie jusqu’à la vieillesse, car ils peuvent être emportés par la mort à tout moment. Le second concerne la richesse de l’exposition aux compétences d’acquisition de leadership au sein des mouvements de résistance; en plus de la formation en leadership, le style de guérilla adopté par la résistance permet à l’individu de prendre des décisions par lui-même dans le combat. Et le troisième point concerne la composition démographique des acteurs armés; ils doivent tous être jeunes et capables de combattre.
Un parcours long et pénible
Les mouvements de résistance palestiniens ont dû enrichir en permanence leur vie avec deux types de leadership; le premier étant des leaders militaires sur le terrain issus d’une formation rigoureuse, et le second des leaders politiques capables d’une communication fluide et d’une certaine liberté de mouvement. Ils traitent avec l’intérieur palestinien pour organiser ses affaires et avec le monde extérieur pour la représentation politique et la négociation.
Les visages de ces leaders figurent sur le mur de la lutte palestinienne pendant un certain temps, mais on est surpris un matin de les retrouver disparus. Qui peut alors prendre la relève? Peu de temps après, un nouveau visage apparaît pour remplir cette lacune.
Les mouvements de résistance sont conscients que leur parcours vers la libération est long et pénible, et par conséquent, ils agissent comme les compagnies aériennes qui fournissent au pilote un copilote non moins qualifié, capable de mener l’avion à sa destination en cas de besoin.
Naturellement, toutes les sociétés saines et les états forts ont la capacité de générer des alternatives, y compris en leadership. Cependant, pour les factions de résistance, cela est différent en deux aspects: le premier est que le leadership est souvent plus un fardeau et non un butin, en particulier pour les leaders militaires ou sécuritaires qui risquent leur vie à tout moment. Le deuxième aspect différencié est que le remplacement des leaders chez les résistants est plus rapide.
Un destin commun
Cela ne signifie pas que la résistance ne perd pas en perdant certains de ses leaders, en particulier les plus brillants et les plus courageux. Mais cela fait partie de son destin et peut souvent être bénéfique. Car l’assassinat, aussi violent soit-il, donne à ses leaders l’occasion de démontrer qu’ils partagent le même sort que la communauté qui les soutient, et que leur sang n’est pas plus précieux que celui des personnes qui croient en eux.
Saleh al-Arouri a été martyrisé à un moment où les voix s’élèvent pour critiquer la résistance en suggérant que ses leaders vivent dans le luxe à l’étranger, tandis que les habitants de Gaza souffrent. Son assassinat répond à ces voix, surtout qu’Al-Arouri lui-même avait parlé avant sa mort de la possibilité d’être tué en exil, une perspective qu’il anticipait et ne craignait pas.
Pour toutes ces raisons, l’assassinat d’Al-Arouri ne représente pas un grand gain pour Entité sioniste ni ne constitue une victoire déterminante qu’elle pourrait revendiquer à Gaza; ce n’est qu’une couverture superficielle pour les faiblesses de son armée, qui se révèlent de plus en plus depuis le lancement de « l’intifada Al-Aqsa » le 7 octobre 2023.