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Réduction des exonérations de cotisations sociales au SMIC
Les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer, mandatés par Matignon, proposent une réforme audacieuse visant à réduire les exonérations de cotisations sociales applicables aux salariés au SMIC. Une telle initiative intervient après trois décennies de baisses quasi ininterrompues des allègements de charges.
Contexte politique et économique
Le gouvernement dirigé par Michel Barnier souhaite-t-il réussir à « desmicardiser » la France ? Lors de son discours à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a présenté sa stratégie en matière de travail aux députés de la nouvelle législature. Il a déclaré : « Il est désormais démontré que notre dispositif d’allègement de charges freine la hausse des salaires au-dessus du SMIC : nous le reverrons ». Face à un contexte budgétaire tendu, l’exécutif envisage des hausses d’impôts ciblant principalement les ménages aisés et les grandes entreprises, tout en excluant d’aggraver la fiscalité des classes moyennes et les plus modestes.
Croissance du nombre de salariés au SMIC
La part des salariés rémunérés au SMIC a connu une forte augmentation, atteignant presque 17 % en 2023, contre 14 % en 2022 et 12 % en 2021, selon les derniers chiffres du ministère du Travail. Cette montée s’explique par la revalorisation automatique des salaires minimums, indexée sur l’inflation. En revanche, de nombreux travailleurs percevant des salaires supérieurs au SMIC n’ont pas vu leurs revenus augmenter au même rythme que l’inflation. Cette situation a conduit à un tassement des grilles salariales.
Propositions des économistes pour desmicardiser
Pour remédier à cette situation, Bozio et Wasmer recommandent une réduction de quatre points des exonérations de cotisations sociales pour les salariés au SMIC. Ils suggèrent également de supprimer les exonérations sur les cotisations familiales et maladies pour les salaires dépassant 1,6 SMIC. L’objectif est de diminuer le coût des augmentations salariales pour les employeurs. Par exemple, pour une hausse de 100 euros, le coût pour l’employeur passerait de 242 euros à 215 euros pour les salaires inférieurs à 1,6 SMIC. À court terme, cette suppression pourrait représenter un gain financier pour les finances publiques, bien que les effets à moyen terme sur la création d’emplois demeurent incertains.
Impact potentiel sur l’emploi
Les économistes estiment que les impacts sur l’emploi seraient relativement modestes, avec des destructions d’emplois pouvant aller de 10.000 à 20.000 équivalents temps plein (ETP). Antoine Bozio affirme : « Les effets sur l’emploi net sont globalement positifs. Il y aura moins de postes au niveau du SMIC mais plus d’emplois au-delà de 1,2 SMIC ». Ainsi, on peut s’attendre à une diminution des emplois à bas salaire. Il précise que cette proposition, pour la première fois en 30 ans, vise à augmenter le coût du travail au niveau du SMIC, mais de manière progressive et contrôlée.
Secteurs économiques concernés
Les entreprises des secteurs tels que le nettoyage ou les services à la personne ont déjà exprimé des inquiétudes quant à cette remise en question des allègements de cotisations. Derrière ces coupes proposées, les économistes défendent une montée en gamme des emplois, une démarche essentielle alors que la productivité en France semble marquer le pas, bien qu’elle puisse avoir des répercussions sociales négatives à court terme.
Simplification des barèmes d’exonérations
Une autre piste suggérée par Bozio et Wasmer concerne la simplification des différents barèmes d’exonérations en vigueur. Actuellement, il existe 18 barèmes d’allégement de cotisations sociales, compliquant la compréhension de leur logique. Les économistes souhaitent ramener ce nombre à deux : l’un pour le régime général et un second pour les publics particulièrement sensibles au coût du travail. Cette démarche viserait à évaluer l’efficacité des exonérations mises en place depuis trois décennies, une recommandation également soutenue par la Cour des comptes dans ses rapports d’évaluation.