Crise du blé au Pakistan: la tension monte entre fermiers et gouvernement
Introduction
La crise du blé, aussi connue au Pakistan sous le nom de « scandale de l’importation de blé », continue de faire des vagues. Les fermiers sont en confrontation directe avec le gouvernement suite aux importations massives de blé, un acte qui a suscité des vagues de colère et des manifestations dans plusieurs régions du Pendjab, soutenues par certains partis d’opposition.
Contexte et Impact Économique
L’importance du secteur agricole dans l’économie pakistanaise ne peut être sous-estimée. Représentant plus de 24% du PIB et employant la moitié de la main-d’œuvre, le secteur agricole est également une source majeure de devises étrangères. Cette crise menace non seulement ce secteur mais aussi l’économie du pays tout entier. Le Pakistan, avec son taux de croissance démographique élevé, fait face à une production agricole qui progresse lentement, impactée par l’urbanisation et les inondations.
Le blé est la principale culture céréalière du Pakistan, occupant la plus grande surface cultivée. La culture du blé représente 7,8% de la valeur ajoutée de l’agriculture et environ 1,9% du PIB national.
Les Racines de la Crise
La crise actuelle trouve ses origines dans les actions du gouvernement intérimaire précèdent, en poste d’août 2023 jusqu’aux élections générales de février dernier. Ce gouvernement a importé 3,4 millions de tonnes de blé, coûtant plus de 300 milliards de roupies (1,07 milliard de dollars) au trésor public pakistanais. Cette importation massive a conduit à une saturation du marché, faisant chuter les prix et affectant directement les producteurs locaux.
Le gouvernement a réduit l’objectif d’achat, passant de plus de 4 millions de tonnes à un peu plus de 2 millions de tonnes, provoquant la colère des fermiers qui ont organisé des manifestations dans différentes régions du Pendjab, exigeant un prix subventionné de 3 900 roupies (14,08 dollars) pour chaque 40 kg de blé.
Des agriculteurs ont également soumis des pétitions à la Haute Cour de Lahore, et le Premier ministre Shehbaz Sharif a formé une commission d’enquête sur la question.
Soutien des Partis Politiques
Pour apaiser la situation, la Première ministre du Pendjab, Maryam Nawaz Sharif, a annoncé le 16 mai une aide de 400 milliards de roupies (1,4 million de dollars) pour les fermiers durant les quatre prochains mois, chaque agriculteur recevant 150 000 roupies (540 dollars).
Cette initiative a également reçu le soutien de plusieurs partis d’opposition. Certains ont réclamé la formation de commissions judiciaires pour enquêter sur le « scandale de l’importation de blé », tandis que d’autres ont incité à participer aux manifestations pour soutenir les agriculteurs.
Le parti Pakistan Tehreek-e-Insaaf a demandé la création d’une commission judiciaire de haut niveau pour enquêter sur ce scandale, affirmant que la commission fédérale actuelle visait à protéger les véritables coupables. Aziz Ahmed Khan Bachar, un leader de l’opposition au Parlement du Pendjab, a appelé à l’arrestation de l’ex-Premier ministre Anwar Haq Kakar à cause de cette crise.
Manque de Politiques Efficaces
Selon l’expert économique Usama Rizvi, les racines de cette crise sont principalement le manque de politiques appropriées, le manque de collecte de données fiables et l’absence de systèmes d’information qui pourraient prédire les contrastes entre la production prévue et le prix du marché.
Rizvi souligne que les conséquences de cette crise peuvent être graves pour le Pakistan, qui est le deuxième pays au monde le plus exposé à l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Depuis 2022, les prix mondiaux des aliments augmentent, comme le montre l’indice des prix alimentaires de la FAO. Si la crise s’aggrave, les citoyens pakistanais, déjà touchés par des prix de l’énergie élevés, risquent de faire face à des difficultés encore plus grandes.
Facteurs Environnementaux
Le Pakistan produit du blé sur environ 9,6 millions d’hectares, mais la production nationale ne parvient souvent pas à répondre aux besoins internes, ce qui pousse le pays à importer. Durant les dernières années, la consommation locale de blé variait entre 30 et 32,2 millions de tonnes, alors que la production oscillait entre 24 et 29,6 millions de tonnes.
En 2023-2024, la production locale a atteint 29,69 millions de tonnes, contre un objectif de 32,2 millions de tonnes. Les inondations de 2022 ont sévèrement affecté les principales régions de production de blé, le Pendjab et le Sindh, responsables de 77% et 15% de la production nationale respectivement.
La guerre en Ukraine a également perturbé les importations de blé, contraignant le Pakistan à acheter près de 1,5 million de tonnes à la Russie, après avoir importé 1,3 million de tonnes d’Ukraine en 2021-2022.
Conclusion
La crise du blé au Pakistan met en lumière les défis auxquels le secteur agricole national est confronté, exacerbés par des politiques déficientes et des importations excessives. Les fermiers, soutenus par l’opposition, continuent de lutter pour un soutien gouvernemental approprié, tandis que l’incertitude économique et alimentaire plane sur le pays.