Dans une affaire controversée, un tribunal cambodgien a reconnu coupables un groupe d’activistes environnementaux d’avoir comploté contre le gouvernement et insulté le roi.
Les 10 activistes, membres du groupe de conservation Mother Nature, ont été condamnés lundi à des peines de six à huit ans de prison. Des ONG de droits de l’homme ont affirmé que le procès visait à « faire taire les critiques des politiques gouvernementales ».
Les accusations portent sur l’activisme de Mother Nature entre 2012 et 2021, documentant la pollution présumée dans la rivière Tonle Sap, qui se jette dans le plus grand lac d’eau douce d’Asie du Sud-Est et constitue un important pôle de pêche.
Le groupe a également soulevé des problèmes liés à l’assèchement de lacs à Phnom Penh, à l’abattage illégal d’arbres et à la destruction des ressources naturelles à travers le pays.
Les accusations supplémentaires d’outrage au roi, visant trois des activistes, concernent une réunion interne Zoom qui a filtré concernant le dessin politique.
Après le verdict, quatre des accusés ont été arrêtés par la police à l’extérieur du tribunal, a rapporté l’AFP.
Six autres ont été condamnés par contumace, dont le cofondateur de Mother Nature, Alejandro Gonzales-Davidson. Ce ressortissant espagnol a été expulsé du Cambodge il y a près d’une décennie.
Des volontaires ramassent des déchets sur un bateau sur la rivière Tonle Sap à Phnom Penh, le 17 septembre 2022 [Tang Chhin Sothy/AFP]
‘Inhumain et cruel’
L’incarcération des activistes survient alors que les préoccupations concernant la liberté d’expression au Cambodge sous le Premier ministre Hun Manet, arrivé au pouvoir l’année dernière après des décennies de règne de son père, Hun Sen, sont de plus en plus vives.
Human Rights Watch (HRW) a condamné le mois dernier le procès comme une tentative de « faire taire les critiques des politiques gouvernementales ».
« Ce régime n’est pas seulement déconnecté de la réalité, il nous a également montré à quel point il peut être inhumain et cruel envers ceux qui osent défendre ce qui est juste », a déclaré Gonzales-Davidson à Reuters.
Le gouvernement a précédemment nié que le procès avait des motivations politiques, affirmant ne pas poursuivre les critiques, mais uniquement ceux qui commettent des crimes.
La lutte pour protéger ou exploiter les ressources naturelles du Cambodge est depuis longtemps une question litigieuse dans le royaume, les écologistes étant menacés, arrêtés voire tués au cours de la dernière décennie.
Trois des activistes condamnés mardi avaient déjà été emprisonnés pour avoir organisé une marche pacifique protestant contre l’assèchement d’un lac dans la capitale pour créer des terrains de développement immobilier.
De 2001 à 2015, un tiers des forêts primaires du Cambodge – parmi les plus biodiverses au monde et un principal puits de carbone – ont été défrichés, et la perte de couverture forestière s’est accélérée plus rapidement que partout ailleurs dans le monde, selon le World Resources Institute.
Une grande partie des terres défrichées ont été attribuées à des entreprises dans le cadre de concessions qui, selon les experts, ont entraîné la déforestation et la dépossession dans le pays.